© F. Sénard / Audencia

[Analyse] Dis-moi quelle entreprise tu diriges, je te dirai qui tu es

Dirigeants, chefs d’entreprise, CEO. Plusieurs mots synonymes de réussite et des plus hautes responsabilités de l’organisation concernée. Pour autant, l’image des managers de façon plus large est souvent écornée. Il existe pourtant des voies à explorer pour que le management soit au service de la performance des entreprises, et du bien-être collectif.

 

Diriger, une position difficile…

En 2017, une étude de la Chaire Innovations Managériales d’Audencia révélait un chiffre édifiant : 79 % des salariés ne souhaitent pas devenir managers. Stress, manque de reconnaissance, solitude, burnout, charge de travail, les mots – et maux – associés à cette fonction ne manquent pas. De surcroit, la même étude souligne le management directif pratiqué en France. C’est en tous les cas de cette façon qu’il est perçu par les salariés. En effet, 74 % d’entre eux considèrent que le N°1 de l’entreprise impose son point de vue. La dernière étude de la Chaire, qui interrogeait cette fois les dirigeants, a permis de mettre en lumière un certain décalage entre ceux-ci et leurs équipes. Déconnectés du terrain, ils ne font pas du tout la même appréciation de leurs pratiques managériales, et se trompent par exemple sur les attentes des millenials.

… mais indispensable

Une analyse trop superficielle de ce tableau pourrait même amener à se demander si le rôle de dirigeant est encore légitime au 21e siècle. Mais il ne faut pas se tromper de débat. Même dans les entreprises libérées qui modifient leur organisation pour déléguer davantage de pouvoir et d’autonomie aux salariés, une équipe de direction et des middle managers sont conservés. Oui, ce sont des rôles dont l’entreprise ne peut se passer. Et bonne nouvelle, les dirigeants et leurs salariés s’accordent à dire que la première qualité attendue d’un manager, c’est de savoir motiver ses équipes.

De la nécessité de revoir ses modèles mentaux

Toutes les recommandations en matières d’innovations managériales ont un point commun : elles soulignent l’absolue nécessité pour les dirigeants s’engageant dans ces démarches d’être « en phase » avec leurs organisations et d’être alignés avec ce qu’ils en exigent. Evident ? Pas si sûr, car cela relève en réalité d’un challenge de taille. Il n’y a en effet point d’innovations managériales effectives sans que le dirigeant n’évolue lui-même, et n’ait pour ce faire la faculté de réfléchir sur soi-même et les représentations qui dirigent ses analyses, ses comportements, ses actions, donc par conséquent ses conceptions et ses pratiques managériales. C’est ce que Peter Senge (1991) appelle la discipline des modèles mentaux et Chris Argyris (1985) la science de l’action. Il s’agit de la capacité dont dispose un individu à faire l’analyse approfondie de sa propre manière de penser et d’agir afin de la modifier ensuite pour mieux appréhender la réalité. Convenons-en, la tâche est ardue ! Car ces modèles mentaux, qui sont des « postulats, des généralisations, voire des représentations ou des images profondément enracinées influencent notre compréhension du monde et nos actes. Très souvent, nous ne sommes conscients ni des modèles mentaux, ni de leurs effets sur nos comportements. » (Senge). Mais lorsque le dirigeant parvient à faire ce travail pour transformer son entreprise au service d’une vision partagée, l’aventure n’en est que plus gratifiante. Sans cela, les projets d’innovation managériale risquent d’être réduits à des modes managériales, dont on sait qu’elles sont préjudiciables à la performance économique et sociale des entreprises, comme l’indiquent Nicolas Arnaud, et Thibaut Bardon, professeurs à Audencia. La mise en place d’espaces de discussion dans l’organisation est d’une grande richesse. Ceux-ci nous ont permis de co-créer, à Audencia, notre dernier plan stratégique, de concevoir ensemble l’évolution de nos bâtiments pour qu’ils conviennent aux nouveaux usages et aux attentes de chacun, ou encore de définir notre signature de marque. Une conviction qui n’est pas sans rappeler les mots de Nelson Mandela : « Aucun de nous, en agissant seul, ne peut atteindre le succès. »

L’auteur est Christophe Germain, Directeur Général d’Audencia