Chaque mois, retrouvez en exclusivité sur notre site l’interview d’une personnalité qui détonne ! Pour cette première, le Président de Cisco France répond aux questions de notre journaliste Patrick Simon. Robert Vassoyan s’adresse aux managers de demain.
La France championne du monde en innovation grâce à ses startups : souhait ou réalité ?
L’écosystème numérique français est bien là et a démontré son efficacité. Notre pays développe des compétences nouvelles et se spécialise dans des domaines de rupture comme l’économie du partage, la cybersécurité ou le Big Data, autant de nouveaux atouts qui seront à même de soutenir, demain, l’innovation sur le territoire.
A l’origine de ce succès, c’est le capital talent en France qui est remarquable ! Les ingénieurs, les mathématiciens et d’une manière plus générale, les diplômés français sont réclamés à l’étranger, ce qui montre un système de formation de grande qualité qui constitue ensuite un vivier de talents que beaucoup de pays nous envient.
Sans oublier le dynamisme des nombreuses startups françaises, comme en atteste leur mobilisation ces dernières années lors du Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas, ou du Salon VivaTech en juin dernier.
La France dispose de nombreux atouts
Elle se trouve à un point d’inflexion et doit désormais « transformer l’essai ». Le challenge majeur de nos startups est bien de construire des modèles économiques qui permettent l’adoption à grande échelle de ces innovations ou des technologies de rupture. Il faut impérativement que notre pays continue à développer les conditions favorables à la croissance des startups, encourage davantage leur accompagnement, les supporte dans leur financement à chaque étape de leur développement, surtout lors de leur passage à l’âge adulte (accès aux grands marché, à l’international et plus généralement passage à l’échelle), une phase qui nécessite des investissements plus importants et comporte aussi plus de risques.
Quel talent « digital » reconnaissez-vous aux étudiants français pour assurer leur avenir ?
L’acquisition d’une culture technologique et la connaissance renforcée des outils numériques sont des clés de la réussite qui doivent permettre à la France de rester compétitive, d’assurer l’avenir de son système éducatif d’excellence et d’asseoir son leadership dans les métiers de l’innovation. Dans un futur proche, près de 90 % des emplois nécessiteront ces compétences !
Pour l’enseignement supérieur, nous voyons émerger des formations mixtes qui adressent un plus grand nombre de compétences transversales en alliant ingénierie, design commerce et entrepreneuriat.
Il y a 10 ans, près de la moitié des étudiants de Polytechnique par exemple, avait pour ambition de rejoindre un grand groupe. Aujourd’hui, beaucoup d’entre eux aspirent à créer leur entreprise ou tout au moins de participer à une aventure de création.
Une culture startup ?
De fait, en parallèle du développement progressif de la culture « startup », il y a dans les jeunes générations une évolution de la relation au risque. La culture de l’entrepreneuriat suppose certes confiance en soi, esprit visionnaire, capacité d’initiative, goût de la prise de risque et du travail en équipe, mais aussi de savoir évoluer dans des environnements complexes, d’être agile et capable d’identifier les opportunités que d’autres ne voient pas ou de savoir rebondir après un échec.
Il est donc essentiel de promouvoir une culture de l’expérimentation et de la recherche qui, culturellement, ne condamne pas l’échec car lui seul permet d’avancer et d’innover.
Cisco a déjà ouvert 3 chaires avec des grandes écoles et universités. Comptez-vous en ouvrir d’autres ?
Cisco s’est engagé à parrainer cinq chaires d’excellence dans le cadre de la convention de partenariat conclue avec le gouvernement français. L’investissement dans la formation est pour nous une composante clé pour répondre aux besoins de création d’emplois liés à la transformation numérique. Nous avons une réelle volonté de travailler en partenariat avec les écoles et universités. Ces chaires, et leurs contenus sont l’aboutissement de réflexions approfondies et communes avec les établissements.
Et bientôt 5 chaires !
A ce stade, nous avons inauguré trois chaires : une chaire d’excellence « Réseaux du Futur » à Telecom ParisTech, une chaire internationale « Internet of Everything » à Polytechnique et une chaire « Industries et services de demain » au CESI.
Plus que leur nombre, ce qui est important c’est le contenu de ces chaires, la qualité des projets qu’elles permettent de créer ou d’accélérer et plus généralement les partenariats de long terme, noués par Cisco avec les écoles, les étudiants et les enseignants-chercheurs porteurs de ces chaires.
Parmi les prochains thèmes d’étude, nous travaillons sur les smart cities, et leurs aspects économiques, politiques et sociétaux.
Quels sont les atouts de la France pour mener à bien la transformation digitale de ses entreprises ?
Tous les ingrédients de la réussite sont réunis en France. Le gouvernement a mis en place des mesures fiscales incitatives pour attirer les investissements en recherche et développement. Comme mentionné plus tôt, le rapport à l’échec évolue chez les jeunes générations et les entrepreneurs, ce qui encourage la création de startups dont le nombre ne cesse de croitre d’année en année.
En 2016, pour la troisième année consécutive, la France a été la première délégation étrangère présente au CES de Las Vegas, avec près de 200 entreprises, soit une hausse de 65 % par rapport à 2015 (qui était déjà un excellent cru)
Le succès de la marque « France » est déjà prouvé en matière d’innovation et de dynamisme numérique et il faut saluer des initiatives telles que la French Tech, qui stimule cet écosystème localement et en parallèle rend visible les startups françaises sur la scène internationale.
L’industrie du capital-risque se porte bien en France avec une multiplication de fonds dédiés au financement des startups.
Les grands groupes français eux aussi mobilisés
La plupart a compris l’intérêt qu’il y a à soutenir les startups et à les intégrer dans leur démarche d’innovation. Mais il reste encore des progrès à faire pour que ces mêmes grands groupes donnent aussi à ces jeunes entreprises innovantes, comme aux Etats Unis par exemple, un accès à leur marché et des opportunités de business.
Au regard de ce dispositif vertueux existant et des progrès récents, nous avons la conviction que la France est à un point d’inflexion, que notre pays est en marche vers l’accélération de sa transformation numérique, que la création d’un écosystème dynamique, nourri et ambitieux, similaire à celui de la Silicon Valley y est engagé et porte déjà ses fruits.
Le top digital ?
En 2016, les entreprises de la Tech française ont atteint un nouveau record en passant le cap des 1,5 milliard de dollars de financement, et ce dès le troisième trimestre ! Pour autant, elles manquent encore cruellement d’accès au marché pour prendre leur essor.
Le passage à l’échelle internationale est critique et requiert des investissements importants, et ce, sur la durée. Il est donc crucial pour ces jeunes structures qu’une prise de conscience culturelle s’opère : l’État et les grandes entreprises doivent davantage collaborer avec les startups.
Votre maxime destinée aux jeunes diplômés ?
Elle est liée au rapport à l’échec, à la capacité à prendre des risques, qui est le propre d’un entrepreneur et doit encore évoluer. Je citerais Nelson Mandela :
« Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends. »