Dans une époque d’hyper-connexion, les moyens d’atteindre les consommateurs sont toujours plus nombreux. Ces derniers sont de plus en plus exigeants vis-à-vis des marques et attendent une expérience la plus personnalisée possible. Pour répondre à ces nouvelles attentes des clients, le directeur marketing revêt désormais une casquette technologique, entre data et réseaux sociaux. Bernard Cova, professeur de Marketing à Kedge Business School, Andreas Kaplan, directeur du campus de Berlin d’ESCP Europe et Alain Goudey, professeur de Marketing à NEOMA Business School, décryptent les transformations du métier.
L’arrivée du numérique a bousculé les pratiques des professionnels et des particuliers. Les supports de contacts avec le client se multiplient. Les réseaux sociaux forment ainsi le terrain de jeu idéal d’un directeur marketing 2.0 en recherche de nouveaux clients. Cependant, le digital impose certaines règles de conduite que rappelle Alain Goudey. « La première dimension à prendre en compte est la courte durée de vie des messages postés sur les réseaux sociaux. Sur Twitter, c’est de l’ordre de quelques minutes alors que sur Facebook, c’est environ 12h. Ensuite, il faut une adéquation parfaite des messages entre les plateformes. Cependant, il ne faut pas partager le même contenu sur tous les réseaux, la marque ne doit pas faire du broadcast. De nombreuses entreprises font l’erreur de penser que les consommateurs ont les mêmes attentes sur Facebook, Twitter, LinkedIn et Instagram. C’est faux. Il faut créer du lien avec l’individu, raconter une histoire et fournir un côté premium, exceptionnel. Il n’y a pas de recette miracle, il faut faire du test and learn. »
Test and learn
L’enjeu principal pour le directeur marketing est donc de trouver le bon canal de communication et le bon message. Cette problématique oblige le professionnel à être innovant dans sa manière de communiquer sur les réseaux sociaux et de faire appel au content marketing et au storytelling. « Le consommateur est réfractaire aux annonces publicitaires classiques sur les réseaux sociaux. Sur Facebook, son profil est personnel et il n’aime pas voir des entreprises intrusives. Ce qu’il faut, c’est fournir du vrai contenu, une valeur ajoutée que le client acceptera mieux », explique Andreas Kaplan.
La vidéo est également un des nouveaux outils des professionnels. Pour Bernard Cova, il s’agit là d’un incontournable pour un directeur marketing 2.0. « Dans le monde actuel, il ne faut plus de discours, mais de la vidéo. Pour certains, le recrutement passe uniquement par ce medium, comme Tough Mudder [plus grande course avec obstacle dans la boue du monde, NDLR] qui fait du storytelling autour de ses événements grâce à YouTube et Facebook. »
Place au marketing contextuel
Autre atout dans la manche du directeur marketing nouvelle génération : le marketing contextuel. Cette méthode (autrefois rêvée) consistant à proposer aux consommateurs le produit qu’il faut, au moment où il en a besoin, est aujourd’hui devenue réalité. Dans l’idéal, un individu arrive en gare et voit son train retardé d’une heure. À ce moment-là, une entreprise peut alors envoyer une remise pour un repas dans un restaurant situé dans la gare.
Cependant, même si les technologies sont assez avancées, les mentalités n’ont que peu évolué à ce sujet en Europe. « Techniquement, c’est déjà faisable. On peut connaître les informations sur le voyageur, sa localisation, son numéro et l’heure du train qu’il doit prendre. Mais est-ce que le consommateur est prêt pour cela ? En France, la question se pose, mais ailleurs comme aux États-Unis, cette question est pleinement intégrée et c’est entré dans la norme. Alors qu’en Allemagne, le sujet n’est même pas évoqué, car la population n’aime pas être « épiée »», commente Andreas Kaplan.
L’ère du conversationnel…
Dans cette optique de marketing 2.0, le conversationnel et l’individualisation priment plus que tout. Pour Alain Goudey, le succès des assistants personnels comme Siri ou Alexa n’est en rien dû au hasard. « Aujourd’hui, les gens n’ont pas envie d’échanger avec quelque chose de théorique comme une marque, ils veulent du lien. Il y a une vraie attente de conversation. Le marketing est rentré dans l’ère du conversationnel. Sur les réseaux sociaux, quand on interpelle une marque, on s’attend à ce qu’elle réponde. L’arrivée de Google Home ou d’Alexa permet d’interagir avec les entreprises avec la voix. C’est une erreur de penser que tout peut être automatisé avec l’IA, car il y a un rejet fort des interfaces digitales. »
… et des faux semblants
Malgré ces nouveaux terrains investis par les marques, les entreprises luttent toujours pour transformer les fans en clients potentiels. Ainsi, le directeur marketing se doit de réorienter sa stratégie et trouver d’autres sources pour ses données, car les informations les plus qualitatives ne se trouvent pas sur les réseaux sociaux. « Sur Facebook, les entreprises ne voient pas forcément l’individu, mais plutôt ce qu’il a envie de montrer de lui. Les données les plus qualitatives pour un marketing 2.0 sont possédées par Amazon, car notre parcours sur ce site démontre nos vraies habitudes de consommation », observe Alain Goudey.
Nouvelles compétences pour le directeur marketing 2.0
Au-delà des compétences traditionnelles, le directeur marketing change de rôle pour se doter de connaissances techniques. « Le directeur marketing 2.0 doit maîtriser les statistiques, les données, il doit comprendre comment fonctionne un CRM et ce qu’il peut tirer de tous ces nouveaux outils. Le métier impose un aspect quantitatif qui permet d’avoir une vue d’ensemble sur la faisabilité des projets autour des data. »
Autre dimension importante dans l’ère de la personnalisation : l’aspect culturel. En effet, selon Bernard Cova, cette compétence est indispensable pour comprendre comment les attentes des consommateurs s’insèrent dans des logiques sociales et surtout, comment les devancer. « Pour comprendre ce qui bouge sur le marché, il faut des compétences culturelles. Nous avons besoin de Chief Cultural Officer, capables de détecter les signaux culturels, car la marque vit dans la culture. Il faut plus d’humanité dans l’approche. »
Le directeur marketing 2.0 doit donc concilier plus de technologie avec plus d’humanité. Un défi complexe qu’Andreas Kaplan résume. « Le profil idéal est celui d’un directeur marketing avec une ouverture et un esprit entrepreneurial. C’est dans l’erreur qu’il peut arriver à faire émerger de beaux projets. Il doit savoir combiner les données pour prédire les tendances de demain et proposer une expérience toujours plus personnalisée tout en touchant la plus grande population possible. »
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