Direction générale et direction des programmes : les femmes sont de plus en plus nombreuses aux postes stratégiques des grandes écoles et universités. Elles partagent leurs conseils pour faire la course en tête sans se prendre la tête et devenir la capitaine qui amène son équipe à la victoire.
Rentrée 2023. Cette année, pour la première fois, Clémence Bernard endosse le costume de directrice générale adjointe de l’EBI. Un premier jour pas totalement dans l’inconnu pour celle qui évolue au sein de cette grande école d’ingénieurs en biologie depuis une quinzaine d’années. D’enseignante chercheuse à coordinatrice recherche, elle a ensuite pris la direction opérationnelle de l’école avant d’être nommée à la direction générale. Un parcours non sans embûches, mais marqué par une constante : l’audace. « Ma carrière a été faite d’opportunités. Lorsque la directrice générale m’a nommée adjointe, ma progression interne m’a permis de me sentir légitime, malgré les quelques critiques ou jalousies que j’ai pu ressentir. A travers tous les postes que j’ai occupés, j’ai touché à tous les services de l’école, de la recherche à l’enseignement en passant par les services généraux » détaille Clémence Bernard. Comme elle, près de 40 % de femmes font partie des comités de direction des grandes écoles, indique la 8è édition du baromètre égalité femmes-hommes de la Conférence des Grandes Ecoles (CGE). Si cette représentation des femmes est en hausse, il existe des disparités selon les établissements : dans les écoles d’ingénieurs, 36,5 % de femmes évoluent dans les instances de direction contre 45,6 % dans les écoles de management. De plus, « la représentation des femmes dans les conseils d’administration reste minoritaire et en deçà du quota de 40 % imposé aux entreprises par la loi Copé-Zimmermann » indique la CGE.
Femmes et dirigeantes de grandes écoles : gare au syndrome de l’imposteur
Cette sous-représentation s’explique d’abord par des raisons historiques. « Il y a une tendance ancienne à avoir des hommes à la tête des institutions académiques, même si les choses changent petit à petit. Nous prouvons que les femmes sont capables, au même titre que les hommes, d’occuper des postes à responsabilités » déclare Alya Mlaïki, qui entame sa première année en tant que directrice du Programme Grande Ecole (PGE) d’EDC Paris Business School. Si elle indique ne pas avoir rencontré de réel obstacle durant son parcours professionnel, elle est « consciente qu’il n’est pas toujours évident, en tant que femme, d’arriver à ce genre de poste. Et ce pour une raison inhérente aux femmes : une tendance à se sous-estimer » juge-t-elle.
Syndrome de l’imposteur, c’est le nom donné à ce sentiment auto-entretenu d’incompétence et de doute en sa personne et ses compétences, et qui persiste malgré les succès scolaires et professionnels. Selon les psychothérapeutes et spécialistes Élisabeth Cadoche et Anne de Montarlot, les femmes seraient davantage sujettes au syndrome de l’imposteur pour plusieurs raisons : une forte pression pour être performantes, une peur de ne pas être à la hauteur ou encore une sous-représentation aux postes de responsabilités et de leadership. « En tant que femme, on se pose tout le temps la question Est-ce que je suis capable de ? Est-ce que j’ai les compétences pour ? C’est bien d’évaluer les risques mais il faut parfois savoir sauter » estime Clémence Bernard.
Une future leader, tu deviendras
Et savoir sauter, pour la directrice générale adjointe de l’EBI, c’est d’abord avoir du courage et de la volonté. « Il ne faut pas se censurer sur ses envies et sur ses capacités. Chaque événement est une opportunité de prendre des responsabilités, de s’engager et de faire ses preuves » estime-t-elle. Pour Alya Mlaïki, l’important est également d’être ouvert et d’accepter de développer de l’expérience petit à petit, tout en choisissant des projets et des missions qui peuvent pousser à sortir de sa zone de confort. Et d’insister : « je veux dire, particulièrement aux femmes, ayez confiance ! Vous avez plein de talents, vous êtes capables d’occuper tout type de poste si vous en avez les soft skills et les qualifications. » Savoir communiquer, prendre la parole en public, gérer une équipe, être à l’écoute ou autoritaire quand il le faut … Autant de compétences qui peuvent faciliter l’accession à des postes de direction générale ou de direction des programmes. « A compétences techniques et CV égaux, ce qui fait la différence c’est qui vous êtes et comment vous vous comportez avec les autres » assure la directrice du PGE d’EDC Paris Business School.
Les autres, c’est d’ailleurs la clé de la réussite pour Stéphanie Lavigne, directrice générale de TBS Education depuis quatre ans et première femme directrice de l’école. « Quand on accède à cette fonction, ce qui compte c’est le soutien de l’entourage, personnel bien sûr, mais également professionnel. Il faut s’entourer de personnes qui vous boostent et vous font confiance, cela décuple vos capacités d’action » estime-t-elle. Son conseil à des jeunes filles qui voudraient suivre ses pas ? Ne pas hésiter à solliciter les alumni et les dirigeants qui les inspirent. « Je crois beaucoup en la valeur de l’entraide, l’expérience des autres est riche et il faut accepter qu’on ne sache pas tout faire. Il m’est par exemple arrivé d’appeler des confrères que je ne connaissais pas, simplement pour avoir des conseils. »
L’importance de la formation pour les femmes et dirigeantes de grandes écoles
A termes, Stéphanie Lavigne, Clémence Bernard et Alya Mlaïki espèrent montrer aux jeunes filles « qu’on peut avoir une vie de famille équilibrée et un poste à responsabilité » insiste la directrice générale adjointe de l’EBI, qui comptait 80 % d’étudiantes en 2018. Et Stéphanie Lavigne d’ajouter : « nous voulons leur témoigner que nous pouvons évoluer vers une plus grande parité, notamment grâce à des changements au sein même des écoles. » Selon la Conférence des Grandes Ecoles, 71,7 % des établissements du Supérieur ont ainsi formalisé une stratégie pour l’égalité femmes-hommes. Au programme : des conférences, des réunions d’information, des formations obligatoires ou facultatives, mais aussi des actions de coaching et de mentoring. C’est d’ailleurs ce qu’a choisi de mettre en place TBS Education avec son programme Equal.ID, dont l’objectif est de « sensibiliser les étudiants à la question des inégalités hommes-femmes en entreprise et de lutter contre les stéréotypes, dès l’entrée de nos étudiants à TBS Education et jusqu’à leur entrée dans la vie professionnelle » peut-on lire sur le site internet de l’école. Pour Stéphanie Lavigne, sa directrice générale, « le sujet de la parité n’est pas suffisamment porté d’un point de vue éducatif. Avec ces cours et ces programmes, nous formons nos étudiantes et étudiants pour qu’ils soient de bons acteurs dans l’entreprise. » Un moyen de donner aux jeunes filles les armes pour se positionner à leur juste place et, pourquoi pas, de leur donner envie de tenter « la belle aventure », comme l’appelle Stéphanie Lavigne, d’occuper un poste de direction.