éco-anxiété crise écologique
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Eco-anxiété sur fond de crise écologique : et la pop-culture dans tout ça ?

Les canicules de ces derniers jours nous ont brutalement rappelé les conséquences de ces événements météorologiques extrêmes, appelés à se multiplier. Devant la menace qui pèse sur nos modes de vie, la nécessité d’une « rupture systémique » devient de plus en plus évidente. Mais cette transition ne concerne pas seulement les domaines économiques, technologiques ou industriels. Le secteur culturel, et plus récemment l’audiovisuel avec l’explosion du format série, a lui aussi un rôle à jouer dans cette transition écologique. 

La montée d’une éco-anxiété paralysante

En 2021, une étude internationale publiée dans la revue The Lancet Planetary Health a permis de mettre en évidence la montée de l’éco-anxiété chez les générations les plus jeunes. L’enquête, menée auprès de 10 000 jeunes âgés de 16 à 25 ans, révèle que 60 % d’entre eux témoignent d’« une inquiétude extrême quant à la crise environnementale ». À cette inquiétude, se joignent l’anxiété, la colère, la tristesse, l’impuissance et la culpabilité. Une joyeuse perspective donc.

Si elle est légitime au vu des projections scientifiques, l’éco-anxiété peut pourtant être un frein important à la lutte contre le changement climatique. Alice Desbiolles, médecin et autrice de L’éco-anxiété, vivre sereinement dans un monde abîmé, estime ainsi que « l’éco-anxiété est anticipatoire et eschatologique », c’est-à-dire qu’elle résulte en une incapacité à se projeter dans un futur qui nous semble inéluctablement lié à la fin du monde. Et, en effet, comment agir quand on se croit condamné ? Et surtout, à quoi bon ? La tentation est grande d’abandonner et, fataliste, de se laisser envahir par l’angoisse. Cette perspective est aussi dangereuse que de relativiser la gravité de la crise climatique, comme le font encore 27 % des Français estimant que les scientifiques exagèrent les conséquences du changement climatique (ADEME, mars 2022).

Eco-anxiété et crise écologique représentées dans la pop-culture

Parler de cinéma, de séries et d’histoires semble bien futile dans un tel contexte. Depuis plusieurs années, les chercheurs de la transition écologique travaillent également sur son volet social, moins connu du grand public. Deux axes importants motivent cette recherche. D’abord, il s’agit d’étudier comment faire accepter et coïncider les objectifs nécessaires de sobriété et nos comportements actuels. Ensuite, nous étudions comment peuvent évoluer les représentations liées à l’environnement, qu’elles soient positives ou négatives. Nous travaillons sur le présent et l’avenir, et c’est à ces deux endroits que le cinéma peut agir. Dans nos sociétés, les modes de vie et les représentations de l’avenir se forment en grande partie à travers ces médias de masse. Or sur la crise environnementale, les références de la pop-culture participent à l’éco-anxiété.

La crise des imaginaires écologiques

Quelles sont les images du futur que nous proposent les séries et les films actuels ? Dans The Walking Dead, l’humanité se fait exterminer par un nouveau virus. Dans Hunger Games, l’univers est le résultat de la multiplication des catastrophes naturelles, d’une montée des eaux et d’une guerre civile. Dans The Handsmaid’s Tale, la baisse mondiale de la fertilité met l’humanité en péril. Dans Game of Thrones, ce sont les Marcheurs blancs qui menacent le monde et ou encore dans le très récent Don’t Look Up, une météorite. Toutes ces œuvres hyper populaires nous parlent de la crise environnementale. Toutes proposent également des visions pessimistes de l’avenir de l’humanité dont la fin est loin de l’optimisme des productions des années 80 (Retour vers le futur, Cosmos 1999). Au mieux, les productions actuelles se terminent sur la reconstruction à venir d’un monde détruit, au pire sur son annihilation complète dans l’indifférence générale.

Quant aux productions audiovisuelles hors science-fiction, la question environnementale est soigneusement évitée, sauf en surface. Dans Sex Education, l’éco-anxiété de Maeve est vaguement évoquée. Dans Plus Belle La Vie, le sujet arrive sous le personnage de Lola, une jeune (sous-entendu naïve) collégienne végétarienne zéro plastique, qui s’engage pour l’environnement dans son collège et en dormant dans les arbres pour empêcher la mairie de les couper. Le stéréotype de la jeune femme naïve, végétarienne, presque hippie se retrouvait déjà chez Phoebe (Friends), Wanda (Wandavision, Avengers).

Des hippies et des catastrophes de fin du monde : voilà en somme ce qui constitue les repères écologiques de la pop-culture. Difficile pour nous de se projeter.

Créer de nouveaux standards par le cinéma

La culture et en particulier l’audiovisuel se sont régulièrement positionnés comme le moteur du changement social, cherchant à attirer l’attention sur des questions de société. C’est en cette qualité que nous nous adressons à eux. Leur impact dans cette transition peut être double. D’abord, ils ont un rôle dans le combat contre l’éco-anxiété et la paralysie qu’elle peut générer. Encore une fois, nous ne prônons pas le fait de relativiser la crise climatique. Elle est grave et ses conséquences dont nous n’avons qu’un aperçu sont désastreuses pour la pérennité de la vie humaine sur Terre. Relativiser cette crise est dangereux. Mais pour construire un avenir, il nous faut de l’énergie et un peu d’espoir. C’est à la culture, aux romans, aux séries, au cinéma de nous en redonner. 

Ensuite, en participant à la diffusion des comportements de sobriété, l’audiovisuel participe à leur valorisation et leur popularisation. La liste de ces solutions établie par le GIEC est claire : la réduction des vols internes et internationaux, l’abandon des moteurs thermiques pour les voitures et la baisse des trajets individuels, une baisse de la consommation de viande, la limitation de la consommation de vêtements et le développement de la rénovation thermique. En évitant les scènes d’hyperconsommation (comme la fameuse thérapie par le shopping héritée de Sex and the City), les personnages végétariens clichés et moralisateurs, ou même en évitant de mettre à l’écran les emballages à usage unique ou les bouteilles d’eau plastiques. Les séries et les films peuvent participer à la diffusion de ces comportements.

Il s’agit maintenant de mobiliser les créateurs et les financeurs publics ou privés de la culture dans cette voie. Et parce qu’il est évident que l’action individuelle seule ne peut rien, que l’action politique et législative aura le plus large impact, le CNC, les fondations, les commissions régionales du film ont elles aussi un rôle à jouer dans la transition écologique, en conditionnant ou en orientant leur financement.

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Les auteurs sont :

Ricardo Azambuja, enseignant-chercheur à Rennes SB

Sophie Raynaud, diplômée de Rennes SB et Doctorante à NEOMA Business School