Dans l’un des ateliers des Journées de l’Alliance, dispositif pédagogique réunissant 900 étudiants managers, ingénieurs et architectes, un groupe d’élèves s’est interrogé sur le concept de la croissance économique. L’objectif ? Profiter de la diversité des profils pour libérer les imaginaires et explorer d’autres indicateurs constitutifs de la richesse d’une société. L’approche pédagogique retenue est la méthode LEGO SERIOUS PLAY. Explications.
Quel est l’intérêt de la méthode LEGO SERIOUS PLAY (LSP) ?
Développée par Robert Rasmussen, cette méthodologie s’appuie sur la puissance des mains « constructionnistes » pour réfléchir à des problèmes sans solution apparente. Influencée par Seymour Papert, professeur américain au MIT (Massachusetts Institute of Technology), qui explique : « when you build with your hands, you build in your mind » (quand on construit avec ses mains, on construit sa pensée), la méthode LSP fait ressortir des éléments souvent non conscientisés. La scénarisation de l’atelier est basée sur une série de techniques d’application, correspondant chacune à des consignes normées par la méthodologie. Le filage consiste à préparer en amont la combinaison de ces applications de telle sorte à ce qu’elles répondent efficacement au problème initialement posé. Progressivement, les étudiants ont donc répondu à l’ambition initiale : construire de nouveaux indicateurs pour compléter, voire pallier les failles des indicateurs actuels, comme la mesure du PIB. Plutôt que de partir d’analyses scientifiques, c’est l’expérience et le partage qui priment. Chaque étudiant partage l’histoire de sa propre construction, sans jugement. La méthode favorise l’inclusion et l’engagement. Dans un premier temps, les participants réalisent des constructions individuelles, les partagent aux autres. Chaque brique a un sens pour son constructeur. Ensuite, les étudiants sont amenés à agencer leur construction les unes par rapport aux autres ou bien à créer des modèles partagés, construits collectivement. A chaque fois, un système unique se dessine. Il est issu de la collaboration entre les participants à un instant T. La méthode exige de suivre et de faire confiance au process, c’est-à-dire aux enchainements des applications techniques préétablies par le facilitateur. Se laisser porter par le flow, le « ici et maintenant » n’est pas courant chez les étudiants habitués à solliciter le cognitif (leurs connaissances et capacités intellectuelles). La phase de réflexion et de décisions n’intervient qu’à l’issue des phases de construction successive.
Comment déployer la méthode en atelier ?
Dans cette situation, la taille du groupe a nécessité une adaptation. Composé de 40 étudiants, il a été scindé après la phase initiale de manipulation de LEGO. Pendant que certains pratiquaient les briques, d’autres effectuaient un travail de recherche documentaire. Les activités se sont ensuite inversées. La question adressée aux constructeurs était à peu près la même que celle adressée aux chercheurs. Il s’agissait d’abord de représenter par des briques ce qui constitue la richesse des sociétés aujourd’hui pour soi pendant que les autres se documentaient sur la manière dont cette richesse est mesurée. Dans un second temps, les étudiants se sont interrogés sur la définition de la richesse du point de vue de l’entreprise avant de faire un travail de projection sur les conditions d’une société épanouie en 2050. Des temps de partage ont été balisés pour comparer les résultats des constructeurs et ceux des chercheurs. En plus de ces activités, un apport de connaissances sur les origines de l’économie dans les sociétés primitives a introduit un débat. En sous-groupes, mélangeant profils (ingénieur, manager, architecte), constructeurs et chercheurs, les étudiants ont apprécié mettre en commun travaux documentés et histoires matérialisées par les LEGOs.
Quels résultats retirer de l’expérience ?
Les participants, qui ne se connaissaient pas au départ, ont très vite travaillé ensemble de manière concentrée ; en revanche, ils ont eu du mal à lâcher prise. Il est très important d’instaurer un climat bienveillant et de minimiser les activités cognitives entre les constructions. Les étudiants ont apprécié décomposer un sujet complexe en questions intermédiaires simples. Par la force intuitive des mains, ils ont pu créer leur système de société épanouie. Les étudiants ont distingué les piliers constitutifs de cette société selon eux (ex : circulation des idées, éducation) des agents / parties prenantes impactant le système global (ex : lanceur d’alerte, politique). C’est à partir de la combinaison de ces constructions multiples qu’ils ont élaboré de nouveaux indicateurs (ex : qualité de la protection des donneurs d’alerte, niveau d’hybridation des compétences).
Les auteurs sont :
Laurent Noël, professeur de stratégie à Audencia |
Aline Polipowski, responsable de projets pédagogiques, facilitatrice LEGO, Audencia |