Directeurs généraux : la créativité managériale, qualité essentielle pour faire face à la complexité ?

Dans un environnement de plus en plus complexe, sur des marchés mondialisés en pleine mutation, mais aussi au sein même des entreprises qui opèrent de profondes réorganisations pour rester compétitives, la créativité managériale apparaît comme le « nouveau graal » pour mener l’entreprise au sommet.

Selon l’enquête IBM Global CEO Study (1), la complexité à laquelle les dirigeants et leurs organisations doivent faire face est aujourd’hui leur principale préoccupation. 79 % d’entre eux prévoient un accroissement significatif du niveau de complexité dans les cinq années à venir. Dans ce contexte, l’étude révèle que pour tirer parti de cette complexité croissante, 60 % des dirigeants considèrent que la créativité managériale sera la qualité de leadership la plus importante.

 

Quelle complexité pour les entreprises ?
Les entreprises font face à une double complexité : celle de marchés internationaux de plus en plus concurrentiels, sous pression ; et leur propre complexité interne, face à la nécessaire réorganisation de leurs métiers autour de secteurs émergents et des nouvelles technologies numériques. Conséquence directe : une incapacité à s’adapter rapidement à des marchés en mouvement perpétuel. Face à ce constat, la créativité managériale s’impose comme l’ADN de l’entreprise ! 47 % des dirigeants et 61 % des leaders les plus créatifs disent vouloir gérer la complexité et la réduire pour le bénéfice de leur organisation, de leurs clients et de leurs partenaires.

 

La créativité managériale, c’est quoi ?
Créativité et inventivité sont deux qualités indissociables à la fonction du dirigeant moderne. Si l’inventivité est l’art d’innover, la créativité permet de concrétiser cette invention. Telles sont les deux premières pierres que chaque directeur général doit poser à l’édifice de son entreprise, condition sine qua non de sa compétitivité ! En 2010, 60 % des dirigeants dans le monde et 63 % en France ont ainsi pour priorité de rompre avec les statu quo et de s’appuyer sur l’innovation managériale que seul un leadership créatif permet d’amener.

 

« Les deux secrets
d’un succès : la qualité et la créativité. »
Paul Bocuse

Directeurs généraux, à vous de jouer !
Mais encore faut-il avoir des idées… Et de bonnes idées ! À charge pour le directeur général de les porter, de les partager, de les challenger, de les défendre… puis de décider, quitte à renoncer et à prendre des risques. C’est pourquoi il est indispensable de recueillir l’adhésion de l’ensemble des collaborateurs qui doivent devenir des animateurs au quotidien de cette créativité grâce à leur retour d’expérience. À cette étape, le dirigeant doit donc faire des choix et trancher pour retenir « l’idée » qui deviendra peut-être « l’innovation » et assurera la pérennité de l’entreprise.

 

(1) L’IBM CEO Study 2010 a été réalisée en partenariat avec The Economist Intelligence Unit auprès de 1 541 dirigeants d’entreprise et d’organisations publiques dans le monde – dont 141 en France.

 

Le guide du parfait créatif en dix étapes
1. Créer des liens entre les différents acteurs de l’entreprise : collaborateurs, managers, décideurs, clients, partenaires…
2. Impliquer l’ensemble des collaborateurs dans les processus créatifs
3. Intégrer les retours d’expérience issus des contacts quotidiens avec la réalité des marchés
4. Challenger les différentes idées en créant un débat en interne
5. Savoir dire non pour effectuer les bon choix
6. Défendre et expliquer les choix effectués
7. Communiquer en interne en toute transparence
8. Ajuster sans cesse ses choix selon l’évolution de l’entreprise et des marchés
9. Maintenir le cap malgré un contexte poussant plus à la productivité qu’à la créativité
10. Poursuivre la démarche dans la durée : ne jamais cesser d’innover !

 

La créativité à l’ESSEC depuis 40 ans
« La créativité a toujours été un axe fort de la maison. Quand je suis entré à l’ESSEC en 1972, il y avait déjà un cours de créativité ! On l’appréciait beaucoup mais on se demandait à quoi il servait. Nos professeurs revenaient des USA où ils avaient tout appris sur la créativité. J’enseigne depuis trente ans et plus personne ne remet en cause ce cours. »

 

« La créativité, c’est plus considérer les questions que les réponses »

 

Interview de Maurice Thévenet, professeur de management à l’ESSEC
Selon le classement 2013 Challenges des écoles de commerce, l’ESSEC se classe dans le top 5 des meilleures écoles de commerce en France et figure au 8e rang du classement 2013 des masters en management du Financial Times. La créativité constitue un axe majeur de son enseignement, comme l’explique Maurice Thevenet, professeur de management au CNAM et à l’ESSEC.
Quelle vision avez-vous de la créativité ?
Deux approches se complètent : l’enseignement sur les méthodes de créativité, et celui sur les besoins et les possibilités en termes de créativité. Il y a un véritable enjeu autour de l’innovation et de la créativité managériale. Le challenge en tant que professeur est de leur apprendre à regarder des phénomènes et à les remettre en cause. Il faut ouvrir leur manière de voir la réalité. C’est là que l’enseignement a le plus de responsabilités. Les outils actuels paradoxalement peuvent brider la créativité des jeunes. Regardez les réseaux sociaux : la plupart des étudiants comptent un grand nombre de contacts mais très peu de profils différents. Les liens « faibles » sont pourtant les plus importants car ils nous conduisent à nous poser sans arrêt des questions.
Comment enseigner la créativité ?
Nous enseignons à la fois des techniques pour être plus créatif mais aussi et surtout nous apprenons à nos étudiants à avoir leur propre identité afin de développer leur vision du monde. C’est indispensable pour produire des idées, sources de créativité. Il faut donc une certaine flexibilité de la pensée, de l’écoute et une vraie curiosité d’esprit. Mon rôle est alors de les mettre dans les situations qui vont les amener à penser différemment. Aujourd’hui, la créativité est partout. Ce sont les utilisateurs qui font évoluer les usages et les outils. D’où l’importance d’enseigner la créativité.
Comment faire face alors à la complexité croissante des environnements ?
Trois points s’avèrent clés dans la créativité : la technique marketing, les outils et l’adaptation aux nouvelles formes de travail. Personne ne peut dire comment nous travaillerons dans vingt ans. Il n’y a pas de figure imposée. Les étudiants doivent donc prendre conscience de la notion relative de ce qu’ils considèrent comme des normes. C’est pourquoi la créativité managériale est aujourd’hui fondamentale ! Même si personne ne sait ce qui va en émerger. Elle ouvre le champ des possibles et met le doigt sur la nécessité d’une démarche personnelle, sur sa propre responsabilité. Il faut sans cesse se remettre en question et se demander où repose la vraie valeur ajoutée de notre enseignement pour le repenser en permanence.
Quels conseils à un jeune étudiant pour l’aider à devenir créatif ?
Mon conseil serait de se poser continuellement des questions et de ne jamais se reposer sur ses convictions. Et surtout de privilégier les « liens faibles » dans son réseau ! Bien sûr, cela demande un certain effort mais c’est indispensable pour conserver cette ouverture sur le monde. La première étape pour y parvenir est de travailler sur sa consistance personnelle. Il faut être clair sur qui on est et sur ce que l’on veut. La créativité n’existe pas en elle-même. Elle mène obligatoirement à quelque chose.

 

VC