2018, l’année de la consécration pour Barbara Cassin, philosophe, directrice de recherche au CNRS. Elle a reçu la médaille d’or du CNRS et été élue à l’Académie Française. L’experte des mots, de leur sens et de leurs apports, partage sa vision de la réussite dans l’avancée de la connaissance.
Barbara Cassin est la 5è femme – seulement – à recevoir la plus haute distinction scientifique française. Pour la philosophe, on ne peut avoir l’ambition de recevoir une médaille. « C’était improbable, dans ma discipline où l’on publie moins qu’en sciences dites dures, mais aussi en tant que femme. En revanche, entrer au CNRS, ça c’est une ambition ! » explique la chercheuse qui a bénéficié d’un « poste d’accueil » alors qu’elle exerçait en lycée. Une passerelle qui n’existe plus, « portant préjudice à notre discipline ».
Un honneur… et un regret
Un honneur et un bonheur cette médaille. « Elle témoigne d’une reconnaissance scientifique de mes travaux, et j’en suis très heureuse. » Mais un regret aussi. « Je la reçois alors que je suis à la retraite. Plus tôt, elle aurait été un atout pour postuler à un appel d’offre européen, pour décrocher des fonds. » La médaille couronne une carrière prolixe de recherches à la lisière entre la philosophie et la philologie, un regard novateur sur le rôle et l’apport des mots.
Fruit d’un regard original sur « ce que peuvent les mots »
Et la chercheuse de préciser que cette médaille d’or « ne m’est pas décernée à moi seule, mais à tous ceux avec lesquels je travaille depuis des années ». Il n’est pas si fréquent de mobiliser 150 personnes durant 15 ans autour d’un projet aussi ambitieux que le « Vocabulaire européen des philosophies, dictionnaire des intraduisibles » aujourd’hui traduit, ou plutôt réinventé, dans une dizaine de langues.
2018 signe aussi l’élection de l’experte des mots à l’Académie Française, où elle sera reçue en octobre 2019, et travaillera très logiquement au sein de la commission du dictionnaire. La chercheuse avait obtenu il y a quelques années un prix de l’Académie pour l’ensemble de ses travaux. « C’est passionnant d’aider à normer une langue en évolution. »
« Je me suis toujours intéressée à ce que peuvent les mots » poursuit la chercheuse qui travaille désormais à un glossaire de l’administration française lié à l’accueil des migrants. « La disparité des langues et des cultures est un enjeu dans cet accueil. Demander sa date de naissance à un Malien qui se sert plutôt d’une locution comme « né vers » génère des incompréhensions… » La chercheuse engagée dans l’association Maisons de la sagesse – Traduire, travaille en lien avec les agents de la Mairie d’Aubervilliers, qui constatent par exemple combien de nouveaux arrivants se déclarent nés un 31 Décembre ou un 1er Janvier…