La crise sanitaire de la covid a apporté la preuve incontestable de l’utilité de l’outil digital dans le fonctionnement organisationnel de toute entreprise quelle que soit sa taille. Cependant, une question mérite d’être posée : le recours à l’outil digital par la fonction RH risque-t-il de déshumaniser les organisations ? En effet, certains observateurs restent sceptiques quant à la portée de ces outils et dénoncent la déshumanisation des organisations.
La fonction RH : quelle place pour l’outil digital ?
Les processus RH « se servicialisent et se dématérialisent » pour reprendre l’expression de Sérieyx (1996). En effet, la fonction RH s’attèle à relever le défi d’améliorer sa contribution en tant que partenaire d’affaires par un meilleur « usage » de l’information. Dans les grandes structures, un effort particulier est porté à l’efficacité organisationnelle qui dépend des choix stratégiques, choix des processus et des structures. D’ailleurs, c’est pour cela que l’entité RH comprend les volets back-office et front-office. Ce dernier est proche du « client interne », à savoir les collaborateurs, pour comprendre ses besoins spécifiques et répondre à ses attentes. Il y a donc un enjeu de capitalisation de l’information et de sa diffusion, au moment qu’il faut à la personne qu’il faut. Pour la fonction RH, l’information est la matière première d’un travail analytique et le digital est un outil puissant pour faciliter la collecte des informations et la transformation de ces informations en connaissances : processus, méthodologies, méthodes, meilleures pratiques développées en interne ou observées chez les concurrents, techniques de résolution des problèmes, outils d’aide à la décision améliorés par l’expérience, en résumé tout élément d’aide à la compréhension des collaborateurs et à l’anticipation de leur insatisfaction professionnelle.
Approche apprenante des pratiques de la fonction RH par le digital
Une enquête récente publiée en avril 2023 par l’Association Pour l’Emploi des Cadres (APEC) sur « Les métiers cadres de la fonction Ressources humaines et formation » révèle que le travail des métiers dans la RH est de plus en plus structuré par la digitalisation (paie, formation, recours à l’intelligence artificielle dans le recrutement). Le digital peut contribuer à l’humanisation du management des ressources humaines. En effet, le progrès technologique en matière d’outils digitaux facilite le processus réactif de prise de décision en termes de recrutement, formation en e-learning, évaluation et suivi de la performance du personnel, suivi de l’implication dans le travail et de l’engagement organisationnel des salariés. Il permet de mesurer les attitudes des employés à travers les enquêtes d’attitudes. Le digital influence la qualité, l’originalité et la vitesse avec lesquelles les problèmes humains sont identifiés et résolus. Il détermine la capacité d’apprentissage organisationnel.
Un usage « sage » de l’outil digital pour la durabilité des processus
Les observations en entreprise et les recherches en sciences de gestion ont démontré que rien ne peut remplacer l’interaction humaine et les moments de socialisation en direct et en face-à-face. Les rites sociaux en entreprise, les échanges informels autour de la machine à café, les évènements de cohésion d’équipe maintiennent un « état d’éveil mental » mis en lumière par les travaux du psychologue Bandura (Auto-efficacité. Le sentiment d’efficacité personnelle, De Boeck). C’est une manière pour la fonction RH et les managers d’insuffler de l’enthousiasme et de l’énergie auprès des collaborateurs. Le digital RH est un levier incontournable pour propulser une dynamique d’intégration et de responsabilisation des femmes et des hommes dans la durée en entreprise. Si un usage « sage » est fait de l’outil digital RH aussi bien au niveau individuel que collectif, il peut promouvoir la durabilité des processus et favoriser un environnement inclusif.
L’auteure est Nadia Tebourbi, Docteur en sciences de gestion, Chef du département Management et RSE, Professeur de management, Responsable de la spécialisation de master « Sustainable Human Development » PGE