De nombreux travaux de recherche et des études empiriques récentes mettent en avant les effets positifs du jeu pédagogique sur l’apprentissage tels que le développement de l’habilité de coopération, de communication, la motivation d’apprentissage ou aussi la structuration et l’intégration des connaissances. Des initiatives variées individuelles comme institutionnelles ont été prises dans plusieurs projets pédagogiques et systèmes éducatifs et d’enseignement. Par Adel Aloui, Enseignant-Chercheur ISTEC
De l’intérêt des jeux pédagogiques
Les jeux pédagogiques sont considérés comme de bons moyens pour faciliter la compréhension de certains concepts et réconcilier les étudiants avec certains apprentissages ou certaines matières en axant l’enseignement sur davantage d’expérience et moins de formalisation. L’inclusion des jeux dans les démarches pédagogiques permettent de focaliser l’apprentissage sur l’apprenant et son rythme et de le mettre ainsi au cœur du processus. Comme toute autre forme de pédagogie, le jeu présente ses forces et ses limites et nécessite deux conditions essentielles :
1) une pédagogie du jeu structurée et avec des objectifs bien définis
2) une animation permettant l’adhésion des apprenants et leur inclusion dans le jeu afin de leur donner un large éventail de compétences et de connaissances structurées.
Vous avez dit jeu ?
A l’ISTEC, dans le cadre d’un cours consacré à la logistique et la supply chain, une partie porte sur la compréhension et l’apprentissage des incoterms. Bien comprendre et maitriser l’usage des incoterms permet de mieux gérer les obligations des échanges internationaux qui impliquent inévitablement des coûts et des risques et peuvent avoir un impact sur l’ensemble de la supply chain. Pour l’apprentissage de ces termes normalisés qui définissent des spécifications précises quant aux responsabilités des acheteurs et des vendeurs, le recours au jeu a été jugé pertinent et en phase avec une approche pédagogique défendue par l’école et fondée sur l’expérientiel et le ludique. Le but du jeu, relativement simple, consiste à répondre à une série de questions sur les incoterms pour tenter de remporter un gain hypothétique maximal. Cette série de questions est ordonnée selon un niveau de difficulté croissant et par conséquent le gain associé augmente par palier suivant une forme pyramidale. Le jeu s’inspire d’un célèbre jeu télévisé diffusé dans plusieurs pays depuis plusieurs années.
Le « joueur » monte au palier supérieur de la pyramide des gains si sa réponse est bonne. Sinon, le joueur quitte le jeu avec le montant du dernier palier atteint. Ce jeu étant animé par groupe, cette méthode permet un apprentissage collectif, un débat et une analyse partagée des spécifications des incoterms et enfin une prise de décision du groupe sous forme de choix d’une réponse parmi les différentes propositions.
On ne gagne pas des millions ! Que gagne-t-on alors ?
Ce jeu relativement simple s’avère d’une richesse assez remarquable. Dans le cadre de ce jeu pédagogique, les étudiants non seulement apprennent la dimension technique et normative des incoterms mais aussi développement plusieurs autres compétences. En effet, les étudiants s’investissent dans le jeu (ou cette fiction « réelle ») avec autant de sérieux que dans la réalité. Ils adhèrent au jeu ainsi qu’à ses règles, élément nécessaire à la structuration du jeu. En plus, comme il n’y a aucune conséquence sur la réalité, le jeu invite à expérimenter de nouvelles expériences où créativité, surpassement et goût du risque sont possibles. Finalement, l’incertitude du déroulement du jeu constitue également un moteur assez stimulant pour l’apprentissage. Le jeu est un moyen particulièrement efficace d’engager des discussions afin de confronter les avis des membres d’un même groupe. Ainsi, l’introspection à propos des comportements d’autrui compte autant que la compréhension individuelle. Concrètement et en matière d’animation du jeu, il est essentiel de marquer des pauses pour que les étudiants développent leurs analyses réflexives et ceci d’autant plus nécessaire que les réalités décrites par certaines questions ne permettent pas de rendre compte de toute la complexité.