Angelika Schöchlin (Doctorat Finance, University St. Gallen, 03), Senior Partner et Mélanie Biessy (Master Droit Strasbourg, 95) Senior Partner & Directrice des opérations d’Antin Infrastructure Partners, sont deux « pointures » du monde de la finance internationale qui ont choisi de travailler pour l’une des sociétés d’investissement en infrastructure les plus réputées au monde. Expertes reconnues, elles n’ont « jamais rien lâché » pour arriver à atteindre leurs fonctions dirigeantes. Dans une industrie où il y a encore trop peu de femmes, elles cherchent aussi à faire avancer les choses. Dans leur domaine et ailleurs…
Antin Infrastructures Partners en 3 mots ?
En cœur : Antin est une société majeure et indépendante de capital-investissement, spécialisée dans les investissements en infrastructures : télécoms, énergies, transports et infrastructures sociales. Nous avons une culture d’entreprise très forte, qui nous a permis de nous positionner sur le podium européen et dans le Top 10 mondial du secteur.
Vous avez remporté de nombreux awards. Lequel incarne le mieux la particularité et la force de votre structure ?
Angelika. Les récompenses font partie intégrante des clés du succès dans notre secteur d’activité. Evoquons donc en premier le « Best Fundraising » démontrant notre capacité exceptionnelle à lever des fonds. Grâce à notre plateforme, nous avons su développer des relations durables avec des investisseurs de premier plan dans le monde entier. Nous sommes également souvent récompensés pour notre capacité à réaliser des transactions complexes et innovantes, d’où des récompenses dans tel ou tel secteur d’activité ou tout simplement pour le « meilleur investissement de l’année ».
Mélanie. Nous avons également été récompensés en matière d’ESG, une dimension essentielle de notre groupe. Résolus depuis toujours à être des acteurs vertueux de la finance, nous défendons des valeurs fortes, avec la volonté de toujours contribuer au bien de la société. Cette particularité est d’ailleurs notre plus grande force.
Désormais coté en bourse, Antin Infrastructures reste détenu à 85 % par son management. Cela change quoi au quotidien ?
Mélanie. Antin a désormais une force de frappe financière plus importante, le groupe est plus visible et plus apte à développer des projets de plus en plus ambitieux, mais nous demeurons toujours une communauté d’entrepreneurs maîtres de leur destin. En effet, même si nous avons ouvert notre capital, nous restons In-dé-pen-dants ! La liberté d’action est le dénominateur commun de tous les partners de l’entreprise.
Qu’est-ce qui fait l’intérêt d’une entreprise fonctionnant sur le partenariat ?
Mélanie. L’engagement. Ici, les partners sont totalement engagés dans un projet commun, de manière quasi organique. Plus investis dans leur entreprise, ils sont, plus efficaces, plus agiles aussi, ce qui, dans une structure comme la nôtre (surtout comparée aux lourdes institutions financières) démultiplie la capacité à entreprendre, vite et bien.
Les jeunes talents recherchent un métier faisant sens. Votre activité fait-elle écho à ce besoin ?
Angelika. Les infrastructures constituent la base même sur laquelle une société va se déployer, se développer, pouvoir innover et se transformer. Investir dans ce domaine est donc forcément porteur de sens. D’autant plus que le choix est vaste : nouvelles énergies, éducation, communication, transition énergétique… de nombreux champs d’action, tous essentiels, nous sont ouverts. Nous sommes d’ailleurs en train de déployer une stratégie NextGen, dédiée aux infrastructures de demain.
Antin Infrastructures est une structure responsable. S’engager sur les questions ESG : un must have pour améliorer la performance ?
Mélanie. Depuis le premier jour, soit depuis 14 ans, le principe de responsabilité fait partie intégrante de notre stratégie. On a certes une équipe dédiée aux investissements ESG, mais notre dispositif d’investissement intègre, pour chaque projet, cette dimension, capitale à nos yeux. Nous analysons de manière très approfondie les risques liés à l’ESG dans chacun de nos deals, mais également les opportunités de création de valeur attenantes. Nous essayons d’ailleurs toujours d’améliorer la culture des entreprises dans lesquelles nous investissons, car dans un climat plus agréable, les collaborateurs sont plus motivés, la performance meilleure et l’investissement, plus rentable donc. Employant 40 % de femmes (rare dans la finance), nous sommes même en mesure de nous prendre en exemple lorsqu’il s’agit de faire bouger les choses du côté de la diversité.
A quel moment de son parcours devient-on « Partner » d’une structure comme la vôtre ?
Mélanie. Arrive souvent un moment dans un parcours professionnel où l’on regarde au-delà de son horizon personnel, où l’on souhaite s’investir dans un projet commun, partager sa vision, entreprendre…
Angelika. Mais c’est aussi une position qui implique des responsabilités et qui ne laisse pas vraiment droit à l’erreur. Certes, on peut avoir un bon jugement quand on est jeune, mais une certaine expérience de l’investissement lui-même et une certaine aisance avec les chiffres sont tout aussi indispensables.
Antin Infrastructures compte trois femmes sur ses 20 partenaires. Un reflet fidèle du monde de l’investissement ?
Angelika. Oui plutôt, car c’est un secteur peu féminin. Même si cela change. Notre association professionnelle, France Investissement, est très active sur le sujet et vient d’établir une charte sur la diversité, dont on réalise (enfin !) à quel point elle est source de performance supplémentaire. Il y a donc une vraie volonté d’attirer davantage de femmes.
Mélanie. Sachant que le vrai challenge consiste déjà à… les retenir ! Surtout lors des périodes critiques, comme l’arrivée des enfants. Télétravail, congés maternité, tempo et perspectives adaptés au cap à franchir, promotion lors du retour de maternité, la désormais réputée « culture Antin » attire de nombreuses femmes. Mais mener de front le double cursus vie pro/vie perso reste un projet très exigeant.
Une grande leçon de vie professionnelle que l’on n’apprend pas sur les bancs de l’école ?
Angelika. Que l’essentiel consiste précisément à trouver son équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Cent fois, vous allez penser avoir une vie de dingue, ne pas faire ce qu’il faut (d’un côté comme de l’autre !), culpabiliser, être emportée par un tourbillon. Il faut constamment savoir prendre du recul.
Mélanie. L’équilibre, oui, tout à fait d’accord. Et pour y parvenir, il faut sanctuariser certains moments familiaux clés : école, couchers, week-ends… Ces moments-là, indispensables, vous ressourcent et vous aident à relativiser. C’est difficile, attention, mais possible. Organisées et multitâches comme nous sommes (c’est bateau, je sais, mais c’est vrai), on peut être des professionnelles engagées mais également avoir une vie personnelle épanouie…
Vous a-t-il fallu dépasser des obstacles ou a priori du fait d’être des femmes ?
Angelika. (après un grand éclat de rire) Les faits : 5 % de femmes dans mon cursus, 10 % dans le monde de l’investissement. Ce que ça change ? Avec une vision (sur la manière d’aborder le marché par exemple) souvent différente de celle des hommes, vous vous retrouvez toujours en minorité, « vilain petit canard », « martienne ». Alors vous doutez, vous perdez confiance et vous finissez par lâcher, par vous fondre dans la masse, par devenir (mentalement) homme… Eh bien non, il ne faut jamais lâcher !
Mélanie. Chez Antin, nous nous sommes par exemple battues et accrochées pour que la création de valeur soit un critère prioritaire. Résultat : cela nous a conduits à une performance de premier plan ! Notre différence, la diversité, est devenue une vraie richesse. Et cela commence à se savoir. Il existe une prise de conscience nette depuis cinq ans environ de ce côté. Entrainant de vrais changements, souvent portés par des hommes. Chez Antin, entreprise plus jeune, cette diversité était naturellement intégrée à l’ADN lors de sa création et la première personne recrutée a été… une femme !
3 conseils à une jeune femme qui veut faire carrière dans la finance ?
En cœur : 1) Choisir la voie des maths plutôt que celle des RH.
2) Tenir le cap, encore et encore.
3) choisir un mari qui soit un vrai soutien. Et toutes les deux, nous avons des maris formidables ! Nombre d’échecs dans cette voie sont en effet dus à un défaut de soutien moral à la maison, pourtant indispensable.
Chiffres clés
20 milliards d’actifs sous gestion – 52 personnes – 4 bureaux : Paris, Londres, New-York, Luxembourg
Contact : stephane.genaud@antin-ip.com