De la requête sur un moteur de recherche à l’utilisation du GPS sur son téléphone, en passant par les réseaux sociaux, les algorithmes influencent nos vies et sont de plus en plus présents dans la sphère professionnelle. Christine Balagué, professeure à Télécom École de Management et titulaire de la Chaire Réseaux Sociaux et Objets Connectés lève le voile sur leur emprise.
L’usage des algorithmes pour prendre des décisions au quotidien se fait beaucoup plus fréquent qu’on ne l’imagine. Ne serait-ce que pour réserver un restaurant, un hôtel, un vol… Selon le site internet choisi, les établissements ou transports mis en avant ne seront pas les mêmes. « Tout au long de la journée, nos choix sont guidés par ces outils. Par exemple, nous savons que Waze calcule ses itinéraires pour faire passer ses abonnés devant des enseignes qui le rémunèrent. Il en va de même pour Netflix, qui vous propose des contenus que vous êtes susceptibles d’aimer. Il y a également le cas Facebook, qui ne vous affiche que des actualités jugées pertinentes par les algorithmes », explique Christine Balagué.
La question de la pertinence
Mais ce qui est pertinent pour moi, l’est-il pour mon voisin ? Dans cette question réside une problématique centrale de l’usage des algorithmes : le jugement de valeur. « Mark Zuckerberg dit : « Un écureuil qui meurt devant votre porte risque de davantage vous intéresser que des gens qui meurent en Afrique ». Ainsi, une partie de l’information vous est totalement invisible sur les réseaux sociaux et cela soulève des questions. Les algorithmes créent une chambre à écho, c’est-à-dire qu’ils vous vont mettre plus facilement en relation avec des gens qui pensent comme vous et aiment ce que vous aimez. Ils produisent également des bulles d’enfermement. En effet, puisque l’information qui vous ressemble est jugée pertinente par les algorithmes, vous serez toujours confrontés au même type de contenus. »
Dans la vie, comme au travail
Le hic, c’est que ces algorithmes manipulent les décisions au plus profond de nos sociétés. Plusieurs études ont démontré l’influence des réseaux sociaux et des moteurs de recherche sur le vote des indécis lors des élections présidentielles américaines et françaises. Mais ce n’est pas tout ! Aux États-Unis, le département de la justice a développé des algorithmes capables de prédire qui commettra un crime ou qui récidivera. « La justice américaine a considéré que certains individus étaient des délinquants alors qu’ils n’avaient rien fait. Heureusement, en France, une loi est en cours d’étude pour interdire l’utilisation des algorithmes dans ce cadre. » Les algorithmes sont également très utilisés dans le domaine oncologique ou de l’imagerie médicale et peuvent parfois mener à des résultats surprenants. « Ces outils décident délibérément de masquer certaines zones du corps lors d’une radio ou d’une échographie. Les médecins oublient qu’il peut y avoir des marges d’erreur importantes, pouvant amener à des faux positifs ou des faux négatifs. Parfois, certaines femmes se font opérer du cancer du sein, et on s’aperçoit qu’elles n’étaient en réalité pas malades. »
Pour une innovation responsable
En France comme en Europe, les pouvoirs publics et les entreprises s’emparent de ce débat. Les secteurs comme l’assurance ou la banque sont très réglementés. Tous les acteurs économiques s’accordent à dire qu’il faut œuvrer pour une innovation responsable et des projets se forment autour de ces enjeux, comme TransAlgo. Pour les étudiants et diplômés désireux de développer des produits et soucieux de l’éthique, les algorithmes ont encore de beaux jours devant eux et offrent de nombreuses opportunités.
Le point de vue de l’expert