Concilier digital et environnement reste une équation difficile à résoudre dans les trois principaux secteurs d’activités du numérique à la fois énergivores et consommateurs de ressources : le hardware (smartphone et ordinateur), le fonctionnement d’internet (réseaux et datacenter) et les usages des internautes.
Extraction = pollution sans solution
La conception/production d’un smartphone demande plus de 50 matières premières différentes dont beaucoup extraites dans des terres dites « rares », bien souvent dans des conditions loin des labels RSE. Par exemple, l’extraction, le traitement et la séparation de l’europium, recherché pour les luminophores des écrans, est coûteux en énergie, eau et produits chimiques. La durée de vie de nos ordinateurs a été divisée par 4 en 25 ans passant de 12 à 3 ans. Un smartphone se change lui tous les 3 à 4 ans en moyenne. A cette obsolescence du matériel s’ajoute les mises à jour logiciels qui rendent difficilement exploitables nos smartphones plus de 5 ans. Plus de renouvellement = plus de matières premières dont les terres rares. Ajoutez un taux de recyclage des smartphones de 25 %, nous sommes loin d’un digital durable.
Toutefois, des initiatives se sont développées comme les espaces communautaires « Makers » et « Fablabs » qui proposent de fabriquer ses propres produits. Les « repairs café » et Spareka fournissent quant à eux des pièces détachées avec tutoriels de réparation ou les « Backmarket » revendeurs de produits reconditionnés sont des alternatives « vertueuses » à cette surconsommation ou gaspillage de technologies hardware. La route est encore longue même si 46 % des Français déclarent avoir déjà acheté un smartphone reconditionné, et les industriels ont encore du mal à trouver un modèle économique rentable et pérenne.
Tous « Homodigitalus »
Le doublement du nombre d’internautes en 10 ans (de 2,18 milliards à 4,95 milliards), l’augmentation du nombre d’utilisateurs des médias sociaux (multipliée par 3 en 10 ans soit un passage de 1,5 milliard à plus de 4, 6 milliards) engendre un volume de données plus important à stocker. Les usages eux aussi sont en augmentation : plus de photos, de vidéos, de commentaires publiés. La facilité de transferts de données, les forfaits abordables et surtout la pression sociale qui pousse à l’usage les consommateurs à « être » sur le web par peur d’être dépassés sont les raisons de cette inflation d’interactions. En 2025 le consommateur produira 5 000 interactions digitales par jour. Un seul courriel génère entre 0,5 et 20 g de carbone et représente l’équivalent de la consommation d’une ampoule électrique pendant une heure, une sensibilisation à la modération des usages digitaux et un changement des mentalités semblent urgent auprès des 73 % des Français qui n’ont pas conscience de la notion d’écologie digitale.
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Stocker = climatiser
Les datacenters sont de plus en plus nombreux et imposants (3 millions de – de 500M2 et 500 hyperscales grands comme un stade de foot) pour recueillir et stocker les volumes de données. Nous pouvons simultanément en mobiliser jusqu’à 100 dans 10 pays différents pour nos vies numériques : photos, vidéos, sms, pièces jointes. Ils permettent aussi aux internautes de profiter du streaming qui représente 60 % des flux de données dans le monde. Indispensable, la climatisation d’un datacenter peut utiliser jusqu’à 600 000 m3 d’eau par an et la consommation d’énergie électrique est à l’avenant.
Des solutions sont envisagées pour limiter le gaspillage comme des datacenters « green » qui réemploient la chaleur résiduelle des fermes de données pour chauffer les piscines municipales et les bureaux. Toutefois, ces dispositifs demandent des années avant une mise en place opérationnelle.
Concilier digital et environnement : quelles solutions ?
Le numérique et nos usages sont-ils durables ? Les constats sont publiés depuis longtemps. Pour « équilibrer » la relation, repenser notre rapport au numérique est à écrire en 1ere ligne de notre « Do it list ».
L’auteur est Ronald Boucher, Professeur-Chercheur, Responsable du Master Digital Data et Ecommerce de l’ISTEC