Un professeur d'ICI-ICARE en plein cours en distanciel. Crédit : ICI-ICARE

Cours 100% à distance, le retour – Episode 1

On prend les mêmes et on recommence ! L’annonce du confinement fin octobre avait comme un air de déjà-vu. Rodées, les grandes écoles et universités sont revenues à des cours 100 % en distanciel. Mais fortes de l’expérience du premier confinement, c’est une version upgradée des cours en digital qu’elles ont proposée à leurs étudiants.

A l’annonce du premier confinement en mars dernier, beaucoup de grandes écoles entamaient déjà, depuis plus ou moins longtemps, des réflexions sur la digitalisation de certains cours. Mais le confinement a été un véritable coup d’accélérateur. Depuis, les établissements n’ont de cesse d’améliorer l’expérience des cours à distance pour leurs étudiants, mais aussi pour les professeurs.

Objectif immersion

A NEOMA Business School, la direction de la transformation digitale existe depuis déjà 3 ans. « Le but était de faire évoluer les pratiques pédagogiques, l’expérience d’apprentissage et d’entretenir le sentiment d’appartenance des étudiants à une seule école sur des sites géographiquement distants (Rouen, Reims et Paris) », explique Alain Goudey, directeur de la transformation digitale.

Mais c’est avec le premier confinement que la business school a accéléré un projet d’ampleur : celui d’un campus virtuel pérenne, le « 4e campus de l’école ». Le principe ? On se connecte avec son avatar à un monde virtuel. Chaque membre de l’école peut ainsi se promener sur le campus, échanger avec d’autres personnes et, bien sûr, assister ou donner des cours. Outre les cours classiques en amphithéâtre, ce monde virtuel propose des « classrooms ». « C’est comme une salle de cours traditionnelle mais le professeur peut configurer la pièce en fonction des besoins pédagogiques », décrit Alain Goudey. L’option masterclass permet, elle, de travailler en petits groupes. Des espaces collaboratifs pour le staff ou les professeurs sont aussi mis à disposition, ainsi que des salles de réunions. « La Covid a agi comme un accélérateur hallucinant de tous les projets de transformation numérique. En six mois, nous avons réalisé plus de transformations qu’en six ans », assure Alain Goudey.

Le campus virtuel persistant de NEOMA BS.

A ESCP, l’utilisation d’outils à distance performants est également montée en puissance entre les deux confinements. En mars, la business school parisienne s’est concentrée sur deux aspects : la mise à disposition d’ordinateurs pour les chargés de programme accompagnant les professeurs (une deuxième vague d’ordinateurs performant est prévue pour les professeurs) et la mise en place de classes virtuelles via BlackBoard Learn, une plateforme de learning.
Le deuxième confinement s’est accompagné de l’arrivée des salles hybrides. « Dans le cadre de notre plan de transformation digital fin 2018, nous avions commencé à expérimenter trois salles hybrides », explique Anthony Hié, Chief Digital Officer à ESCP. L’école propose trois types de salles hybrides : une première de haute qualité utilisée pour les classes virtuelles avec une tablette graphique qui permet de simuler le tableau blanc avec un stylet interactif, un système de captation de son qui permet au professeur de parler sans micro-cravate et une caméra haute définition. Le deuxième niveau est la salle agile, équipée d’une « caméra hibou » très haute définition permettant de filmer la pièce à 360° tout en captant le son. Enfin, le troisième niveau de salles, peu utilisé en période de confinement est équipé d’une webcam classique sur des ordinateurs fixes.

La technologie au service de l’interactivité

La nécessité de mettre en place un campus virtuel persistant ou des salles de classe virtuelle s’est imposé après un constat fait lors du premier confinement. « On s‘est rendus compte qu’une journée de cours sur Zoom ou Teams ne laissait que peu de place à la spontanéité, à l’interactivité, aux aspects informels, etc. analyse Alain Goudey. C’était aussi compliqué pour le professeurs de travailler en petits groupes par exemple ».

NEOMA et ESCP sont loin d’être les seules écoles à avoir fait ce constat. C’est d’ailleurs ce qui a poussé nombre d’entre elles à aller plus loin dans l’expérience du digital. A Grenoble Ecole de Management, où tout le cycle 2 (du 2 novembre jusqu’au départ pour les vacances de Noël) se déroulera à distance, de nouveaux outils ont aussi été mis en place : 18 salles ont été équipées avec le dispositif technologique pédagogique « Hyflex » sur les campus de Grenoble et Paris. « Cette technologie permet de mixer online et présentiel. Nous équiperons 100 % de nos salles pour le 3ème cycle de l’année (janvier – mars 21), annonce Jean-François Fiorina, DGA de Grenoble Ecole de Management. Les technologies permettront de dispenser des enseignements à la fois à des étudiants en salle de classe, et à distance ou entièrement à distance de manière encore plus poussée. » L’intérêt majeur ? Améliorer les conditions des cours à distance avec une meilleure perception possible du ressenti de la salle de classe et un meilleur suivi individuel possible. Des expérimentations en « réalité mixte » sont également en cours à GEM Labs pour aller encore plus loin : cours en mode interactif, immersif et dynamique grâce à de la réalité virtuelle, création d’un jumeau numérique de GEM Labs pour dispenser des cours dans des bâtiments recréés virtuellement…

« Garder à tout prix l’interactivité du présenciel »

A ICI-Icare, école internationale de management en hôtellerie de luxe, tout a été également mis en place pour que les conditions du distanciel soient les meilleures possibles. Depuis le début de la crise sanitaire, l’école a opté pour le modèle des cours hybrides avec une partie de la classe en présentiel et une partie en distanciel et a alors utilisé dès le premier confinement des outils tels que le tableau blanc interactif ou des caméras qui couvrent l’ensemble de la salle et qui se déplacent pour suivre l’interlocuteur. « Nous étions déjà réellement dans une logique de garder à tout prix l’interactivité du présenciel », explique Nicolas Donnève, directeur général d’ICI-Icare.  Pour ce second confinement, les élèves sont tous à la maison mais les professeurs font cours depuis leurs salles de classe. « Ils ont à disposition des caméras pour les prises de vue, des barres de son et micros professionnels et des techniciens sont présents s’ils ont besoin d’aide ».

A la Sports Management School, c’est aussi l’interactivité qui a été travaillée entre le premier et le second confinement. « Il y a un an, nous avons lancé notre MBA online. Nous connaissions donc déjà la solution Blackboard que nous avons mise en place lors du premier confinement. Mais nous nous sommes rendus compte que les interactions n’existaient peu ou pas : les étudiants avaient du mal à prendre la parole devant un ordinateur et les enseignants faisaient difficilement interagir les élèves. Nous nous sommes vraiment penchés, pour le deuxième confinement, sur l’amélioration des cas pratiques, importants dans l’école », explique David Mignot, directeur académique. L’école a alors mis en place davantage de suivi des élèves en sous-groupes, plus propices à l’interaction sur Blackboard. « Nous avons aussi trouvé des outils complémentaires gratuits et accessibles pour mieux travailler ».

Le Pôle Léonard de Vinci a investi 1 million d’euros en achat de matériel (caméra intelligente, second écran, dalle audio d’excellente qualité…) afin de redonner l’impression d’immersion et d’interaction lors des cours hybride (co-modal : présentiel et distanciel synchrone). Il a également misé notamment sur Wooclap pour booster l’interactivité. « C’est un outil de quizz interactif qui permet de générer des interactions dans la classe, que ce soit en 100 % distanciel, hybride ou présentiel, explique Cora Beck, directrice du département Innovations et Pédagogies digitales. Cela permet de voir si les étudiants suivent et comprennent au fur et à mesure du cours. Nous avons débuté par une phase pilote à partir de septembre et l’outil sera déployé de manière institutionnelle à partir de janvier 2021. Déjà plus de 300 enseignants sont dessus et 60 000 réponses ont été générées par les étudiants. »

L’importance de la formation

Mais apprendre à utiliser ces outils  ou animer un cours à distance ne s’invente pas. Les établissements ont alors dû mettre en place des formations, notamment pour les professeurs afin de les accompagner dans cette transformation de l’enseignement. Le Pôle Léonard de Vinci a dispensé des formations sur la maitrise des outils de base et les outils de gestion de projets à distance dès le déconfinement, afin de préparer au mieux la rentrée de septembre. « Pour le deuxième confinement, nous avons axé les formations sur tout ce qui est scénarisation et animation des cours 100% distance et nous mettons également en place des outils de campus virtuel pour recréer du lien entre les étudiants et les enseignants à distance et maintenir la socialisation et la continuité pédagogique  en classe et hors classe», expose Cora Beck.

Vers une progression du distanciel dans les prochaines années ?

« Le campus virtuel répond à des besoins au-delà du contexte, assure Alain Goudey. Il permet par exemple à des étudiants sur les campus de Reims et Rouen de faire des activités pédagogiques communes ». Pour Anthony Hié aussi l’expérience du « phygital » est amenée à se développer. « L’étudiant peut commencer un cours en présentiel, puis continuer en digital pour ensuite revenir sur le campus. » 

Même son de cloche pour David Mignot, directeur académique de la Sports Management School. La maîtrise de l’enseignement à distance ouvrirait notamment le champ des possibles en matière d’intervenants. « 95 % de nos professeurs sont parisiens : la connaissance de Blackboard permettra d’ouvrir l’accès à plus d’intervenants de toute la France et même internationaux pour proposer autre chose que des contenus franco-francais. Ce serait beaucoup plus facile à gérer ».

Le Pôle Léonard de Vinci proposait déjà 30 % de ses cours en 100 % distanciel avant la crise sanitaire, principalement des cours magistraux qui se déroulaient auparavant en amphi de 400 à 600 personnes. « Après la Covid, un certain nombre d’enseignements pourraient être maintenus à distance. Par exemple sur une même promo, une UE peut être éclatée en dix groupes de 40 personnes. Cette répétition des contenus pourrait être digitalisée », conclut Cora Beck.