Joie et admiration régnaient sous la Coupole de l’Académie des sciences ce mardi 6 décembre 2016. Les lieux et le public étaient à la hauteur de l’événement : 200 lycéens ont échangé en duplex vidéo avec Thomas Pesquet (Supaéro 2001), l’astronaute français à bord de la Station Spatiale Internationale (ISS). Sa vie à bord, ses expériences scientifiques, il a partagé son quotidien et surtout sa passion de l’espace avec les jeunes gens. Par Ariane Despierres-Féry
Question du jour : comment fasciner 200 lycéens et collégiens ?
Réponse : Placez les sous la Coupole de l’Académie des sciences, faites entrer les Académiciens sous les roulements de tambours de la Garde Républicaine puis démarrez un duplex vidéo avec l’astronaute Thomas Pesquet. Vous verrez des étoiles briller dans leurs yeux.
Les académiciens prennent un coup de jeune
« Cette séance solennelle est exceptionnelle, a annoncé Bernard Meunier, président de l’Académie des sciences. D’abord car avec la présence de 200 lycéens et collégiens la moyenne d’âge de l’Académie a drastiquement rajeuni, mais surtout car nous avons la chance de communiquer en duplex vidéo avec l’astronaute Thomas Pesquet. » Cette séquence a marqué la fin des célébrations des 350 ans du vénérable institut.
La science en action
L’académicien s’est également félicité que de jeunes gens puissent poser leurs questions à l’astronaute. « Car c’est ainsi que fonctionne la science : en formulant et posant des questions, en résolvant des problèmes et en apportant des réponses. »
Extraordinaire
Les jeunes gens étaient enchantés tout comme leurs professeurs de sciences, les académiciens eux-mêmes et le public présent. Car au-delà de la prouesse scientifique, technologique et humaine de faire vivre des humains dans l’espace et de communiquer avec un astronaute en rotation à 28 000 km/h à 400 km au-dessus de nos têtes ; l’astronaute en question est unique en son genre.
Thomas Pesquet a répondu avec gentillesse, un intérêt sincère pour l’échange avec les jeunes, et beaucoup de pédagogie aux questions qu’une dizaine d’entre eux a eu l’honneur de lui adresser.
Vie en 3D / le vendredi c’est salade
Nous avons ainsi appris pêle-mêle que :
- Une navette de secours est arrimée à l’ISS de manière à pouvoir évacuer en urgence les astronautes. « En 48 heures nous sommes dans les steppes du Kazakhstan et un hélicoptère peut nous emmener à l’hôpital. Heureusement cela ne s’est jamais produit.»
- Lorsque Thomas Pesquet a pris la parole il était au-dessus de l’Amérique du Sud, « et je serai au-dessus de l’Europe dans 10 minutes »
- Là-haut le fuseau horaire est le temps universel (GMT)
- C’est le fait d’être en chute permanente qui fait que l’on ne ressent pas la gravité
- L’équipage recycle toutes les eaux usées y compris la condensation émise par leurs respirations, leurs transpirations et même leurs urines « Notre attention extrême au recyclage est un apprentissage essentiel en relation avec l’enjeu de préservation des ressources et de la planète »
- « Une navette cargo nous apporte tous les 3 mois de l’eau, de la nourriture, de l’oxygène, des pièces détachées, les équipements nécessaires à nos expériences scientifiques, des vêtements »
- L’équipe cultive des végétaux, pour aider à améliorer les cultures sur Terre, mais aussi « pour préparer des voyages plus lointains, vers Mars, qui nécessiteront de produire de manière autonome notre énergie et notre nourriture. »
- Le vendredi l’équipe a le droit de récolter une salade et de la manger
- Thomas étudie en particulier (sur son propre corps) les effets de la perte osseuse et musculaire. « Je travaille aussi sur les évolutions neurologiques induites par la vie en 3D et leur pérennité dans le cerveau ; ou la virologie (les virus étant plus virulents dans l’espace et nos systèmes immunitaires diminués) »
- Vue d’en haut la Terre semble à Thomas Pesquet très fragile et très isolée dans le cosmos. « Cela me donne encore plus à cœur de porter un message écologique, et de transmission aux générations futures. »
Thomas Pesquet a conclu avec ce message à ses jeunes auditeurs : « Si l’on vous demande de bien travailler ce n’est pas pour vous embêter, c’est parce que travailler permet de réaliser ses rêves. »
Claudie Haigneré, astronaute qui a été deux fois dans l’espace était présente et nous aussi appris que :
- La navette Soyouz a été tirée plus de 1 700 fois, elle est d’une très grande fiabilité
- Thomas Pesquet a été mis en orbite en 8.38 minutes et est arrivé à bord en 48 heures
- L’amarrage à la station se fait automatiquement
- L’ISS fait 16 fois par jour le tour de la Terre selon une inclinaison d’orbite de 51°6, « c’est pour cela que nous ne voyons pas les Pôles de là-haut»
- Le volume habitable de l’ISS est de 1 000 m3
- « Ayant fait à la fois partie de l’entourage d’un astronaute (son époux ndlr) et ayant moi-même séjourné sur l’ISS, je sais que le moment de l’arrivée est très fort en émotion»
Scientifiques en herbe
Cette journée sous le signe de la jeunesse à l’Académie des sciences s’est achevée avec la remise de nombreux prix aux scientifiques en herbe les plus prometteurs du pays : lauréats des Olympiades nationales et internationales en mathématique, chimie, physique et géosciences. Les majors des écoles Polytechnique et CentraleSupélec ont aussi été distingués.
Le 10e astronaute français
Thomas Pesquet, ingénieur aéronautique formé à Supaéro, a d’abord exercé dans l’industrie aérospatiale et à l’agence spatiale européenne, avant de devenir pilote de ligne puis astronaute. Il parle français, anglais, russe, espagnol et allemand. Il pratique le parachutisme, la plongée et est ceinture noire de judo.
Il a accosté sur l’ISS le 17 novembre 2016 pour y passer 6 mois. Dans le cadre de la mission Proxima il réalisera 62 expériences coordonnées par l’ESA et le CNES. Il participera aussi à des expériences américaines, japonaises et canadiennes.
Prochaine destination : Mars
Jean-Yves Le Gall, président du CNES s’est dit très heureux « d’emmener l’Académie des sciences dans l’espace. Car dans l’espace on peut observer l’impact du confinement et l‘impesanteur sur le corps humain, son vieillissement accéléré mais réversible. Mais surtout ce que prépare Thomas au travers de ses expériences, c’est un vol habité vers Mars, envisageable à l’horizon 2025-2035. »