Etudiants à ESCP Europe, Matthieu Dardaillon et Jonas Guyot ont créé l’association Destination Changemakers, un projet d’accompagnement d’entrepreneurs sociaux autour du monde. Pour leur deuxième mission en Inde, ils ont travaillé trois mois avec une jeune entreprise sociale qui a fait le pari de l’agriculture biologique. Ils nous racontent leur expérience.
Après une première mission aux Philippines pour créer des alliances innovantes entre une ONG pionnière et des grandes entreprises, nous sommes arrivés début janvier à Delhi pour une mission très différente, cette foisci avec I Say Organic, une jeune start-up créée il y a un an. I Say Organic est une entreprise sociale surprenante créée par un jeune diplômé indien de 27 ans qui a fait le pari de l’agriculture biologique pour contribuer au développement rural de son pays. Mais l’agriculture biologique n’est-elle pas un luxe de pays développé, et au sein même des pays développés, un luxe réservé à une petite élite engagée ? Pourtant, I Say Organic n’a pas été créée dans le but principal de répondre à la demande d’une élite. Elle a été créée avec une mission sociale claire que son fondateur Ashmeet Kapoor ne quitte pas des yeux : redynamiser les zones rurales indiennes en aidant les fermiers à vivre dignement de leurs revenus. Un objectif que s’est donné Ashmeet fin 2010 à la suite du Jagriti Yatra, un tour de l’Inde à la rencontre d’entrepreneurs sociaux inspirants. Lors de cette expérience, il prend connaissance des enjeux agricoles immenses en Inde. En effet, plus de la moitié des indiens travaillent dans le secteur agricole, secteur le moins productif ; 250 000 paysans indiens se sont suicidés lors des 16 dernières années, notamment en raison de surendettement (augmentation du coût des pesticides et engrais chimiques, baisse de la productivité des cultures OGM, etc.). Et ce n’est pas tout : 20 millions de tonnes de céréales sont perdues chaque année en Inde en raison de mauvaises conditions de transport et de conservation. Pour mieux connaître les enjeux du secteur, il part vivre six mois dans un village de fermiers avant de créer I Say Organic qui distribue directement aux consommateurs des fruits et légumes biologiques achetés à un prix équitable à de petits producteurs. Pourquoi faire le choix de l’agriculture biologique ? « Parce que l’agriculture biologique limite le coût des engrais et pesticides, et permet aux producteurs d’améliorer à moyen et long terme la productivité de leurs terres », nous explique Ashmeet. Et comment garantir un meilleur revenu aux fermiers ? « En limitant le nombre d’intermédiaires entre le producteur et le consommateur ; intermédiaires qui poussent à la baisse le prix d’achat aux producteurs », nous répond-il. Ainsi, en connectant directement les fermiers biologiques au marché, I Say Organic offre aux fermiers un prix 25 % au dessus du marché et les encourage à opter pour des pratiques agricoles biologiques durables.
Et ça marche ! Lors de nos trois mois de mission, nous avons réalisé une étude d’impact social auprès des fermiers qui travaillent avec I Say Organic et avons constaté son impact positif sur leur niveau de vie et sur leur arbitrage entre agriculture intensive polluante et agriculture durable. Bien que le marché soit encore embryonnaire, les débuts de l’entreprise sont prometteurs et sont à l’image du secteur qui croit de 20 % à 22 % par an. Si les enjeux restent de taille et lechemin à parcourir encore long, Ashmeet nous partage avec optimisme son ambition : « Je souhaite que d’ici 2050, plus personne ne parle d’agriculture biologique en Inde puisque tout sera devenu biologique ». Un objectif certainement difficile à atteindre mais qui mérite d’être pris au sérieux dans un pays qui bouge aussi vite.
Contacts :
www.destinationchangemakers.com
destination.changemakers@gmail.com