Présent dans toutes les écoles et universités –à quelques rares exceptions près- le Bureau des Elèves (BDE) représente souvent l’association de référence de l’établissement, celle qui en anime la vie étudiante et que tout le monde connaît. A sa tête, le président du BDE remplit donc un rôle unique en son genre, tantôt de représentant des élèves, tantôt de chef d’équipe, tantôt d’interlocuteur avec l’administration. Pour en saisir davantage la complexité et la diversité, le Journal des Grandes Ecoles a interviewé 5 présidents de BDE, qui, tous, ont témoigné de ce qu’est leur quotidien. Voici quelques extraits de ces entretiens…
Simon Gaillard,
président du BDE de Sciences Po (25 membres) jusqu’en mai 2012
Quelle est la spécificité du BDE à Sciences Po ?
Ce lien étrange qu’on a avec l’administration…
Qu’est-ce qui t’a surpris dans ton rôle de président ?
Les responsabilités. On ne s’imagine pas les responsabilités qui incombent au président du BDE. Le pire, c’est le week-end d’intégration. On m’a même dit que si une fille tombe enceinte et qu’on ne connaît pas le père, c’est moi le père ! (rires) Le président du BDE a énormément de travail, de sacrifices à faire, surtout au niveau académique. Si on veut faire l’ENA, il ne faut pas faire le BDE. Au delà de ça, c’est très enrichissant sur le plan personnel, humain. On découvre une autre vision de Sciences Po, de ses élèves et de son administration.
Tes missions au quotidien ?
Avant tout, un rôle moteur avec ma vice présidente. Il faut que certains lancent les actions et secouent les autres sinon il ne peut rien se passer. Il y a aussi un rôle de communication externe, avec l’administration. C’est moi qui centralise toutes les demandes pour l’administration et qui les fait redescendre. Et enfin, c’est le bureau qui reprend le travail qui n’a pas été fait ou mal fait.
Ta manière de manager ?
Je suis assez flexible. Je dis les choses qui doivent être faites. Si les gens traînent, je le fais. Je ne m’amuse même pas à les réprimander. Je n’ai aucun moyen de coercition.
Quelles sont les trois qualités que doit posséder le président du BDE ?
L’humanité, le dynamisme et la créativité.
Ce qui te plait le plus dans ce que tu fais ?
C’est la relation avec les gens, les rencontres inopportunes. J’ai rencontré plein de personnes très bien que je n’aurais jamais rencontrées autrement.
Les difficultés principales auxquelles tu es confronté ?
C’est la frustration de voir que chaque fois les projets sont forcément modifiés ou balayés. A ce compte-là, on sert à quoi si on n’arrive pasà faire des projets ? Surtout que les étudiants nous attendent au tournant…
Matthieu Cutin,
président du BDE de Centrale Lyon (5 membres) jusqu’en janvier 2013
Quelles sont les spécificités du BDE à Centrale Lyon ?
En général le BDE organise des soirées, le week-end d’intégration, le gala, alors que chez nous c’est l’association des associations. Par ailleurs, nous ne sommes que 5.
Ce qui t’a donné envie de devenir président ?
Quand je suis arrivé à l’école, je ne pensais pas du tout faire le BDE. Je voulais être sur le terrain et je ne comprenais pas qu’on puisse s’enfermer dans un bureau et enchaîner les réunions. Donc j’ai fait l’association qui organise les soirées et je me suis alors aperçu que l’association ne tenait pas toute seule. Dès lors, ce qui m’a intéressé, c’était de voir les coulisses.
Tes missions au quotidien ?
C’est de prendre la température des élèves sur le campus, puis de faire la même chose du côté de l’administration, et enfin de prendre position par rapport aux projets de l’administration en défendant le point de vue des élèves.
Ta manière de manager ?
Moi en général je procède par une première étape qui est l’écoute de tous les points de vue. Ensuite, je les analyse et je prends une décision. Enfin, quelque chose que je n’avais pas compris au départ et qu’il a fallu que j’intègre, c’est qu’il faut convaincre et non imposer sa décision.
Quelles sont les trois qualités que doit posséder le président du BDE ?
Premièrement, une qualité d’écoute : il faut pouvoir être au contact des élèves. Deuxièmement, une qualité d’analyse parce que les attentes des élèves ne sont pas toutes les mêmes, et pas toujours réalistes et qu’il faut pouvoir voir ce qui est prioritaire et ce qui ne l’est pas. Et troisièmement, du charisme, particulièrement à l’extérieur, parce qu’on représente les élèves. Si le président parle dans sa barbe, on a l’impression que tous les élèves de son école le font aussi.
Ce qui te plait le plus dans ce que tu fais ?
C’est d’avoir beaucoup de responsabilités et donc de pouvoir avoir une vision globale, et de pouvoir donner mon point de vue un peu partout.
Les difficultés principales auxquelles tu es confronté ?
Pour moi, c’est la gestion d’une échelle à la fois géographique et temporelle. Il ne faut pas regarder juste le niveau national ou juste le niveau local, il faut bien mener les deux de front.
Fabien Dartnell,
président de l’Union des Elèves (UE) des Arts et Métiers ParisTech
(36 membres) jusqu’en juin 2012
Quelles sont les spécificités de l’UE aux Arts et Métiers ParisTech?
C’est la fédération des associations de tous les centres nationaux des Arts et Métiers. Ensuite, le budget énorme, de presque 3 millions d’euro. Et aussi la façon dont on travaille : l’UE n’a pas une place particulière en soirée, elle fait la queue comme tout le monde, ses membres ne sont pas mis en avant.
Ce qui t’a donné envie de devenir président ?
C’est vraiment le côté affectif, je voulais surtout rendre service. Il n’y a aucun avantage financier à être président, et professionnellement, ce n’est pas un énorme ascenseur (en tout cas, ce n’est pas pour ça qu’on se présente).
Quelles étaient tes attentes vis-à-vis du poste de président, et finalement, quelle a été la réalité ?
On m’avait dit que c’était chronophage et que du coup je ne profiterais pas de ma troisième année comme les autres. C’est vrai que ça prend du temps mais ce que je fais a des répercussions sur toutes les promos. Je crée des liens qui sont forts avec les élèves parce qu’ils savent que je les représente. Je suis un peu la proue du navire.
Ta manière de manager ?
Je souris tout le temps, je ne suis jamais dans le négatif. Selon les profils psychologiques, je corresponds au leader chaud, qui montre l’exemple et que l’on suit au combat.
Quelles sont les trois qualités que doit posséder le président de l’UE ?
Tout d’abord, être proche des ses camarades, ensuite, savoir serrer des mains, sourire et secomporter en public et enfin, ne pas compter son temps. Si tu n’es pas prêt à consacrer tout ton temps ou presque à l’UE, tu ne fais pas bien ton travail.
Ce qui te plait le plus dans ce que tu fais ?
Le contact avec les gens. On rencontre vraiment des tonnes de personnes.
Les difficultés principales auxquelles tu es confronté ?
Le temps, c’est l’élément crucial. Il faut savoir organiser vie scolaire, associative et sociale.
Benoît de Haas,
président du BDE de l’UTC Compiègne (20 membres) jusqu’en février 2012
Quelles sont les spécificités du BDE de l’UTC Compiègne ?
On n’a pas exactement le même fonctionnement que dans une école de taille moyenne. A l’UTC Compiègne, le BDE fédère les associations.
Ce qui t’a donné envie de devenir président ?
Quand je suis arrivé à l’UTC, les membres du BDE étaient moins de dix. Ils avaient une image gestionnaire, administrative, pas très rigolote. Avec des amis, on a essayé de dynamiser le BDE, de le relancer. Par ailleurs, comme je me suis pas mal impliqué dans la vie associative avant, c’était la consécration de finir président du BDE.
Tes missions au quotidien ?
Je suis un peu le moteur de l’équipe donc il y a tout l’aspect recrutement, puis tout l’aspect structuration de projet. Il y a aussi les relations avec l’administration et également s’assurer que toutes les tâches sont bien réalisées. C’est un rôle de manager de projet : gérer l’équipe, avoir une vision globale de la fédération, être au fait de tout.
Ta manière de manager ?
J’ai mes idées bien en place mais j’essaie quand même de bien guider les gens. J’ai un peu un aspect dictateur mais c’est un folklore qu’on créé pour amuser les élèves. En réunion, il faut faire attention à donner la parole à tout le monde dans la limite du temps imparti.
Quelles sont les trois qualités que doit posséder le président du BDE ?
Etre un leader, être très rigoureux parce qu’on représente un grand nombre de personnes et être cool pour donner envie aux gens de s’investir dans les associations.
Ce qui te plait le plus dans ce que tu fais ?
L’aspect de la formation et de passation de l’énergie aux nouveaux arrivants.
Les difficultés principales auxquelles tu es confronté ?
La gestion du temps entre l’investissement associatif et les cours. Et aussi faire attention à ne pas négliger l’aspect social. Il y a des gens qui n’arrivent plus à voir leurs amis.
Quelques éléments de conclusion…
Au vu des cinq entretiens qui ont été menés, il est frappant de remarquer que si, sur certaines questions, les réponses diffèrent sensiblement d’une personne à l’autre, en revanche, pour d’autres, un net consensus se dégage. Ainsi, alors que la façon qu’ont les présidents de manager s’avère très personnelle et donc très variable, en revanche beaucoup semblent être confrontés à des difficultés similaires comme, par exemple, la gestion du temps. Surtout, ce qui ressort de tous ces discours, c’est la place à part qu’occupe le BDE dans la vie du campus. Si dans certaines écoles il joue davantage le rôle de l’organisateur de soirées (c’est le cas à l’ESC Toulouse et à Sciences Po), en revanche à l’UTC Compiègne, à Centrale Lyon et aux Arts et Métiers, sa mission première est davantage de fédérer les associations de l’école. Mais dans tous les cas, ils le disent tous, le BDE possède une place à part dans l’établissement. Fabien Dartnell évoque ainsi un « rôle de grand frère », tandis que Tristan Gallais considère que le BDE « est une des associations majeures de l’école parce qu’[il] fait beaucoup d’événements » ajoutant toutefois que, cette année, il « n’est pas tombé dans les dérives des BDE précédents qui pensaient parfois qu’ils étaient les rois des associations. » De son côté, Simon Gaillard déclare que le BDE, à Sciences Po « est l’association permanente la plus connue », et « l’association qui fait les plus gros événements donc la plus visible. » Matthieu Cutin, lui, rappelle qu’à Centrale Lyon « le BDE a une légitimité extrêmement forte parce qu’il y a d’autres écoles où chaque association est une association de loi 1901 et a une responsabilité juridique alors qu’ici il n’y a que le BDE qui ait ce statut, et les autres ne sont que des sous-sections. » Et Benoît de Haas de conclure, en lançant : « Le BDE, c’est vraiment l’association super importante de l’établissement ! »
Claire Bouleau
Twitter @ClaireBouleau