Capacité à apprendre par soi-même, intelligence des situations complexes, mais aussi capacité à démontrer, à argumenter, à construire et tester des solutions, voilà autant de compétences que leurs futurs employeurs attendent des diplômés d’écoles de commerce. N’est-ce pas là le produit d’une démarche intellectuelle à l’apprentissage de laquelle les enseignants-chercheurs pourraient contribuer davantage encore ?
A propos du fameux écart entre théorie et pratique
Combien de fois entend-on les étudiants comparer et hiérarchiser les enseignements « théoriques » des écoles et l’expérience du « réel » dans l’entreprise où ils effectuent stages et contrats d’alternance. Dans le même temps, les recruteurs ne cessent d’insister sur l’importance (et donc le manque parfois) des capacités d’abstraction et d’analyse, de la prise de recul, du temps de la réflexion, de la méthode et de la rigueur dans les actions et les décisions en situation professionnelle.
Savoir « conceptualiser », dîtes-vous ?
En bref, il faut développer et mobiliser chez les futurs diplômés l’aptitude à conceptualiser le « réel », à savoir poser le problème avant de chercher à y répondre. Or, les étudiants ont en règle générale des visées très instrumentalistes sur les enseignements qu’ils reçoivent : des techniques et des outils d’abord, pour un usage immédiat.
Un paradoxe culturel
Pourtant les concepts, les théories, pérennisent et consolident les modes de compréhension et d’anticipation du « réel », en fixant les repères, en fournissant les grilles de lecture, en créant une culture de l’empirique. Or il existe depuis quelques décennies un bien étrange paradoxe, dicté par les lois de la compétition internationale : l’introduction de la recherche académique dans le cursus des écoles de commerce, bien loin de la vocation initiale de ces institutions.
La recherche, meilleur apprentissage du réel ?
Ce paradoxe est en fait une opportunité sur laquelle il convient d’insister. Le mémoire de recherche est un « outil » très structurant. Il a la vertu de déployer et étirer dans le temps toute la démarche intellectuelle qui sera attendu de l’employeur : identification et exposé du problème, y compris dans sa part d’implicite, formulation d’hypothèses et d’options fondées sur une culture personnelle et une collecte structurée de données, test et simulation de « solutions », rigueur et méthodologie dans l’analyse conduisant à la décision, capacité de remise en question des choix et décisions, etc.
Un rôle de mentorat à renforcer…
Il reste à convaincre les étudiants que le mémoire de recherche ne se réduit pas à un exercice scolaire, qu’il peut être pour eux un véritable outil de développement personnel et professionnel, qui les prépare à ce que le monde professionnel attend d’eux. Le « directeur de mémoire » peut à cet égard jouer un rôle déterminant de mentor, en stimulant la curiosité et la motivation des étudiants sur la démarche intellectuelle elle-même, et en construisant avec chacun l’apport de cette démarche à son projet professionnel futur. Encore faut-il que l’enseignant-chercheur, pris dans les enjeux des ses propres travaux et publications, en trouve le temps et l’intérêt en retour.
… dans le cadre de la recherche partenariale
Nous voyons une piste qui, loin d’être inédite, demande à être davantage développée : l’apprentissage de la recherche par les étudiants dans le cadre de chaires d’entreprises, de consortiums de partenaires entreprises-écoles, ou encore d’incubateurs de projets entrepreneuriaux. Mentorés par les enseignants-chercheurs et les doctorants associés à ces projets, les étudiants sont directement confrontés à des problématiques parées de la double légitimité du « réel » et de l’exigence de la méthode. Une approche complexe au vu de la multiplicité des parties prenantes, de la confusion toujours possible entre recherche et conseil, et des contraintes éditoriales des revues scientifiques peu ouvertes à une approche davantage pluridisciplinaire de la recherche empirique en gestion.
L’auteur est Laurent Aléonard, Directeur académique de l’EMLV