Porté par son modèle prônant la figure de l’ingénieur humaniste, le Groupe INSA a publié le 23 novembre 2022 le tome 2 de son livre blanc Diversités et ouverture sociale. Il y dévoile une série de propositions « visant à lutter contre l’assignation sociale au sein des INSA et plus généralement dans l’enseignement supérieur. » On fait le point sur les grandes lignes du dernier livre blanc des INSA.
« Un message politique et des actions de première nécessité à mettre en œuvre. » C’est ainsi que Bertrand Raquet, président du Groupe INSA et directeur de l’INSA Toulouse présente le tome 2 de son livre blanc Diversités et ouverture sociale. Après un premier tome paru en octobre 2021 consacré au « diagnostic partagé d’une illusion d’égalité des chances dans les écoles du Groupe », ce second tome se place sous le signe de l’action.
Car même si les INSA présentent « des indicateurs rassurants » en termes de diversité, leur tendance à la baisse les pousse à « avoir le courage de révéler nos chiffres et de faire des propositions pour enrayer le phénomène » indique Romuald Boné, vice-président Transformation sociale du Groupe INSA et directeur de l’INSA Strasbourg. A titre d’exemple, les INSA comptent aujourd’hui 30.4 % de boursiers (en baisse de 0.5 point / an), 3.2 % d’étudiants en situation de handicap (soit deux fois plus que la moyenne des grandes écoles françaises) et 34.7 % d’étudiantes. D.es pourcentages tous au-dessus de la moyenne de nos écoles d’ingénieurs.
Un constat de départ sévère pour le livre blanc des INSA
Porté par son ambition de « créer des conditions d’équité d’accès et de réussite dans les INSA », ce livre blanc est « loin d’être un livre blanc de plus ! espère Romuald Boné. Nous y faisons des préconisations disruptives pour faire bouger les lignes et nous souhaitons avoir une écoute attentive du Ministère et qu’il puisse, rapidement, faire système. » Des préconisations qui partent d’un constat sévère pour les INSA et pour l’enseignement supérieur en général en matière de diversité, celui de « l’illusion d’égalité des chances qui impose aujourd’hui de proposer des actions de rupture. D’autant plus que nos écoles post-bac ont une grande responsabilité d’ascension sociale » rappelle Bertrand Raquet.
Place à l’action dans le livre blanc des INSA !
Dans son livre blanc, le Groupe INSA défend ainsi des actions de rupture « pour attirer, recruter et mener jusqu’à la diplomation et à l’insertion citoyenne et professionnelle des jeunes d’origines sociales et territoriales diversifiées. Accompagner ces élèves tout au long de leur parcours, du secondaire jusqu’à leur intégration et leur réussite dans nos écoles, dans un continuum d’actions mises en système, nous apparaît comme la voie privilégiée » ajoute Romuald Boné.
Parmi les propositions les plus diruptives de ce livre blanc : la création d’un nouveau dispositif d’ouverture sociale porté par l’ensemble des écoles du Groupe INSA. Ce dispositif aurait vocation à « accompagner des élèves depuis l’enseignement secondaire jusqu’à leur diplomation et leur insertion professionnelle. Des élèves issus de milieux sociaux défavorisés scolarisés dans certains lycées partenaires, sélectionnés sur critères sociaux et territoriaux. Il introduirait une voie spécifique de recrutement en première année post-bac, réservée aux bénéficiaires de ce dispositif » détaille le Groupe INSA. Ce dispositif sous-tendrait également la mise en place d’un soutien et d’un accompagnement sur les cinq années du cursus INSA et ce sur tous les plans : économique, académique, culturel et aide à l’insertion professionnelle . Avec la vocation de devenir un véritable « démonstrateur de la diversité pour la communauté de l’enseignement supérieur », celui-ci serait évalué en continu par l’Observatoire social du Groupe INSA.
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De l’équité collective à l’équité individuelle
Le livre blanc du Groupe INSA met ainsi sur la table un véritable changement de paradigme. En effet, les politiques publiques françaises sont aujourd’hui centrées sur une vision collective de lutte contre les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur portée par des dispositifs ciblant tous les jeunes scolarisés dans des territoires dits défavorisés, quelle que soit la situation individuelle de chacun. Ici, le Groupe INSA développe des orientations s’orientant vers une vision plus individuelle, portée par des actions « qui cibleraient spécifiquement les collégiens et lycéens les plus défavorisés, dans une logique d’équité individuelle en lieu et place d’une logique d’équité collective » indique Bertrand Raquet.
La sélectivité, autrement
L’objectif de ce dispositif est donc clair et assumé : détecter, susciter la candidature et intégrer plus de bacheliers généraux issus de milieux défavorisés ou éloignés des grandes centres universités qui ont le potentiel de rejoindre les écoles du Groupe INSA afin de rééquilibrer la composition sociale de sa communauté d’étudiants. « Mais attention, on ne renie pas pour autant notre sélectivité. Il s’agit d’opérer une sélection différente, pas d’opérer une sélection moins bonne ou de développer une voie au rabais » martèle le directeur de l’INSA Strasbourg.
Le livre blanc des INSA est voué à faire système
Ses propositions d’actions disruptives, le Groupe INSA ne souhaite pas les garder pour lui ! Au contraire, il entend les diffuser au maximum, pour faire système. « Nous affichons la volonté de nous inscrire en qualité d’expérimentateurs, de démonstrateurs, pour faire école dans un premier temps, puis pour faire système. Il nous paraît en effet essentiel d’embarquer dans notre action d’autres établissements qui partagent notre volonté d’ouverture sociale des filières sélectives. Le Groupe INSA a une attente très forte quant au soutien que pourront lui apporter sa tutelle, ses mécènes via la Fondation INSA et ses différents partenaires » conclut Bertrand Raquet.
La mise en place des préconisations du livre blanc des INSA, c’est pour quand ?
Pour mettre en œuvre les actions détaillées dans leur livre blanc, les INSA entendent établir une forme de priorisation des actions en fonction de celles que les écoles pourront porter à l’échelle des territoires et de celles qui seront portées à l’échelle du Groupe. Au niveau local, les INSA espèrent ainsi pouvoir mettre en place des actions (partenariats avec les lycées notamment), d’ici l’été 2023. Le Groupe espère également pouvoir finaliser d’ici l’automne 2023 le process de candidature sur Parcoursup par voie spécifique de recrutement, afin d’être en capacité d’accueillir les lauréats de ce dispositif à la rentrée 2024.
En termes de capacité d’accueil, les discussions vont être engagées avec le Ministère et les chiffres dépendront aussi « des moyens que nous pourrons mettre en face. Mais nous estimons aujourd’hui qu’un objectif de doublement du pourcentage d’étudiants dont les parents ont des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) défavorables ou moyennes serait un objectif intéressant pour enclencher ce dispositif de façon significative. Soit un objectif fixé à 28 % (vs 14 % aujourd’hui), ce qui correspond à 250 étudiants par promotion de 2 000 élèves. Notre enjeu est d’aller capter ces profils qui ont le potentiel de nous rejoindre avant qu’ils ne bifurquent ailleurs et que ce soit trop tard pour les récupérer. Notre vivier est donc beaucoup plus large que celui des boursiers du secondaire » projette le Groupe INSA.