Les agents virtuels, jadis de simples chatbots ou guides vocaux, envahissent aujourd’hui les réseaux sociaux sous forme d’influenceuses. La plus connue d’entre eux, LilMiquela, a déjà 3 millions d’abonnés sur Instagram et elle continue à accroitre son influence à travers des partenariats avec de grandes marques. Mais qu’est-ce que cette influence signifie pour le futur de l’humanité vis-à-vis de la coexistence avec les agents virtuels ?
De la science-fiction à notre quotidien
Arthur C. Clarke les avaient prévus en 1968 : HAL 9000 de Odyssées de l’espace est un collègue virtuel doté d’intelligence artificielle en mission spatiale avec l’équipe de Discovery One. Aujourd’hui, les agents virtuels sont parmi nous, sur terre et dans notre quotidien, sous formes diverses : soit Amazon Alexa qui met une musique relaxante à notre retour du travail, soit sous forme d’un algorithme de recommandation sur notre site de e-commerce préféré qui nous aide à retrouver, en agrégeant tout notre data disponible, l’article qui nous convient parfaitement. Ou encore, les influenceuses virtuelles sur nos réseaux sociaux avec leur apparence automorphique et leur humeur positive, très similaires voire indifférenciables des influenceuses humaines.
Même si leur mécanisme reste ambigu (est-ce que l’intégralité de son comportement est commandé par une intelligence artificielle ou est-ce uniquement ses photos qui sont artificielles ?), les influenceuses virtuelles profitent de leur nature irréelle pour aller au-delà des limites des influenceuses humaines, comme aller à une brasserie pendant la quarantaine ou maintenir un look de supermodel sans aucun effort.
L’influence sans compromis
Malgré les commentaires négatifs plus fréquents que chez leurs concurrents humains, les influenceuses virtuelles obtiennent beaucoup plus d’engagement, ce qui signifie que leur influence est incontestable. Tandis que le principe même des influenceuses humaines c’est permettre à leur audience de jeter un coup d’œil dans leur vie privée voire d’observer leurs moments les plus intimes, les influenceuses virtuelles récoltent les bénéfices de l’engagement sans ces compromis intrusifs. Elles offrent une évasion à leurs followers de ce monde post-Covid-pré-récession globale, un monde où la virtualité devient la seule réalité pour l’agent et son audience. Cette évasion, en retour, permet aux utilisateurs d’être immergé dans l’influence des agents virtuels.
Les limites éthiques de l’influence marketing
Mais où est la limite de cette influence ? Les questions autour de l’éthique de self-branding et micro-célébrité ont déjà suscité des discussions parmi les chercheurs. A ces problèmes existants s’ajoute la question de l’éthique des agents virtuels. L’effet des algorithmes sur la désinformation à travers les réseaux sociaux est aujourd’hui bien connu. Et si cette désinformation prenait la forme d’une influenceuse, sans aucune valeur intrinsèque attachée à la personnalité derrière ? Les seules valeurs transmises seraient celles du programmateur ou du sponsor qui pourrait facilement utiliser cette image pour toucher des millions d’utilisateurs.
En bref, les influenceuses virtuelles offrent une nouvelle discussion à l’intersection des agents virtuels et de l’influence marketing : jusqu’où aller avec ces agents ? Un médecin virtuel qui livre le diagnostic à son patient sans la compassion requise dans ce moment solennel ? Un collègue virtuel qui connait tous les processus mais à qui il manquerait la collégialité exigée pour un milieu de travail accueillant ?
Peu importe les limites, une chose est sûre, les influenceuses virtuelles offrent une bonne opportunité pour contempler l’interaction agent-humain dans leur « habitat naturel ».
L’auteur est le Dr. Jbid Arsenyan, professeur en stratégie et innovation à Rennes School of Business. Sa recherche porte sur les technologies digitales responsable.