Lorsque Patrick Martin (Sciences Po 83) a pris les rênes du Groupe Martin Belaysoud Expansion il y a 30 ans, il réalisait quelques dizaines de millions d’euros de chiffre d’affaires. En 2022, il avait racheté 45 entreprises, accéléré sa croissance organique notamment en se digitalisant, et développé plus d’un milliard d’euros de CA. Elu Président du MEDEF en 2023 – première organisation patronale française représentant plus de 190 000 entreprises de toutes tailles et de tous secteurs – il partage son expérience et sa vision.
A quelques semaines des élections européennes et de grandes échéances électorales mondiales, quel regard portez-vous sur la compétitivité de l’économie française en tant que président du MEDEF et d’un groupe de distribution professionnelle pour le bâtiment et l’industrie ?
Bien que d’un naturel optimiste – entrepreneur oblige – force est de constater que nos entreprises évoluent dans un panorama particulièrement exigeant. Outre l’accroissement des tensions géopolitiques dans le monde et ses impacts directs sur notre économie, la concurrence internationale féroce que nous livrent les Etats-Unis et la Chine font peser sur la France et l’Europe un risque de décrochage imminent, en termes de productivité, de croissance, d’investissement comme d’attractivité, et donc de richesse, d’emplois, de niveau de vie. C’est pourquoi il est impératif de garantir en France, en Europe, à nos entreprises les conditions de leur compétitivité. C’est ce à quoi s’emploie le MEDEF. Les récentes expressions tant d’Enrico Letta que de Mario Draghi ou de François Villeroy de Galhau corroborent cette analyse portée par le MEDEF dès l’été dernier : armons-nous pour relever tous les défis !
Vous êtes le premier dirigeant d’un MEDEF territorial à prendre la tête de l’organisation patronale au niveau national. En quoi cela change-t-il la donne ?
En effet, je suis un chef d’entreprise qui vient des territoires, d’un département incroyablement prospère et dynamique, et le premier président du MEDEF national à avoir été président d’un MEDEF territorial – le MEDEF de l’Ain –, puis d’un MEDEF régional – le MEDEF Auvergne-Rhône-Alpes. Je revendique cet ancrage territorial, sans en faire un titre de noblesse, car il est une part constituante de la force du réseau MEDEF. 119 MEDEF territoriaux et régionaux qui me connectent en temps réel au pouls de notre économie, aux attentes des entreprises de France, de la plus petite à la plus grande et qui nourrissent mes entretiens au plus haut sommet de l’Etat. Je croise bien sûr cette vision avec la présence de mon groupe à l’international, et plus encore avec celle des 100 fédérations professionnelles qui composent le MEDEF.
Des tips à partager avec les jeunes entrepreneurs français qui rêvent d’une réussite comme la vôtre ?
Tout d’abord je tiens à les féliciter ! La France a besoin d’entrepreneurs qui innovent, font naitre des pépites nationales, participent à la prospérité du pays et contribuent à régénérer notre tissu entrepreneurial et à répondre aux grands défis que nous traversons. Bravo à eux, le MEDEF est à leurs côtés ! Je leurs conseillerais de s’engager dans un projet dans lequel ils croient profondément, qui fait écho à des convictions personnelles, ce qui leur permettra de surmonter les épreuves inhérentes à l’entreprenariat avec plus de facilité. Je ne peux également que leur recommander de s’entourer de compagnons d’aventure, car la route est longue et tout soutien et regard extérieur sont les bienvenus ! Mais l’essentiel est d’identifier ou d’anticiper des opportunités et des « failles » de marché pour se différencier positivement en apportant une réelle valeur ajoutée aux clients qui sont les seuls juges de la pertinence d’une offre.
Vous êtes un adepte des sports de haute montagne et avez pratiqué le rugby dans votre jeunesse. Alors que les JO de Paris se profilent, quelles vertus attribuez-vous au sport au niveau managérial ?
Je suis convaincu que le sport a toute sa place dans l’entreprise, et que l’entreprenariat lui-même est une forme de sport ! D’une part, c’est un enjeu de santé au travail en réduisant la sédentarité. D’autre part, c’est un formidable levier de performance pour l’entreprise et ses collaborateurs, synonyme de moins d’absentéisme, de moins de turnover et d’une meilleure productivité. C’est pourquoi le MEDEF est mobilisé pour promouvoir le sport dans toutes ses dimensions : le sport en entreprise, le sport comme filière économique mais également, le soutien aux athlètes. A titre personnel dans mon entreprise, nous avons l’immense honneur de soutenir une athlète paralympique qui représentera pour la 7è fois la France aux JO, en tennis de table. Une immense fierté pour l’ensemble du groupe et ses collaborateurs ! Le sport est une hygiène de vie, un mental, une discipline rigoureuse, et surtout, même dans les sports individuels, un engagement collectif.
Outre vos fonctions au MEDEF, comment vous engagez-vous personnellement au service de la Cité ?
Mon engagement est double. Vous l’avez rappelé, à la présidence du MEDEF j’ai fait le choix de l’engagement patronal, bénévole, pour permettre aux entreprises de France de contribuer plus encore à la réussite économique, sociale et environnementale du pays. L’autre engagement, c’est celui au sein de mon entreprise que j’ai à cœur de développer (+ 96 % de croissance ces cinq dernières années), de lui permettre de créer des emplois (3 000 aujourd’hui) et de se positionner sur les grands défis de notre temps, la transition écologique en premier lieu. Bien que bientôt bicentenaire, mon entreprise, toujours familiale, se réinvente en permanence, à tous égards. En somme, elle incarne concrètement une conviction qui est la mienne et celle du MEDEF : les entreprises ont la solution. Elles sont la solution et l’excellente image des entreprises auprès de nos concitoyens en témoigne. Par ailleurs, je crois profondément que dans notre société de plus en plus fracturée, les partenaires sociaux – organisations patronales et syndicats de salariés – ont un rôle singulier à jouer dans le cadre de leurs responsabilités, en matière de cohésion, de dialogue, si possible d’apaisement, mais aussi de réflexion sur l’avenir, par exemple sur le sujet essentiel d’une croissance responsable. Loin de générer du consensus mou ou d’incarner un conservatisme, les partenaires sociaux sont un gage de modernité s’ils savent sortir de leur zone de confort. Le MEDEF s’y applique.