Le dernier rapport d’évaluation du GIEC constate que la hausse des températures de 1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle sera atteinte avant 2030, ce qui renforcera les dérèglements climatiques dans le monde entier. Pour renverser la tendance à la fin du siècle, il est donc urgent de revoir nos modèles économiques et d’accélérer la transition écologique et sociale. Le monde de l’enseignement supérieur doit se montrer à la hauteur de cet enjeu. Changements profonds en vue !
Ces 15 dernières années, les acteurs de l’enseignement supérieur ont multiplié les initiatives dans le domaine de la transition écologique, du développement durable et de la RSE. Ils ont créé des cours ou des programmes dédiés, ouvert des chaires de recherche, organisé des séminaires de sensibilisation ou des challenges et soutenu des associations d’étudiants dans ces domaines. Les plus avancés se sont inscrits dans des démarches de labellisation et donc soumis à des évaluations externes pour souligner leur engagement et mieux valoriser leurs résultats. Mais au vu de l’urgence climatique et sociale, ces initiatives sont insuffisantes.
Dépasser les initiatives en silo pour mettre la RSE au cœur de l’activité
Finies les actions RSE isolées ou les stratégies RSE dissociées du cœur d’activité ; il faut désormais tout recentrer autour de la RSE. Cela implique pour toute organisation, dont l’enseignement supérieur, de revoir systématiquement l’ensemble des activités, en mesurant leur impact écologique et social, de fixer des objectifs de progrès et de les suivre régulièrement. Cela implique un budget associé, de former l’ensemble des équipes à la transition écologique et sociale et de les évaluer, en tenant compte de leur contribution.
Arrêter les activités néfastes
Il faut donc aussi arrêter les activités dont l’impact se révèle trop négatif. Ainsi, est-il vraiment pertinent d’imposer à tous les étudiants des business schools de passer un semestre d’études à l’étranger, alors que les professeurs y délivrent souvent les mêmes cours standardisés qu’en France et que l’immersion réelle dans le pays n’est pas toujours garantie ? Cette question se pose d’autant plus que le corps professoral des business schools françaises est lui-même de plus en plus international.
Assurer la cohérence globale
Est-il pertinent de créer des cours sur des business models responsables, qu’ils soient optionnels ou obligatoires, si en parallèle on maintient des cours de marketing qui expliquent comment vendre des biens ou des services inutiles, des cours de management de la supply chain qui ignorent largement les coûts écologiques et sociaux de l’externalisation ? Il faut donc, programme par programme, analyser de manière systématique chaque syllabus pour vérifier sa compatibilité avec la transition écologique et sociale, en associant les différentes parties prenantes, comme The Shift Project et Audencia proposent de le faire sur les enjeux climatiques à travers l’initiative ClimatSupBusiness.
Les professeurs aussi doivent être formés
Cela suppose bien-sûr d’accompagner les professeurs, en les formant aux fondamentaux de la transition écologique et sociale, en les incitant à orienter leurs recherches et leurs enseignements dans cette direction, et ce quelle que soit leur discipline. Leur implication et leurs contributions dans ce domaine doivent être prises en compte dans leur rémunération et l’avancement de leur carrière. Il s’agit en effet d’un changement profond pour beaucoup qui doivent apprendre à travailler de manière plus transdisciplinaire, d’associer de manière plus importante différentes parties prenantes à la définition des cours et de concevoir des expériences pédagogiques immersives.
Relever ce défi permettra aux institutions de l’enseignement supérieur d’être à la hauteur des enjeux, tout en assurant leur pérennité. Il n’y a plus de temps à perdre !
André Sobczak, Professeur et délégué général RSE, titulaire de la Chaire Impact Positif, Audencia