Et si l’avenir appartenait aux experts-managers ?

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A rebours des tendances passées en matière de gestion de carrière, les jeunes diplômés sont de moins en moins rétifs à choisir la filière d’expertise. Dans un contexte où nombre d’études semblent montrer que le métier de manager fait moins rêver, les experts reviennent ainsi en force sur le devant de la scène. Toutefois, on peut se demander si l’avenir n’est pas plutôt aux experts-managers…

Pendant longtemps, l’évolution de carrière se résumait à une mobilité verticale, c’est-à-dire le long de la filière hiérarchique avec souvent l’ambition d’avoir une équipe toujours plus grande à encadrer, avec en filigrane, toujours plus de responsabilités. Or, depuis quelques années, la filière « expert » ne cesse de se développer au sein des entreprises françaises. Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette évolution.

Une fonction managériale en perte de vitesse

D’abord, les DRH ont pris conscience que la fonction de manager ne constituait pas forcément le Graal pour tout le monde, y compris pour les jeunes diplômés. Une certaine désaffection de la fonction semble même perceptible parmi les cadres. Si cette tendance n’est pas nouvelle, elle semble néanmoins s’ancrer plus profondément depuis la pandémie de Covid-19. En effet, une étude récente (mars 2021) d’OpinionWay pour Indeed montre que pour 66 % des managers, cette fonction est trop stressante (ce chiffre monte même à 72 % pour les femmes) et 43 % d’entre eux relèvent que cette fonction génère trop de responsabilités (49 % pour les femmes). Autres chiffres révélateurs : 20 % des répondants déclarent ne plus être intéressés par la gestion d’équipe. Ce chiffre monte à 25 % pour les femmes et même à 27 % pour les 35-49 ans, c’est-à-dire la tranche d’âge où les cadres sont les plus susceptibles d’exercer une fonction managériale.

Le besoin d’expert manager n’a jamais été aussi fort

Ensuite, le contexte actuel, marqué par de forts enjeux, tant géopolitiques que sanitaires et technologiques, oblige les entreprises à rechercher des expertises très pointues dans des secteurs stratégiques, ce qui les conduit à diversifier davantage leurs recrutements en se positionnant sur des profils « scientifiques » tels que des data scientists, des experts en sécurité ou encore, des spécialistes SI. Par exemple, dans la banque, la concurrence est rude pour trouver des experts de la data. Sylvie Blanchet-Vinatier (DRH pour les métiers informatiques chez Société Générale) fait d’ailleurs remarquer que « les banques ont énormément de datas à exploiter et de très nombreux cas d’usages. C’est un formidable terrain de jeu pour ce type de profils ». De la même façon, les experts en management des risques sont aujourd’hui sur-sollicités par les entreprises. Le média britannique BBC constate que « depuis le début de la pandémie, ces spécialistes de la gestion des crises étaient très demandés. Avec la guerre en Ukraine et ses répercussions économiques, leurs services sont plus recherchés que jamais par les entreprises et les organisations ». L’activité du secteur pourrait même passer de 6,7 milliards d’euros en 2019 à 26,2 milliards en 2027.

La filière expertise en passe de séduire de plus en plus de jeunes diplômés 

De plus, le rapport au travail de nombre de jeunes diplômés se retrouve dans la filière expertise. Ainsi, un collectif de dirigeants des cabinets regroupés au sein de Consult’in France explique que si « nos cabinets attirent massivement les jeunes diplômés à fort potentiel, c’est qu’ils trouvent dans cet environnement de travail les réponses à leurs aspirations : stimulation intellectuelle, intelligence collective, différences culturelles, développement accéléré des compétences, variété des situations professionnelles, innovation et vision de l’avenir. »

L’expert et le manager : ces deux fonctions sont-elles si antagonistes ?

Toutefois, l’expert et le manager sont-ils vraiment deux profils antagonistes ou au contraire, les deux composantes d’un même profil ? A une époque où les décideurs exigent des organisations plus flexibles et adaptables à leur environnement, la détention de compétences transversales devient un enjeu clé. Alors que les modes de fonctionnement des entreprises évoluent, notamment avec l’émergence de multiples équipes-projets, les cadres sont ainsi appelés à manier cumulativement des compétences techniques et relationnelles. Ces dernières sont essentielles car « ceux qui ne savent pas communiquer avec aisance sont extrêmement gênés aujourd’hui », relève Cécile Deman-Enel (DRH d’Unités chez Allianz France) qui considère que « les experts ont besoin d’apprendre à développer leur influence au sein de l’organisation et à monter en compétence en termes de management ». Le profil hybride d’expert-manager est peut-être né…

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Par Jean-François Garcia, enseignant-chercheur en Management des RH à l’EM Normandie Business School

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