Travailler auprès de paysans boliviens dans le cadre de ses études à AgroParisTech, voilà ce qui a convaincu Emilie Sarrazin Présidente de Max Havelaar France, de se tourner vers l’agriculture bio puis le commerce équitable. Rencontre avec une femme engagée.
Le commerce équitable, quèsaco ?
La vocation du commerce équitable est de proposer aux consommateurs d’acheter des produits permettant à leurs producteurs de vivre correctement de leur travail. Il concerne bien sûr les producteurs du Sud, mais si les règles du commerce équitable étaient appliquées à l’ensemble du commerce international, tous les agriculteurs et producteurs pourraient vivre de leur métier. C’est d’ailleurs dans cette optique que nous travaillons à l’application de ces principes en France. Car même si le contexte est évidemment plus favorable qu’au Sud (couverture maladie, eau courante, école…), aujourd’hui des agriculteurs vivent dans notre pays dans des conditions dramatiques.
Le rôle de Max Havelaar France dans cette dynamique ?
Notre rôle consiste à sensibiliser l’opinion publique à la question du commerce équitable et à développer des partenariats avec les entreprises françaises de l’agroalimentaire. C’est ainsi qu’en France, nous travaillons avec 216 entreprises et développons 3 200 références. Du café, du chocolat et des bananes bien sûr, mais aussi du thé, du poivre, de la vanille, des noix de cajou… afin de permettre aux producteurs de ne pas être contraints à la monoculture.
Les industriels sont-ils prêts à abandonner la logique de coûts ?
La logique de coût existe partout car le prix reste le critère de choix numéro 1 des consommateurs devant l’origine et la qualité d’un produit. Il y a deux façons d’accompagner les industriels. D’abord, par une démarche reposant sur le volontariat dans l’adoption du label Fairtrade / Max Havelaar. C’est le cas de petites PME tournées vers le bio bien sûr, mais aussi de grandes enseignes comme Biocoop, Malongo, Carrefour, Intermarché… La contrainte règlementaire s’illustre également comme une option. Chez Max Havelaar, nous croyons aux vertus d’une alliance de ces deux approches.
Comment influer sur le cadre règlementaire en France ?
Nous nous appuyons sur notre expertise pour faire avancer des politiques en faveur des petits producteurs. Et cela porte ses fruits. Avec la loi Hamon de 2014, la France est le premier pays au monde à avoir donné une définition du commerce équitable.
Nous travaillons également à une reconnaissance publique des labels de commerce équitable. Une démarche essentielle quand on voit que certains organismes se revendiquant du commerce équitable n’en remplissent pas les éléments fondamentaux que sont : assurer un prix minimum garanti, travailler avec des organisations de producteurs au fonctionnement démocratique et accompagner les agriculteurs à adopter des pratiques plus respectueuses de l’environnement.
« Choisir un produit labellisé commerce équitable c’est redonner le pouvoir aux producteurs en prenant le pouvoir en tant que consommateur. »
Parlez-nous du FairTrade Film Challenge 2017, un concours vidéo à destination des jeunes.
Son objectif est de sensibiliser et de les mobiliser par une action ludique qui a du sens. A l’occasion du 25e anniversaire du premier paquet de café labellisé Fairtrade / Max Havelaar, les jeunes de 18 à 26 ans sont ainsi invités à s’inscrire sur http://fairtradefilmchallenge.maxhavelaarfrance.org/ et à déposer leur film de 30 à 90 secondes sur le thème « Faut-il avoir un grain pour consommer du café équitable ? » entre le 2 octobre et le 19 novembre 2017. Par la suite, les internautes voteront pour leurs vidéos préférées parmi les 50 films sélectionnés et un jury désignera les grands vainqueurs. A la clé, un voyage au Guatemala à la rencontre de producteurs de café.
Quelles sont les valeurs du commerce équitable qui font le plus écho à celles des jeunes ?
Tout d’abord, le lien : ils sont les premiers à vouloir savoir qui produit leur alimentation. L’innovation ensuite, car Max Havelaar cherche à transformer la société dans une posture bienveillante et créative. Une forme d’action concrète enfin. Grâce au commerce équitable, on peut agir pour que des femmes et des hommes vivent dignement de leur travail en choisissant simplement un produit dans un magasin.
Pas facile quand on a un budget étudiant serré ?
C’est avant tout une question de choix. Acheter un produit labellisé Fairtrade / Max Havelaar, c’est certes acheter un produit un peu plus cher, mais c’est surtout acheter un produit de très bonne qualité et qui permet à son producteur d’être payé au juste prix. Le plus compliqué en matière de consommation c’est de changer ses habitudes. Quand on devient étudiant, on prend son indépendance : c’est le moment de faire ses propres choix de consommation.
Le saviez-vous ?
Alors qu’on compte 3 milliards de producteurs au niveau mondial, le commerce équitable ne représente qu’1.6 million de producteurs.