Les monnaies locales en France connaissent un succès qui ne serait être démenti. 10 ans après les premières expérimentations, elles sont plus que jamais d’actualité. Réponse citoyenne à la crise des Subprimes et aux excès de la finance, les monnaies locales n’ont rien perdu de leur pertinence face à la crise du grand confinement. Plus encore. Elles cristallisent bon nombre des questionnements qui s’imposent à nous.
Une monnaie locale, pour qui et pourquoi ?
Si des monnaies locales sont apparues au 20e siècle (Canada, Argentine, etc.), leur nombre explose en France (comme dans le monde) depuis 2010 et la loi-cadre de 2014. On compte en 2020 près de 80 monnaies locales complémentaires en circulation – les projets étant également nombreux.
Les monnaies locales en France
Il s’agit bien de monnaies locales complémentaires. En effet, quelle que soit leur forme ou leurs règles de fonctionnement, elles se substituent à l’euro mais ne le remplacent pas. L’usager « change » ses euros – 1 pour 1 – auprès de l’association ou la collectivité locale qui gère la monnaie locale ; ces euros sont déposés par ailleurs dans une banque.
Exemples de monnaies locales (billets ou carte) : Sol violette de Toulouse, Mesure de Romans, Chiemgauer de Bavière et Abeille de Villeneuve-sur-Lot
Un petit changement, de grands effets !
Alors, comment cette « simple substitution » peut-elle produire des changements significatifs ? En réalité, la monnaie locale réintroduit un cadre et des valeurs. Le cadre géographique restreint de sa circulation (une agglomération, un département, etc.) permet la dynamisation des échanges locaux et le maintien de l’emploi sur le territoire puisque les acteurs adhèrent à un réseau devenant plus visibles et la monnaie reste sur le territoire pour y être réinjectée. Mais les monnaies locales sont avant tout porteuses de sens et de valeurs. Se référant souvent à une charte, elles définissent à la fois une alternative à des pratiques purement économiques, une communauté de principes – l’Eusko vise par exemple à la promotion de la langue basque – et à l’adoption d’une éthique – de nombreuses monnaies locales visent à promouvoir la transition écologique.
Exemple de charte : Le Cairn de l’agglomération grenobloise
Les questions de la crise du grand confinement, les réponses des monnaies locales
Les monnaies locales seraient-elles alors des leviers de sortie de crise ? Des autorités publiques (en Wallonie par exemple) et des observateurs semblent le penser. En effet, cette crise d’une ampleur inédite soulève de nombreux questionnements économiques, sociaux et environnementaux. Plus particulièrement, la globalisation des processus de production, le creusement des inégalités ou l’impact écologique de l’activité humaine occupent le premier rang des réflexions autour du « monde d’après ».
Or la prise de conscience et les limites de la mondialisation trouve alors un écho favorable dans les monnaies locales qui entendent favoriser un développement économique de proximité et respectueux de l’environnement. Elles seraient notamment un soutien non négligeable aux petits commerces durement éprouvés ces derniers mois – les grands groupes s’en sortant bien mieux ! – tout en contribuant à réduire les émissions de CO2. Et contrairement au protectionnisme, doctrine de défense et de repli, ces monnaies s’inscrivent dans une promotion positive et citoyenne du local.
Mais au-delà, les monnaies locales nous aident à repenser l’espace économique et social dans lequel nous évoluons. Par nos dépenses et nos actions économiques, quels impacts avons-nous ? Il s’agit bien de la question centrale qui attend l’économie à l’avenir.
L’auteur est le Dr. Virginie Monvoisin
Professeur Associé
Le + de la rédaction : Yannick Chatelain, professeur associé, Grenoble Ecole de Management