Olivier Simonin, président de l’INP Toulouse qui fédère 7 grandes écoles dont 6 d’ingénieurs : INP-ENSAT, INP-ENSEEIHT, INP-ENSIACET, INP-ENIT, INP-ENM et INP-EI PURPAN.
Olivier Simonin, président de l’INP Toulouse qui fédère 7 grandes écoles dont 6 d’ingénieurs : INP-ENSAT, INP-ENSEEIHT, INP-ENSIACET, INP-ENIT, INP-ENM et INP-EI PURPAN.

Comment former des ingénieurs aujourd’hui à des métiers qui n’existent pas encore ?

Toutes les écoles d’ingénieurs se posent cette question. C’est une problématique pédagogique et académique cruciale pour former des personnes qui dans 5 comme dans 35 ans, seront appelées à poser et résoudre des problèmes dont on ne sait rien aujourd’hui, à développer les sciences et technologies, à organiser des systèmes évolutifs.

Olivier Simonin, président de l’INP Toulouse qui fédère 7 grandes écoles dont 6 d’ingénieurs : INP-ENSAT, INP-ENSEEIHT, INP-ENSIACET, INP-ENIT, INP-ENM et INP-EI PURPAN.
Olivier Simonin, président de l’INP Toulouse qui fédère 7 grandes écoles dont 6 d’ingénieurs : INP-ENSAT, INP-ENSEEIHT, INP-ENSIACET, INP-ENIT, INP-ENM et INP-EI PURPAN.

« C’est une évidence à priori, on ne peut présager de tous les métiers de nos ingénieurs à moyen terme », constate Olivier Simonin, président de l’INP Toulouse. Une évidence pour qui connait le métier de l’ingénieur qui consiste à gérer les incertitudes, à résoudre des problèmes qui ne sont pas encore clairement posés, à inventer, créer et développer.

 

L’avenir, une perspective fondamentale
Dès lors, la mission des écoles d’ingénieurs est de fournir à leurs élèves les outils, connaissances et postures intellectuelles et personnelles qui leur permettront d’aborder, voire d’inventer des métiers qui n’existent pas au moment où elles les forment. « Cette perspective est fondamentalement la nôtre car nous ne formons pas des ingénieurs pour un premier poste mais pour un parcours par définition marqué par des évolutions et des changements », souligne Olivier Simonin. Toute école d’ingénieurs est donc supposée avoir une perspective de long terme sur sa formation. « Toutes les écoles font face à la problématique d’expertise immédiate, de compétence opérationnelle de leurs étudiants, mais aussi de leur capacité à évoluer dans leurs domaines respectifs », résume Gilles Trystram, directeur d’AgroParisTech.

 

Outils et connaissances
Montaigne le disait autrement : Mieux vaut une tête bien faite que bien pleine ; exprimant une caractéristique des écoles françaises : leurs formations dites généralistes, pluridisciplinaires et abordant d’autres domaines que scientifiques et techniques. « Nos formations ne consistent pas à donner des compétences uniquement spécialisées qui présentent le risque de se périmer sur le marché du travail », confirme Olivier Simonin. Le socle de connaissances fondamentales en sciences, technologies et techniques sont les outils de la connaissance. « L’enjeu est de chercher la connaissance où elle est, d’en prendre rapidement la mesure, de l’intégrer en fonction des besoins. » L’exposition à de nombreuses disciplines scientifiques est l’une des clés de la future capacité d’adaptation, à mener une carrière non linéaire. « Nos élèves sont confrontés à différents points de vue, à des approches complémentaires, explique Frank Pacard, directeur général à l’enseignement de l’X. Physique, mathématiques et chimie mettent en oeuvre différentes manières de penser. Cela enrichit la construction du raisonnement et le langage scientifique, et permet donc de s’adapter aux évolutions des métiers de l’ingénieur, y compris ceux qui sont encore à définir. »

 

Compétences personnelles
L’exposition aux connaissances scientifiques et techniques est indépendante du métier que l’ingénieur exercera. C’est bien pour cela qu’on les appelle connaissances fondamentales. Il faut en plus acquérir des connaissances liées aux métiers comme la gestion de projet. Il est aussi nécessaire d’acquérir la capacité à s’adapter, à appliquer ce que l’on sait à de nouveaux problèmes. Pour cela les écoles d’ingénieurs forment implicitement et en action via des mises en situation : projets réels, stages, apprentissage, vie associative, séjours à l’étranger. Se préparer à des métiers qui n’existent pas encore suppose d’avoir développé des qualités d’ouverture, d’adaptation à des situations inédites, et donc d’avoir multiplié les expériences.

 

Anticiper via la recherche
« Dans nos domaines de l’agriculture, agricole, agro-alimentaire, environnement, il y a et il y aura à l’avenir création de nouvelles activités, apparition de nouveaux enjeux donc de nouvelles missions pour nos ingénieurs, affirme Gilles Trystram. Des activités émergentes comme les bassins de captage, les services écosystémiques à la société, le tourisme rural, l’entretien d’espace ne sont pas encore valorisées. » Le management, la gestion, la logistique des activités valorisation des forêts, la gestion de l’eau. « Ces évolutions, nous les anticipons grâce aux compétences et recherches de nos enseignants-chercheurs. L’enjeu est que nos élèves développent les compétences pour aborder ces nouveaux métiers, y compris ceux qu’ils créeront eux-mêmes. » L’apport de la recherche est essentiel pour faire évoluer les enseignements de manière à permettre aux élèves-ingénieurs de s’imprégner des sciences les plus pointues. « La proximité des étudiants avec la recherche les ouvre à des problématiques d’ingénierie complexes dont parfois même nos chercheurs n’ont pas encore la réponse ! souligne Frank Pacard. Ces questions de pointe sont aussi celles auxquelles les entreprises voudraient répondre. En ce sens, nos élèves se préparent aux métiers de demain, à l’ingénierie du futur. » Les stages en laboratoires sont aussi l’occasion d’acquérir des qualités que l’on ne développe pas dans un cursus académique classique : capacité à remettre en question ses certitudes, à gérer l’incertain, le goût du risque, à se poser des questions, à élaborer des stratégies pour y répondre.

 

Et les relations avec les entreprises
La proximité des laboratoires avec les industriels permet aux étudiants de faire le lien avec les besoins de l’entreprise et aux écoles d’anticiper les compétences et connaissances qui seront nécessaires à l’ingénieur du futur. « Ces sources nous permettent de répondre à des questions telles : quelles sont les techniques émergentes, quels sont les verrous technologiques qui seront brisés à court ou moyen terme, dans quelle mesure ces avancées seront de nouveaux outils professionnels ou seront le pont vers de nouveaux métiers ? » illustre Olivier Simonin.

 

Toujours un pari sur l’avenir
Anticiper, sentir les tendances est d’autant plus important pour Alain Storck, président de l’UTC que « l’émergence de nouveaux métiers est palpable. Ils vont souvent nécessiter des compétences multisectorielles, des doubles compétences comme des ingénieurs architectes, des médecins technologues. » L’ingénierie et les technologies sont très invasives et de plus en plus la où une partie de la solution a de nombreux problèmes complexes. Elles ouvrent de facto de nouvelles carrières pour les ingénieurs. « Anticiper cela fait partie de notre mission, ajoute Alain Storck. Cela se fait en observant les évolutions, et dès lors que nous sommes sûrs qu’elles sont structurantes, que les DRH vont chercher de nouveaux profils, on fait un pari en lançant une formation, en faisant évoluer nos programmes, en testant un module, un stage de formation continue. » « Ce qui prime avant tout c’est la méthode de l’ingénieur, conclut Olivier Simonin. Dans 10 ans, au-delà des fondamentaux, les connaissances sont périmées. Ce qui compte c’est donc de savoir se mettre à jour pour rester à la pointe et d’avoir une vision assez globale de l’impact de ses décisions pour appréhender son rôle et sa responsabilité d’ingénieur sur le long terme. »

 

A. D-F