[Exclu EBI] Le télétravail : de la vie subie à la vie choisie, de l’individu à l’intelligence collective

En cette rentrée, l’enseignement supérieur a repris le présentiel, avec un mélange de télétravail et la possibilité assumée de pouvoir retravailler à distance à tout instant, suivant l’évolution du risque sanitaire ou les souhaits des élèves et des pédagogues. Nous sommes en train d’innover pour intégrer à distance tous les collaborateurs et étudiants vulnérables, positifs ou contacts.

 

Certains d’entre nous sont en télétravail pour des raisons de santé publique. Ils sont vulnérables, ou positifs ou cas contacts. Ils s’isolent pour se protéger, pour protéger leurs proches et l’établissement. Un des enjeux des managers est de continuer à inclure tout le monde dans une organisation qui est revenue au présentiel, et de réussir à ancrer dans la pratique collective les découvertes et aspects positifs du télétravail.

 

Une mutation écologique et collective s’opère et c’est l’occasion de faire des choix d’organisation assumés.

Nous devons faire un bilan personnel et collectif pour éviter de subir les annonces, et tirer le meilleur des mois qui viennent de s’écouler.

 Tout le monde a appris à télétravailler, mais tout le monde n’a pas apprécié le télétravail.

A la fin du confinement, nous avons dit adieu à nos cafés d’équipe virtuels, et nous sommes entrés directement dans les réunions de fin d’année qui, une fois n’est pas coutume, se sont toutes réalisées en distanciel. Sur les conseils de responsables RH, de coachs et du « réuniologue » Louis Vareille*, nous avons fait un « tour d’inclusion » au moyen de Mentimeter au début de nos réunions.

A la question « Comment vous sentez-vous ? », le bilan est apparu mitigé.

Si certains se disaient en pleine forme et pleins d’énergie, d’autres étaient fatigués, douloureux, anxieux, impatients de revenir, ou en colère contre les mesures imposées ou l’organisation mise en place. Certains avaient noué une relation passionnelle avec leur ordinateur. D’autres nous ont confié que le plus dur pour eux avait été le déconfinement !

Nous avons pris conscience que nous n’avions pas vécu les mêmes confinements, et que nécessairement nos besoins ne seraient pas les mêmes à l’avenir.

Les besoins primaires ont été une limite pour beaucoup (maladie des proches, inconfort du poste de travail – de la chaise de bureau à la sono des réunions en passant par la bande passante limitée, bruits domestiques, violences familiales, crainte que les enfants ne se blessent ou dévissent à l’école, inégalités devant la charge des obligations domestiques…).

 Nous savons maintenant que tout n’est pas possible et que nous devons nous écouter.

Nous devons donc déployer une organisation adaptée à chacun, tout en identifiant et parfois en débusquant les passagers clandestins qui en font le moins possible…

 

 Le télétravail permet de personnaliser la relation à chaque collaborateur.

Pour les salariés qui ont eu la chance de se maintenir dans leur emploi et de télétravailler pendant le confinement, le temps du bilan et des perspectives professionnelles est venu. En effet, dans les semaines qui viennent, beaucoup passeront leur entretien de fin d’année, dans un contexte managérial et sanitaire favorable à l’expérimentation et la personnalisation des modalités de travail.

C’est le moment de bâtir, avec nos managers, l’organisation qui nous rend performant en partageant nos découvertes et en expliquant nos besoins.

Le télétravail n’isole personne, sauf ceux qui refusent le collectif ou qui doivent apprendre.

En télétravail, tout le monde peut facilement donner son avis, car la contribution est aisée. On a même dit qu’il avait renforcé l’apport des introvertis au travail de groupe.

Au-delà de la fracture numérique, d’autres fractures ont été révélées :

  • Celle de la maîtrise de l’écrit (savoir taper rapidement, maîtriser plusieurs niveaux de langage, écrire clairement, sans faute d’orthographe)
  • Celle de la créativité utilisant des métaphores (GIF, mêmes, émojis…) et des outils d’interaction et de co-construction pour emmener le collectif et impacter sans recourir au non-verbal
  • Celle de l’à-propos et de la capacité de réaction qui permet de contribuer « online » tenant compte de la situation et au bon « niveau de langage numérique».

Ceux qui n’utilisaient qu’un seul mode de relation ont perdu pied, surtout si leur mode de management était directif. En effet, il a fallu faire confiance car tout n’était pas contrôlable. Il a fallu mettre en place des « salariés vigie » pour piloter le navire, et tirer parti des initiatives heureuses des créatifs tout en veillant aux bonnes pratiques numériques. Nous connaissons maintenant nos limites, et savons donc quelles formations demander.

Les outils préférés de nos étudiants, nos pédagogues et nos managers sont les mêmes.

Klaxoon, Mentimeter, Mindmeister, WooClap, Trello, Prezi, Powtoon, Kahoot, et bien sûr la suite Office 365 avec Teams, et Stream pour permettre la captation et le travail asynchrone. Grâce à cette palette qui évolue sans cesse, et nous permet d’apprendre et de nous connecter au monde, nous pouvons choisir d’impliquer chacun en donnant un rôle à nos smartphones. Impossible dans ce cas de les utiliser pour « faire autre chose » en attendant que la réunion nous concerne ! On peut créer des réunions qui nécessitent de s’en servir pour contribuer, donc pour être repéré pour ses bonnes idées et son dynamisme.

Au final, en télétravail, si on lâche l’instant, on est « out » et c’est nouveau !

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L’auteur est Florence Dufour, Directrice générale et fondatrice de l’Ecole de Biologie Industrielle, conseillée par Philippe Escalier- photographe officiel de l’EBI et insatiable critique de théâtre, Geoffroy Mathieu – Accompagnateur de performance et coach à l’EBI www.emerso.fr, Louis Vareille – fondateur de l’école Internationale de Réuniologie et confrère de la vénérable promo d’Alfort84