Marie Diron, Moody's ratings
Crédit John Raiola

Dans les coulisses des notes souveraines avec Moody’s Ratings – L’interview de Marie Diron

Le monde entier est suspendu aux notes de Moody’s Ratings. Ne restez pas observateurs, rejoignez les équipes d’analystes de Marie Diron, (CentraleSupélec 97), Directrice Générale Sovereign Risk et prenez part, de l’intérieur, aux évolutions des marchés financiers.

Quels sont vos défis à la tête de la division Risques souverains ?

Nous couvrons 145 gouvernements nationaux, mais aussi des régions et des institutions publiques (universités, transports, bailleurs sociaux…). Mon équipe rassemble une centaine d’analystes juniors et seniors. Je suis basée à Londres, mais je supervise des collaborateurs à Toronto, San Paolo, Sydney, Tokyo, Paris, Francfort, Milan, Dubaï, Singapour…. Je suis responsable de la qualité des notations et de leur communication aux marchés financiers et aux gouvernements. Dans l’équipe de notations souveraines, chaque personne a un portefeuille de pays et analyse en permanence les politiques économiques et sociales des pays. La note que l’on donne (de Aaa à C) reflète notre opinion sur la capacité d’un gouvernement à rembourser en totalité sa dette.

En tant que française, comment rester objective quand on dévalue la note de son pays ?

Ça n’entre pas en compte car nos notations doivent rester objectives et rigoureuses. Ce sont la crédibilité et la valeur de nos services qui sont en jeu. Nous avons des méthodologies et deux comités par an pour chaque souverain qui débattent et présentent différents points de vue pour s’assurer de la rigueur de l’analyse qui soutient nos décisions. Notre crédo ? Un groupe prend de meilleures décisions qu’un individu.

Dans quelle mesure les critères ESG sont-ils intégrés dans les notations souveraines ?

Nous avons beaucoup investi pour intégrer les paramètres ESG dans un cadre analytique plus formel et rigoureux. En 2020, nous avons lancé nos ESG credit impact scores qui mesurent l’impact ESG sur la notation. Depuis, cette norme a intégré tous les secteurs que nous couvrons. Je m’y suis pleinement investie car je constate au quotidien la matérialité des thématiques ESG pour l’analyse de crédit et suis convaincue que cela impacte les marchés financiers de façon fondamentale.

Quid des opportunités pour les jeunes ingénieurs ?

Moody’s c’est 14 000 employés dans le monde entier, il y a donc plein d’opportunités ! Dans la division Moody’s Ratings, nous recherchons de plus en plus de talents qui aiment manipuler et faire parler les données. Nous avons des postes d’analyses crédits, de données, de construction de modèles et d’outils qui utilisent l’intelligence artificielle. Il y a des fonctions d’experts dans certains domaines (assurance, catastrophes naturelles, immobilier) et d’autres plus généralistes. C’est cette voie que j’ai choisie car j’aime la diversité des sujets. Beaucoup de jeunes nous rejoignent à la suite d’un stage, un excellent moyen pour comprendre comment l’entreprise fonctionne.

Quelle est la place des femmes chez Moody’s ?

Les marchés financiers font souvent la part belle aux hommes, mais chez Moody’s toutes les directrices générales de groupes de notation sont des femmes, et ce dans tous les secteurs. Mon conseil aux jeunes femmes ? N’hésitez pas à prendre des risques calculés si des opportunités se présentent et à exprimer vos souhaits de carrière. Quand j’ai su qu’un poste se libérait à Singapour, j’ai osé postuler tout en me demandant : quels sont les risques ? J’étais confiante de pouvoir les gérer avec le soutien de ma famille et de mon entreprise. Basée à Londres, je n’étais pas forcément une candidate naturelle pour ce poste mais une fois que j’ai signalé mon intérêt, les discussions se sont accélérées. J’ai passé près de cinq ans à Singapour et j’y ai acquis une expérience professionnelle et personnelle phénoménale en tant qu’analyste pour la Chine, l’Inde, l’Australie…puis chef d’équipes régionales et globales.

Vos conseils aux diplômés ?

Soyez curieux, saisissez les opportunités qui se présentent et devenez visibles dans l’entreprise. Je suis toujours prête à aider et à conseiller de jeunes collaborateurs.

CentraleSupélec

Venant de Bayonne, mes études m’ont ouvert des portes sur le monde. La rigueur et la capacité à traduire une question en un cadre analytique, continue de me servir. J’y ai continué la danse classique et pu essayer le théâtre. L’idée de partir à l’Université de Cambridge pour ma dernière année m’est venue au cours d’une discussion avec des amis. Quand je suis allée voir le professeur d’anglais en charge du programme, il m’a dit : votre anglais n’est pas assez bon. Ça m’a piqué au vif et je me suis mise à écouter des livres audios en anglais pour m’améliorer. Quelques mois plus tard, il me donnait son feu vert !