De la blague lourde au harcèlement en passant par des remarques sur la maternité ou un paternalisme faussement bienveillant, le sexisme reste une réalité dans le monde professionnel. Si on le qualifie souvent d’ « ordinaire », il n’est jamais banal pour autant. Le Medef s’est d’ailleurs engagé à lutter contre ce fléau professionnel lors d’une journée dédié le 13 juin dernier.
Le sexisme, un sujet tabou en entreprise ? Entre la crainte de tomber dans la victimisation quand on en parle en tant que femme, ou la hantise d’ouvrir la porte à la culpabilisation quand on aborde le sujet en tant qu’homme, il reste en tout cas difficile de le faire entrer dans le débat. Latent, le sexisme ordinaire est « une pollution. La pollution du climat de l’entreprise, une pollution invisible. Il est insidieux même quand il est bienveillant, dévastateur même s’il est involontaire, injuste, polymorphe et même parfois auto-infligé », introduit Armelle Carminati-Rabasse présidente du comité Entreprise inclusive du Medef.
Jamais anodin, le sexisme ordinaire use. La preuve en deux chiffres : aujourd’hui, 1 femme sur 5 est victime de sexisme dans le monde du travail et 4 sur 5 déclarent vivre dans une ambiance de sexisme. « Si l’entreprise n’est pas forcément responsable du problème elle est redevable des solutions », ajoute-t-elle. Mais justement, comment trouver ces solutions ?
#1 Savoir nommer le sexisme
G20 2018, une photo des dirigeants des plus grands pays et institutions du monde : deux femmes seulement. Pas de meilleure représentation de la réalité masculine du pouvoir aujourd’hui. Une réalité qui s’illustre dans toutes les sphères et tous les milieux : 80 % des femmes disent connaitre ou avoir connu une situation de sexisme et ainsi avoir senti fragilisé leur sentiment de compétence personnelle. Une situation amplifiée par l’ambivalence de l’image des femmes dans la société, « le seul groupe discriminé jouissant d’une double image à la fois positive et négative : la mère et la séductrice », précise Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
« Les compétences n’ont pas de sexe : si hommes et femmes ne sont pas pareils, ils peuvent faire pareil » – Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
#2 Arrêter l’ambivalence
Après une période de « sexisme hostile » reposant sur des qualités prétendues naturelles aux femmes les cantonnant à certains espaces et métiers, puis une période de sexisme plus sournois et clandestin, l’heure est aujourd’hui à l’ambivalence. Alors que l’hostilité impacte encore les femmes les plus précaires, un sexisme « bienveillant » émerge en effet à grands renforts de valorisation de qualités dites féminines. L’empathie, l’écoute, la douceur… des qualités certes positives mais qui les maintiennent dans des situations déterminées.
#3 Faire enfin bouger les politiques publiques
Lois, règlements, les textes sont là… mais pas les actes ! « Malgré des politiques publiques engagées, les chiffres ne bougent pas. Toujours 24 % d’écart de rémunération entre hommes et femmes, 29 % de femmes dans les CA des sociétés non cotées, 38 % de députées à l’Assemblée Nationale, 20% d’hommes parmi les salariés à temps partiel et 80 % des tâches ménagères assurées par les femmes. Oui la mixité a réellement avancé, oui, il y a de plus en plus de promotion de femmes cadres mais aujourd’hui, seuls 17 % des métiers sont mixtes (occupés par au moins 40% d’un sexe donné NDLR). Le sexisme c’est le dissolvant des politiques publiques ! » constate Brigitte Grésy.
Dans le travail… et au-delà
« Le sexisme fonctionne comme une catégorisation mensongère. Il crée de l’exclusion et peut limiter les droits des personnes : c’est une menace pour les femmes car il fragilise leur sentiment de compétence personnelle. S’il n’y a pas de continuum entre la remarque sexiste, la grosse blague lourde et le viol, toute manifestation de sexisme ordinaire est une opération de disqualification des femmes. Aussi petits soient-ils, ces actes sont autant de signes d’autorisation donnés aux prédateurs sexuels » martèle Brigitte Grésy.
#4 Reconnaître les actes sexistes
Pour lutter contre le sexisme ordinaire au travail, encore faut-il savoir en reconnaître les manifestations :
Les remarques et blagues sexistes, unilatérales et qui chosifient la personne qui en est victime
L’incivilité et le mépris : couper la parole à une femme dans une réunion, expliquer ce qu’elle vient de dire en revendiquant la paternité de son idée
Les interpellations familières du type « ma petite, ma belle, ma chérie », une forme d’infériorisation rarement symétrique
La promotion de la complémentarité des compétences glorifiant un « leadership féminin » fait d’empathie, de douceur et de sens du lien social… et insinuant que les femmes ne sont pas des pairs mais des complémentaires
La police des codes sociaux de sexe : 70 % des femmes déclarent changer leur façon de s’habiller ou diminuer leur temps de parole dans leur vie professionnelle
La fausse séduction, des compliments appuyés qui chosifient les femmes dans une relation dont elles ne veulent pas et qui les poussent à rétrécir leur temps de parole
Les réflexions sur la maternité…
Les typologies de réponses face aux actes de sexisme ordinaire ?
Le déni
L’évitement
La banalisation ou l’euphémisation
L’impossible confrontation. Votre nouveau mot d’ordre : ni paillasson, ni hérisson !
#5 S’engager
Comme une trentaine de patrons de grandes entreprises (EY, L’Oréal, IBM, AccorHotels…) emparez-vous concrètement du sujet et signez l’acte d’engagement commun #StOpE pour lutter contre le sexisme ordinaire au travail. Le concept ? S’engager à mettre en place en un an au moins une des huit bonnes pratiques identifiées par les signataires, l’afficher et surtout appliquer la tolérance 0 à ceux qui ne le respecteraient pas. Le collectif vous donne rendez-vous le 4 décembre 2019 pour une deuxième vague de signatures : à vos stylos !
Et les hommes dans tout ça ?
S’ils peuvent eux aussi être victimes de sexisme, le mécanisme est différent. Pas de syndrome d’imposture ressenti généralement par les femmes, mais un syndrome d’Atlas, un sentiment d’obligation de dédier beaucoup de temps à l’entreprise et d’être toujours fort. A la croisée de la nostalgie du temps passé et d’un sentiment de culpabilité face aux inégalités, il faut qu’une parole d’hommes émerge et mettre en place des process pour que les stéréotypes soient empêchés d’advenir », conclut la secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.