Créatrices d’emplois, innovantes, investisseuses et glocales : véritables championnes des territoires et du rayonnement de la performance française à l’international, les Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI) sont en mode winner. Tout savoir sur ces entreprises qui ont tout pour plaire pour faire carrière. Enquête.
Des entreprises performantes et en pleine croissance ! Pour accompagner le développement et la transformation des ETI, Emmanuel Macron a d’ailleurs lancé la Stratégie de la Nation pour les ETI en janvier 2020.L’objectif de cette stratégie ambitieuse ? Faire grandir davantage de PME pour devenir des ETI, accroitre la taille moyenne des ETI et renforcer leurs liens avec les universités pour attirer plus de jeunes vers ces entreprises fondamentalement porteuses de sens. Porteuses de sens mais aussi d’opportunités pour l’économie française et les jeunes diplômés.
SOMMAIRE
Vous avez dit faire carrière dans une ETI ?
Guerre des talents : les ETI sont dans le game
Pour faire carrière dans une ETI, encore faut-il les connaître !
Vous avez dit faire carrière dans une ETI ?
Mais une ETI quèsaco ? Tout est d’abord une question de taille ! L’ETI répond en effet à une catégorie d’entreprises intermédiaire entre la PME et le très grand groupe. Il s’agit d’une entreprise ayant entre 250 et 4 999 salariés, dont le chiffre d’affaires n’excède pas 1.5 milliard € et dont le total de bilan n’excède pas 2 milliards €. Exception à la règle : une entreprise de moins de 250 salariés mais présentant plus de 50 millions € de CA et plus de 43 millions € de total de bilan est aussi considérée comme une ETI.
Une définition à laquelle répondent près de 6 000 entreprises françaises. Des structures très protéiformes donc, allant de la « presque PME » au « presque grand groupe ». « Lorsqu’on parle d’ETI, on pense généralement à une entreprise plutôt familiale, plutôt régionale, dont le champ opérationnel est mondial, sans pour autant être une multinationale apatride. Une structure ni trop petite pour être localisée, ni trop grande pour être globalisée » précise Pierre-Yves Gomez, économiste et professeur à emlyon business school.
Petite PME deviendra grande
Une ETI, serait donc finalement rien de moins qu’une PME ou qu’une licorne (ces startups valorisées à plus d’un milliard $) qui a réussi ! « Lorsqu’une entreprise devient une ETI, elle ressent soudainement un besoin de structuration de ses fonctions. Que ce soit en termes de ressources humaines, de systèmes d’information, ou de dispositifs de formation des collaborateurs, l’ETI doit se doter des outils et structuration d’un grand groupe tout en conservant l’agilité, la souplesse et le dynamisme dont elle faisait preuve en tant que PME » indique Olivier de Lagarde, président du Collège de Paris. Un vrai travail d’équilibriste qui impose « de ne pas s’alourdir, se suréquiper ou surinvestir mais au contraire, de faire les choses de manière concrète et progressive, en s’appuyant d’abord sur des ressources internes et en allant très vite à l’expérimentation. D’avancer modestement, avec humilité mais aussi beaucoup d’ambitions par rapport à l’objectif que s’est fixé l’ETI » ajoute-t-il.
Résiste, prouve que tu existes
Une « agilité dans la stabilité » qui permet d’ailleurs à l’ETI d’être moins fragile qu’une PME en période de crise, comme celle que nous venons de traverser avec la pandémie. « L’ETI a les reins plus solides pour traverser les situations difficiles. Plus de ressources humaines et de ressources financières, mais aussi toute la réactivité d’une PME. Pendant la crise Covid par exemple, si elles n’ont pas forcément eu une grande croissance de CA, les ETI ont par exemple procédé à moins de licenciements que les PME. Un phénomène imputable, entre autres, à leur plus grande structuration et à la présence de responsables fonctionnels. Direction financière, direction commerciale, direction de la qualité, direction des achats & de la logistique, direction de la production, direction de la R&D… elles disposent de différents pôles et d’un CoDir où les décisions sont plus pluridisciplinaires » précise Elodie Pillon, enseignant-chercheur en management de l’innovation au Cesi.
>>>> Pour aller plus loin – Et si les ETI étaient des Entreprises Toujours Innovantes ? C’est le cas de Septodont, une entreprise familiale française à la pointe de l’innovation. A tel point qu’Olivier Schiller, Président de Septodont, a été nommé « Ambassadeur des ETI en France » par Emmanuel Macron. Présentation avec Aïcha Goudiaby, Chief HR & Communications Officer de Septodont.
ETI, des machines à compétitivité
Une résistance à la crise qui résonne comme une cause (ou un effet !) de l’importance de plus en plus croissante des ETI dans la compétitivité française. Les près de 6 000 ETI de l’Hexagone représentent en effet 30 % du chiffre d’affaires de l’ensemble des entreprises françaises, 30 % des investissements de l’ensemble des entreprises françaises et 27 % de la valeur ajoutée de l’ensemble des entreprises françaises. Elles ont créé plus de 330 000 emplois entre 2009 et 2015, et rassemblent aujourd’hui 25 % des effectifs salariés (soit 3 millions de salariés). Côté secteurs, 36 % de ces salariés travaillent dans l’industrie manufacturière, 30 % dans les services marchands et 23 % dans le commerce. Conjuguant avec succès ancrage territorial et ambitions internationales, les ETI représentent 23 % de la dépense intérieure de R&D des entreprises implantées en France et réalisent 34 % de leur chiffre d’affaires à l’export.
De la crise à la reprise
Elles ont ainsi tous les atouts en main pour booster la reprise de l’économie française post-covid. « Ce sont des structures dynamiques, essentielles pour la reprise économique, qui ont de très fortes capacités de recrutement et d’investissements, en R&D notamment. Elles ont toutes les clés pour tirer leur épingle du jeu, à en croire l’exemple allemand. Lorsqu’on compare les performances économiques française et d’outre-Rhin avant la crise, un des principaux éléments de différenciation réside dans un tissu très dense d’ETI allemandes, alors même que la France n’accompagnait pas forcément très bien la dynamique de transformation des PME en ETI. Aujourd’hui, on distingue une volonté claire du Gouvernement de faire émerger plus d’ETI. BPI France joue d’ailleurs un rôle clé dans cette dynamique, comme investisseur, accompagnateur de société à l’export… » estime Olivier de Lagarde.
#CoupDAvance
D’autant plus que les ETI, souvent été pionnière sur des sujets aujourd’hui dans l’air du temps, sont les pros du « coup d’avance » ! Grâce à une prise de décisions plus locales et il y a ainsi une sorte de naturalité et d’évidence pour les ETI à faire de la RSE, étroitement liée à l’ancrage local. « Les ETI ont également un coup d’avance en matière de stratégie : elles savent faire beaucoup de choses que de grandes entreprises apprennent et sont forcées d’apprendre. Plus ancrées, plus nationales et donc plus souples, tout en étant internationales, les ETI constituent un réseau dont le potentiel est extrêmement puissant » insiste le professeur d’emlyon business school. Est-ce à dire que les ETI seraient la solution à l’obsolescence programmée des entreprises nationales hyper centralisées ?
Les ETI à la niche ?!
Le marché de niche est en tout cas LE super pouvoir des ETI, qui font de la décentralisation et la proximité leurs maitre-mots. « Alors que les PME cherchent à avoir un marché et à faire du volume sur celui-ci, les ETI optent plutôt pour une optique d’évolution vers des marchés de niche pour répondre de manière ultra précise à des problématiques spécifiques. De plus, contrairement aux grands groupes, les ETI ont plutôt tendance à développer des logiques entrepreneuriales en limitant le contrôle des ressources. Elles cherchent une croissance plus raisonnée, plus prudente et plus pérenne » estime Elodie Pillon.
Guerre des talents : les ETI sont dans le game
Les ETI ont donc des armes solides pour entrer dans la guerre des talents et continuer à se développer avec les meilleurs ! D’autant que leur organisation a tout pour plaire aux Millennials : au cœur des territoires (et pas seulement des grandes métropoles régionales, de plus en plus boudées depuis la crise Covid), ce sont des entreprises à taille humaine, souvent familiales, dotées de circuits de décisions courts, agiles et qui investissent dans le capital humain.
Elles cochent ainsi un bon nombre de cases sur la liste des attentes des jeunes diplômés aujourd’hui. Structures moins pyramidales et donc moins « encombrées » que les grands groupes, capacité à donner relativement vite des responsabilités, échelle et moyens significatifs… « L’ETI est sans doute le meilleur cadre pour atteindre rapidement un poste de direction ou dans un environnement de direction et ensuite, valoriser cette expérience et intégrer les instances dirigeantes dans un groupe de taille significative » indique Olivier de Lagarde.
Pour faire carrière : l’ETI c’est the place to be !
Pierre-Yves Gomez y voit aussi « un avantage en termes d’art de vivre, de manière de concevoir et de vivre ce que peut être le métier de manager, avec un taux d’engagement très fort. C’est aussi une belle école. Car je pense que lorsqu’on débute dans une très grande entreprise, on ne peut plus travailler ailleurs, à moins de créer sa startup ou sa propre entreprise. La possibilité de développer des carrières latérales, de switcher entre des entreprises de taille égale, voire un peu inférieure est un des grands atouts différenciants des ETI. Même si le grand groupe a aussi ses avantages. Les métiers y sont mieux cadrés donc plus encadrés, plus organisés et disposent de plus de supports. »
>>>> Pour aller plus loin – Voiture, TGV, disque dur, machine à laver… Nous utilisons quotidiennement les roulements fabriqués et vendus par NTN-SNR. Cette ETI, pierre angulaire de l’industrie, mêle savoir-faire traditionnel et innovation. C’est aussi une championne des territoires, « discrète mais efficace et innovante. Avec deux centres de R&D, à Annecy et au Japon, NTNSNR s’inscrit dans une dynamique d’open innovation avec les acteurs de l’économie locale. Nous recrutons énormément sur les territoires pour participer à des projets d’avenir : moto volante, vélo électrique, éolienne, fusée, véhicule autonome… Elizabeth Battarel, Vice-Président des Ressources Humaines, vous raconte la success story NTN-SNR.
Des pratiques RH qui matchent
Pour Emmanuel Baudoin, directeur du Master 2 « Management digital des Ressources Humaines – Option gestion de crise et du HRM Digital Lab d’IMT-BS, l’ETI est aussi une mine d’opportunités pour des jeunes qui veulent évoluer. « Se faire identifier comme haut potentiel et se voir ouvrir des possibilités d’évolution à l’international ce n’est pas l’apanage des grands groupes ! indique-t-il. Dans certaines ETI, de varis paris peuvent être faits pour rompre avec des schémas d’évolution de carrières linéaires et permettre à des collaborateurs de talent d’accéder à des formations de type MBA ou des formations intermédiaires de qualité. » Des possibilités d’évolution intrinsèquement liées à la nature même de l’ETI. « Ce type de structure propose des postes dont le contenu est évolutif, où le besoin de développement côtoie souvent la nécessité de structuration et se conjugue avec la satisfaction de connaitre l’entreprise. A la manière d’un artisan, le collaborateur d’une ETI est en capacité de voir les tenants et aboutissants de son travail, de l’activité de l’entreprise et, de fait, de ne pas se sentir comme un numéro dans un système anonyme. » Une dynamique amplifiée par le fait que les ETI sont souvent des entreprises familiales. Devoir assurer sa propre survie et ne pas dépendre des marchés financiers donne en effet une autre perspective de management.
Faire carrière dans une ETI, c’est s’ouvrir au terrain de tous les possibles
Car l’ETI est aussi l’entreprise où rien n’est impossible en termes d’évolution de ses missions. « Construire son propre poste, impulser sa propre dynamique ou complètement transformer ses missions en cinq ans : tout est possible dans une ETI en plein développement » constate Emmanuel Baudouin. Et Anne Laloue, directrice de la Web School Factory d’ajouter : « l’ETI est vraiment un super endroit pour commencer sa carrière. C’est une entreprise à taille humaine, où les organisations hiérarchiques sont plus courtes, où les collaborateurs de talent sont plus vite repérés et où on peut mieux exister. Ce qui atténue automatiquement les problématiques très françaises liées au phénomène de silo. Les ETI sont également très attentive au bien-être de leurs équipes. Une politique de QVT qui est, du fait de la taille de ces structures, très vite tangible. Car les patrons des ETI en ont bien conscience : leur actif immatériel clé, ce sont les hommes et les femmes qui travaillent pour eux. » La marque employeur et l’attractivité sont donc des points clés pour ces entreprises, qui manquent encore clairement de visibilité auprès des jeunes générations.
Pour faire carrière dans une ETI, encore faut-il les connaître !
Car même si l’ETI offre un cadre propice au développement de sa carrière et à la prise rapide de responsabilités, elle n’entre pas encore naturellement dans le champ de vision des Millennials.
« En début de parcours, les jeunes diplômés sont souvent, soit à la recherche d’une marque forte (le grand groupe), soit d’une expérience originale (entreprise en création ou génératrice d’un produit / service innovant, une structure qui donne du sens…). Or, l’ETI n’offre spontanément ni l’un ni l’autre. Déjà dotée d’une vraie structure (ce qui élimine le côté aventure entrepreneuriale) mais avec une marque employeur peu développée, elles ont un vrai travail à faire sur leur modèle de désirabilité. Les dispositifs de marque employeur, la formation, les universités d’entreprise sont des outils RH très appréciés des jeunes qui ne doivent plus être l’apanage des groupes du FBS 120 » indique Olivier de Lagarde
ETI, ces entreprises qui sortent de l’ombre
L’attractivité s’impose donc comme l’enjeu clé des ETI, peu connues des étudiants, alors même qu’elles représentent de manière très concrète un nombre d’emplois considérable et de vrais projets de carrières. « Les jeunes ne connaissent finalement que deux catégories d’entreprises : les très grands groupes et les startups. Une dichotomie renforcée par le fait que les ETI sont souvent des « entreprises de l’ombre », des entreprises de spécialités » ajoute Anne Lalou. Un manque de visibilité que la directrice de la Web School Factory attribue également à la nature même de l’ETI. « Elle fonctionne sur des temporalités plus courtes. Moins confortable que le très grand groupe pour gérer ses investissements, elle cherche l’efficacité à court terme, y compris en matière de communication. Alors qu’il faut s’inscrire dans le temps long pour instaurer une vraie relation de confiance et de proximité avec les étudiants. Nous travaillons d’ailleurs avec nos élèves de première année sur l’accompagnement des ETI dans leurs recrutements. Car la vraie question des ETI, c’est le manque de modernité dans leur communication et leur manière de recruter, faisant appel à une communication très institutionnelle sur des réseaux sociaux très professionnels ».
>>>> Pour aller plus loin – Pour Alain Paré, DRH de Gémo, rejoindre une ETI c’est LA bonne opportunité pour débuter et booster sa carrière ! « C’est faire le pari d’une entreprise à valeurs et taille humaines. Cela se voit notamment à travers les responsabilités que nous donnons très tôt à tous nos jeunes talents. Ils sont rapidement autonomes dans l’élaboration et la conduite de projets innovants et transversaux car nous leur faisons confiance. Nous savons les accompagner dans leur réussite et leur évolution pour qu’ils s’épanouissent chez Gémo et dans le Groupe Eram. » Retrouvez tous ses conseils de recruteur dans son interview.
Pour faire carrière dans une ETI, il faut d’abord gagner un combat culturel
Et pour leur faire connaitre ces structures qui pourraient changer leur carrière, certaines écoles, à l’instar d’emlyon business school, misent sur la formation. L’établissement a en effet lancé il y a quelques années le MOOC Parcours PME avec BPI France. « Un combat culturel qui vise à transformer la représentation des PME et ETI chez les jeunes diplômés des grandes écoles et « fabriquer » des rencontres qui n’existent pas assez. L’idée n’est pas de transformer 100 % de nos étudiants en collaborateurs de PME ou d’ETI mais de leur faire connaitre cette culture et faire germer chez eux l’idée d’un « pourquoi pas ? ». La validation de ce MOOC est associée à l’obtention du Certificat PME / ETI by Bpifrance et emlyon et peut être couplée à la réalisation d’un « stage bras droit » d’un dirigeant de PME. Une façon de réduire le « risque CV », souvent mis en avant par les étudiants pour ne pas rejoindre une PME. Ce certificat devient un label que Bpifrance et emlyon mettront en avant dans leurs réseaux respectifs, y compris auprès des DRH de grandes entreprises » décrit Marc Pérennes, Director Employer engagement and Careers services à emlyon business school. Un moyen aussi de réduire la pression sociale que se mettent les jeunes diplômés sur les épaules. « Lorsqu’on investit dans une grande école, le réflexe logique est celui du ROI, à savoir débuter dans grand groupe pour avoir une marque sur son CV. Choisir une ETI, c’est choisir le risque, mais c’est aussi choisir une expérience différenciante pleine d’opportunités ». Et ce alors même que les ETI n’osent pas encore assez se tourner vers les jeunes diplômés des grandes écoles. « Nous encourageons nos étudiants à proposer leurs services à un dirigeant d’ETI avant même qu’il publie une offre correspondant à leurs profils. Un pari qui s’avère souvent gagnant pour le jeune et pour l’entreprise » précise Marc Pérennes.
ETI : la relève est assurée !
L’Accélérateur ETI est un programme d’accélération lancé par BPI France pour soutenir la croissance des ETI et devenir les championnes internationales de demain. Lancé en 2016, l’Accélérateur ETI comptait dans sa première promotion 25 entreprises, qui, après deux ans d’accélération, enregistraient une croissance moyenne de CA de 34 % et de 35 % à l’export. Aujourd’hui, les 25 ETI de sa 4e promotion (2019 / 2021) réalisent un CA moyen de 152 millions € et ont affiché une croissance de 26 % entre 2017 et 2019. 83 % d’entre elles ont réalisé une opération de croissance externe et 78 % exportent ou disposent d’une implantation à l’international. Grâce à ce programme intensif de 24 mois, elles sont accompagnées dans leurs changements structurels liés au passage de cap (formalisation de la stratégie long terme, développement commercial pour conquérir de nouveaux marchés et développer de nouveaux produits et services, renforcement de la démarche RSE…).