Comment l’IA redessine-t-elle le métier de créatif ?

L’arrivée de l’IA dans le design bouscule déjà les pratiques du secteur et le métier de créatif. Pour apprivoiser cet outil positivement et exploiter ses potentiels, quelle attitude adopter ? Comment définir ses usages ? A l’orée de cette nouvelle révolution numérique, les étudiants apprennent à s’affranchir de cet outil. 

L’intelligence artificielle agite le monde de l’art de manière accélérée depuis quelques mois. Stable diffusion, Dall-e ou Midjouney pour l’image, mais encore OpenAI avec son GPT3 ou copy.AI pour le texte et la conception rédaction, sont les nouveaux outils de conception que les artistes, illustrateurs, concept artists, et curieux néophytes s’empressent de tester. Avec leurs algorithmes de plus en plus redoutables, ces IA peuvent générer des images originales en quelques secondes. Les résultats sont troublants et peuvent parfois être confondus avec le travail d’un professionnel.

L’IA, reflet de nos données

Passé l’étonnement et l’admiration, ces IA apportent de nouveaux questionnements aux artistes. Leurs images sont-elles véritablement de l’art ? Ne sont-elles qu’une imitation sans âme de ce que nous sommes capables de créer ? Il est important de souligner que l’IA ne crée pas véritablement une œuvre artistique, mais plutôt une reproduction de ce pour quoi elle a été programmée. Pour créer ces images, l’IA se nourrit des milliards de données que nous avons participé à produire, tout individu, artiste ou illustrateur compris. Sans âme, elle ne peut donc pas exprimer de manière authentique ce que nous ressentons en tant qu’êtres humains. A travers l’art, s’expriment l’âme humaine, nos émotions, nos pensées et nos sentiments. L’enjeu des designers est d’apporter leur part d’expression en ayant recours à l’IA. 

L’IA, un nouvel outil créatif

Entre les possibilités d’explorer de nouvelles idées et la peur qu’elle remplace les designers, l’IA suscite une inquiétude légitime. Alors que certains métiers sont déjà dans la crainte face à l’arrivée des IA, c’est notre manière de les apprivoiser et de les utiliser qui entre en jeu. Là où le grand public pourra se contenter du premier jet d’une IA, l’artiste va lui intégrer cet outil dans son processus créatif. Pour tester ses idées et explorer des pistes inattendues, l’IA peut déployer la créativité vers de nouveaux terrains. Sur la base des propositions de l’outil, l’artiste entreprend une vraie direction artistique pour concevoir en respectant son intention, un objectif ou encore son style. Cette influence de l’IA en matière de création artistique est un sujet complexe qui continuera à évoluer à mesure que la technologie avancera mais aussi en fonction de l’attitude que nous adoptons. 

Le rôle d’une école de création est de préparer les étudiants à ces défis

Bien que l’IA puisse ouvrir de nouvelles opportunités intéressantes pour les artistes, ces éventuelles conséquences négatives sont à suivre avec vigilance. Une préoccupation est que l’IA pourrait finir par remplacer certains artistes, entraînant la perte d’emplois et une dévalorisation de l’art créé par des êtres humains. Il y a également le risque que l’IA conduise à une homogénéisation des styles artistiques, car elles produisent particulièrement des images similaires à ce qu’elles ont été entraînées à produire. Cela pourrait réduire la diversité et l’originalité de l’expression artistique. Déjà passé par différentes révolutions technologiques en ayant fait renaître son rôle, les designers et les créatifs vont devoir redonner du sens à cette évolution, l’intégrer et la développer. Ce défi débute auprès des étudiants qui dessineront le futur de la profession. Le rôle d’une école de création est ainsi d’envisager toutes ces potentialités et préparer les étudiants à ces défis et ces remises en question que nous imposent les évolutions technologiques. La direction artistique est avant tout un état d’esprit et un savoir-être, elle ne souffre pas d’une performance de savoir-faire ponctuel. Le monde de l’idée reste encore un accès privilégié de la conscience et du sensible.

Clément Derock, designer – co fondateur et dirigeant de l’École Intuit Lab