Du point Godwin au point Chatelain !
La surveillance des internautes par les gouvernances n’est plus l’apanage des régimes dictatoriaux. Dans nos démocraties le respect scrupuleux de la vie privée numérique des citoyens étant un droit fondamental humain reconnu par la CEDH il semblait un droit acquis. Les révélations d’Edward Snowden, de nombreuses lois en Europe auront eu raison de cette croyance. Au 21e siècle le terrorisme est devenu (dans certaines démocraties européennes) le levier censé justifier la violation de ce droit en rendant cette transgression légale. La loi sur le renseignement en France, le Snoopers charters en Angleterre en sont des exemples probants. Leur origine ? Le point Chatelain que j’ai pu évoquer en 2016 par analogie au point Godwin, un point pourvoyeur de lois qui contraignent l’internet originel.
Un changement comportemental des usagers dans les pays « démocratiques »
L’apport des utilisateurs français à “ L’effet snowden* “ (*l’altération de leur identité numérique) n’aura pas attendu l’effet accélérateur de la Loi sur le Renseignement et l’annonce de futures “ boites noires “, la Hadopi avait déjà engagé des modifications d’usage d’internautes à seule fin de ne pas se faire “ Hadopiser “ ! Nonobstant la démultiplication de faux positifs, les conséquences de ce changement de paradigme numérique sont multiples, elles imposent entre autres aux acteurs du Digital de repenser leurs pratiques afin de reconquérir une confiance des usagers gravement endommagée par le législateur.
Les Digital marketing : une victime coresponsable, mais pas coupable
Pour les digitaux marketeurs, la publicité contextualisée matérialise ces possibilités intrusives annoncées par les états. En 2015, 198 millions d’usagers utilisaient des Ad blockers pour se soustraire aux publicités, à ce jour pas moins d’un demi-milliard d’usagers dans le monde ont disparu des écrans radars. Concomitamment les solutions pour se prémunir d’un éventuel tracage se multiplient et se démocratisent.
Le grand méchant Tor ! De la propagande à la réalité !
Le réseau Tor offre aux citoyens du Monde la possibilité de s’exprimer, dans les “ démocraties “ il permet de surcroit de défendre un droit fondamental (non reconnu universellement) le droit à l’opacité de sa vie privée conjuguée au devoir transparence des pouvoirs publics. S’il n’est pas surprenant, que le ministère de l’Intérieur de Russie ait proposé en 2014 une récompense de 3,9 Mi de roubles à qui casserait l’anonymat de ses utilisateurs. Plus surprenante est l’approche de la France, de responsables politiques, de médias qui le diabolise en le réduisant à sa capacité à donner accès, tout comme FreeNet ou I2P à un net moins visible : le “ Deep Web “ et en mettant en exergue des usages criminels qui ne reflète nullement sa vocation !
Tor n’est pas le Deep Web, le Deep Web n’est pas une zone de non-droit
Dans le langage politico-journalistique une zone de non-droit est un quartier déserté par la police et où le droit ne s’applique pas, ce qualificatif est inapplicable au Deep Web. Son accès via Tor puis en accédant à des pages ressources comme Hidden Wiki, et enfin à des ressources illicites qui y figurent, est plutôt un belvédère d’observation de la criminalité, de ses évolutions, propices à l’infiltration et la mise en place de “ honey pot “. L’arrestation le 6 novembre 2014 par le FBI du créateur présumé de la réplique de Silk Road en est une des preuves ! Non, les millions d’utilisateurs de Tor ne sont pas des criminels. En avril 2016 Facebook annoncait que plus d’un million de leurs utilisateurs se connectaient chaque mois via Tor. Tor est un garde-fou démocratique et l’un des passeports des citoyens du Monde vers un internet libre et populaire, au regard des évolutions d’usages, les acteurs du Digital se devraient de l’envisager comme une opportunité non pas comme une menace !
Par Yannick Chatelain Yannick Chatelain est professeur associé à Grenoble Ecole de Management. Head of development et enseignantchercheur, expert du Digital Marketing. Diplômé de Grenoble École de Management et diplômé de Newcastle University Upon Tyne (Doctorate Business of Administration) il est expert de la communauté Hacker, ses travaux portent sur internet, le contrôle social, la contre-organisation sociétale et la liberté d’expression.