René Fontès (INSA Lyon 64) et Jean-Marc Lhermet (INSA Lyon 91), respectivement Président et Directeur Sportif de l’ASM Clermont Auvergne, ont porté le club de rugby clermontois au plus haut niveau en une dizaine d’années. Ces anciens ingénieurs Michelin rappellent les nombreux parallèles qui lient le monde de l’Ovalie à celui de l’entreprise.
Comment expliquer que de plus en plus d’entreprises entrent dans la mêlée ?
René Fontès : Certains chefs d’entreprises peuvent venir au rugby par passion, d’autres non sans multiples raisons. Il peut s’agir de facilités pour s’enraciner dans une ville ou une région, cela peut être de rechercher ou conforter une image à travers les événements sportifs d’un club ou les valeurs du sport pratiqué. Il est plus facile de parler de combat, d’envie et de solidarité à partir d’exemples rugbystiques que de le faire dans l’absolu à partir d’un discours magistral. Jean-Marc Lhermet : Les valeurs sont le ciment de toute organisation humaine. Quand on évoque le rugby, on parle souvent d’engagement, de solidarité, de respect, d’humilité… C’est autours de ces valeurs qu’un esprit de corps et d’équipe va se construire et exister. On sait très bien, et c’est ce que recherchent les entreprises, que cet esprit d’équipe booste la performance.
Michelin est depuis plus de 100 ans aux côtés de l’ASM, mais aussi Renault, Jacquet et Logica. La professionnalisation a-t-elle renforcé les passerelles entre le monde de l’entreprise et celui de l’Ovalie ?
R.F. : Avec la professionnalisation du rugby, on a forcément un niveau de combat qui grandît et une pression plus importante qui apparait. C’est également le cas des grandes entreprises confrontées aux enjeux de la mondialisation. Michelin, Renault, Logica et Jacquet sont présents pour des raisons différentes qui peuvent être culturelles, conjoncturelle, stratégiques ou les trois à la fois comme Jacquet qui a des racines en Auvergne aussi importantes que celles de Michelin. Il y a dans la stratégie du groupe la volonté de mettre en avant la marque Jacquet qui devient une marque grand public. Pour Logica, très implanté dans les pays anglo-saxons à forte culture rugbystique, il y a des logiques business qui se rencontrent.
J-M. L. : La professionnalisation du rugby a tissé des liens plus forts entre le club et les entreprises mais a aussi ses travers. L’ASM Clermont Auvergne veut bien recruter partout dans le monde mais désire garder ses racines clermontoises et une identité forte et visible. Le fait de pérenniser des relations fortes avec nos partenaires locaux œuvre à cette identité forte.
Je n’aurais sans doute pas été le même manager au sein de l’entreprise si j’avais côtoyé plus tôt le sport de haut niveau, et le rugby en particulier.
Qu’est-ce que le rugby peut apporter aux futurs managers ?
R. F. : Dans les trois premières finales que j’ai perdues, j’ai trouvé une situation de manager que je n’avais jamais connue au préalable. Quand vous rentrez dans un vestiaire d’une équipe qui vient de perdre un titre de champion de France, vous ramassez véritablement les joueurs « à la petite cuillère ». Lorsqu’une entreprise perd un contrat important de plusieurs millions d’euros, je n’ai jamais trouvé des états dépressifs aussi avancés. Dans un cas il s’agit de la conquête d’un titre et d’un ballon ; dans l’autre de choses qui me semblent a priori beaucoup plus importantes. Cette situation m’interpelle car cela veut certainement dire qu’il y a des gens qui, d’un côté, sont allés au bout d’eux-mêmes et qui de l’autre côté n’y sont pas allés ou que l’on a pas créé les conditions leur permettant d’y aller. Cela me conforte aussi dans l’idée que l’entreprise a beaucoup à apprendre de la mise en commun d’expériences qui permettent notamment à un groupe d’hommes, tout comme à une équipe de sportifs, de tout consacrer à l’obtention d’une performance et d’un résultat.
J-M. L. : En effet, cela peut paraitre paradoxal mais le sport permet d’apprendre à perdre ! Dans le rugby, la performance pérenne n’existe pas ! On grandit au travers de la défaite et l’on apprend à gérer ses échecs pour mieux gagner par la suite.
Quelles sont les vertus éducatives ou autres du sport pratiqué à l’Université, dans les Grandes Ecoles ou tout au long de sa vie ?
R. F. : Je crois qu’il ne faut jamais dissocier préparation physique et préparation intellectuelle. Ce n’est pas l’un ou l’autre, c’est l’un et l’autre. Le recteur Capelle avait intégré cela lorsqu’il a créé l’Insa de Lyon avec l’importance donnée au sport. Aujourd’hui quelques entreprises commencent à comprendre que les salles de sport (ou de musculation) créées en leur sein peuvent leur apporter quelque chose.
J-M. L. : Outre que la pratique régulière d’exercices physiques contribue au maintien d’une bonne santé, il y a aussi une notion d’équilibre importante et un effet déstressant lorsqu’on s’investit beaucoup dans ses études ou son travail. Par ailleurs, développer le sport dans l’entreprise et se retrouver dans l’effort permet de se voir dans un autre contexte, de connaitre différemment les gens avec qui on travaille tous les jours, de créer encore plus de liens.
B.B.
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