L’impact sanitaire de la pandémie de Covid-19 est au cœur des préoccupations des médias et de l’opinion publique, qui focalisent leurs discussions sur les moyens de lutter contre cette maladie d’un point de vue médical. Il n’y a en revanche pas eu beaucoup d’études sur l’impact économique et financier potentiel de la Covid-19. Il n’y a aucun doute que le confinement à l’échelle planétaire aura un impact sur les marchés financiers : la question est de savoir quand.
Impact sur les marchés financiers
Historiquement, les pandémies ont été suivies de périodes d’incertitude sur les marchés financiers. La propagation du virus SARS, localement concentrée en Asie du Sud-Est entre 2002 et 2004, a eu un bilan de 8096[1] morts. Durant cette période, l’indice Hang Seng de la bourse de Hong Kong est passé de 10 205,16 le 2 décembre 2002 à 10 248,6 le 1er août 2003… avant de tomber à 8 409,01 le 25 avril 2003, soit une perte d’environ 18 %.
La pandémie de H2N2 qui a eu lieu entre 1956 et 1958 et a fait environ 1,1 million de morts à l’échelle mondiale[2]. Durant cette période, l’index Dow Jones de la bourse de New York est passé de 475 points début 1956 à 425 points en décembre 1957, tandis que les marchés montaient à 520 points entre les deux, avec des bénéfices potentiels de 9%.
Durant la grippe espagnole (1918-1920), dont on estime le bilan à plus de 50 millions de morts mondialement[3], le Dow Jones est passé de 76,68 points le 2 janvier 1918 à 71,94 points au premier décembre 1920 ; alors que les valeurs étaient élevées à 119,62 points le 3 novembre 1919 et à 66,75 points le 21 décembre 1920[4].
Les impacts économiques et financiers des pandémies telles que la peste noire sont moins nets[5]. Dans l’ensemble, les pandémies n’entraînent pas nécessairement une baisse des prix, mais semblent provoquer de la volatilité. De l’examen du passé à la spéculation sur l’avenir, 2 scénarios sont possibles pour le monde de la finance post-Covid-19.
Les scénarios possibles
Selon l’hypothèse la plus alarmiste, les plans de relance économique que de nombreux gouvernements nationaux ont menés conduiraient à d’énormes déficits budgétaires, mais aussi à une « surcharge de liquidités ». Un nom approprié pour une offre excédentaire de monnaie, qui – étant donné une consommation croissante de la fréquence des transactions des personnes – conduit historiquement toujours à une inflation drastique. Pour éviter cette inflation, les banques centrales seraient contraintes de pratiquer de fortes hausses de taux ce qui étoufferait à nouveau la demande des consommateurs, augmenterait les coûts de crédit et provoqueraient une crise hypothécaire d’une ampleur inimaginable.
Perdant confiance dans l’avenir économique, les investisseurs liquideraient rapidement leurs positions longues, conduisant à des turbulences sur les marchés financiers. Dans un monde financier multinational, où les valeurs des instruments financiers sont interconnectées, la valeur des actifs de nombreuses banques d’investissement imploserait en quelques secondes, ce qui pourrait entraîner des ruées bancaires et des personnes incapables de retirer de l’argent depuis leurs comptes bancaires. Cela obligerait par la suite les gouvernements à introduire des restrictions au transfert de capitaux.
« Face à cette pandémie mondiale, l’incertitude existe quant à la manière dont un monde et une économie globalisés réagiront à cet événement »
Selon l’hypothèse optimiste, l’épisode Covid-19 n’aurait pas d’impact majeur sur les marchés financiers. Selon ce point de vue, le nombre de morts de la pandémie dans le monde resterait historiquement bas (comparé aux épidémies majeures mentionnées plus haut), et les mesures monétaires des gouvernements aideraient à éviter la récession mondiale. Par ailleurs, les marchés financiers resteraient attractifs pour l’investissement, et la consommation repartirait à la hausse progressivement, avec des taux d’intérêt bas. La valeur actuelle du Dow Jones, d’un niveau record de 29 100 points (3 septembre 2020), et la décision de la Réserve fédérale américaine[6] le 27 août 2020 de se concentrer sur l’emploi, et non sur l’inflation, pourraient être des preuves pour et contre cette hypothèse. Cela reste à confirmer.
La pandémie de Covid-19 ne sera certainement pas la plus meurtrière ni la dernière de l’histoire, cependant elle est la première à être à ce point mondiale. Par le passé, l’économie ou les marchés financiers restaient cloisonnés géographiquement ou régionaux. Aujourd’hui, l’économie est mondialisée et faite de marchés financiers internationaux, accessibles électroniquement 24h sur 24 et 7 jours sur 7. L’incertitude quant à la manière dont un monde et une économie globalisés réagiront à cet événement existe donc.
« Plus la crise du Covid-19 impacte durablement les marchés, plus le passage à technologies de paiement ou des crypto-monnaies décentralisées et démocratiques devient favorable, sinon évident. »
Rétrospectivement, même les pandémies majeures n’ont pas été en mesure de mettre l’innovation technologique à l’arrêt. Aujourd’hui, avec les crypto-monnaies (numériques par essence), la valeur d’une unité numérique dépend d’algorithmes et de technologies de cryptage. Issues de la technologie de la blockchain, les crypto-monnaies s’utilisent de plus en plus dans les services bancaires mobiles, l’IOT ou les paiements sur Internet. Leur nature même pourrait permettre un avenir monétaire moins corrélé aux marchés financiers traditionnels. Dès aujourd’hui, la technologie de la blockchain vient soutenir (voire remplacer) les règles de distanciation sociale puisqu’elle évite le transfert physique de devises. C’est vrai, par exemple, dans le cadre de la vente en ligne.
Les marchés financiers pourraient subir une période d’incertitude menant à de l’inflation, mais, plus la crise du Covid-19 impacte durablement les marchés, plus le passage à technologies de paiement ou des crypto-monnaies décentralisées et démocratiques devient favorable, sinon évident. En effet, ces systèmes de paiement, basés sur de petites unités, permettent à une économie de fonctionner, malgré des circonstances difficiles.
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[1] WH0 (2004) / WHO (2004): « Summary of probable SARS cases with onset of illness from 1 November 2002 to 31 July 2003 », World Health Organization, 21 April 2004, visited September 3rd 2020.
[2] Clark (2008) / Clark, William R. (2008). Bracing for Armageddon?: The Science and Politics of Bioterrorism in America. Oxford University Press. p. 72. ISBN 978-0-19-045062-5.
[3] CDC (2020) / CDC (2019): 1918 Pandemic (H1N1 virus), Centers for Disease Control and Prevention, National Center for Immunization and Respiratory Diseases (NCIRD), from 20th March 2019, visited 3rd of Sept. 2020.
[4] Recalculé à l’aide de Measuring Worth (2020) / Measuring Worth.com (2020): Recalculation of the Dow Jones Value, visited 3rd of September 2020.
[5] Par exemple, pendant la peste noire (de 1331 à 1353), les systèmes économiques et financiers de la Ligue hanséatique, de la République de Venise ou des villes de Lombardie ont prospéré. Le développement de nouvelles technologies financières comme les Lettres de changes a réduit les risques pour les voyageurs et a fourni une solution aux risques persistants. Pendant cette période, les commerçants de la Ligue hanséatique et de la Lombardie ont ainsi perfectionné le transfert d’argent sans papier, comparable aux cartes de crédit d’aujourd’hui. Cette innovation a rendu les déplacements des commerçants plus sûrs et moins nécessaires à l’époque médiévale, lorsque les risques de déplacement physique – c’est-à-dire dus à la peste – étaient plus imminents.
[6] Federal Reserve (2020) / US Federal Reserve (2020): Statement on Longer-Run Goals and Monetary Policy Strategy, Adopted effective January 24, 2012; as amended effective August 27, 2020, visited 3rd of September 2020.