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Grand entretien – L’interview de Mathias Vicherat, directeur de Sciences Po 

Un alumni à la tête de Sciences Po ! Mathias Vicherat, diplômé de la promo 2000, directeur de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et administrateur de la FNSP depuis novembre 2021, partage sa feuille de route pour faire briller l’école en France et à l’international.

Quel 1er bilan dressez-vous de votre 1re année ?

Cette 1ere année se devait d’être apaisée et collective. Apaisée tout d’abord, grâce à une grande consultation interne qui a obtenu 73 % de taux de participation. Il était important de réengager ce dialogue, le premier depuis 11 ans, et de définir une série de mesures à l’attention de nos salariés, notamment en matière de ressources humaines. Apaisée également en impliquant davantage nos étudiants dans nos instances de gouvernance : ils siègent désormais au sein de la Commission de déontologie, du Comité des dons ou encore du Comité de recherche pour le poste de direction de la formation et la recherche. Apaisée enfin en termes de vie étudiante grâce entre autres au recrutement d’une magistrate spécialisée qui dirige la cellule d’enquête sur les VSS. Ce nouveau dispositif mêlant expertise judiciaire et administrative permet d’accélérer les procédures mais aussi d’objectiver notre approche. Nous avons également renforcé et professionnalisé notre dispositif d’écoute en l’externalisant auprès de France Victimes. Un système similaire sera prochainement mis en place sur les discriminations.

Les grandes lignes de votre roadmap 2022-2023 ?

1er enjeu : ancrer la stratégie dans une logique de développement, d’approfondissement et de dépassement pour impulser une nouvelle dynamique. Nous devons être fiers de nos résultats. Sciences Po occupe notamment la 3e place mondiale en science politique et relations internationales au classement QS 2022 et a gagné plusieurs appels à projet de recherche européens (ERC).

2e objectif : conjuguer davantage encore égalité des chances et excellence. Autre ambition forte : rester à l’avant-garde en termes de pédagogie et de disciplines. Depuis septembre, par exemple, un cours obligatoire DE 24 HEURES est dispensé en 1re année du collège universitaire sur les transitions écologiques. Nous avons également monté une task force académique pour innover au niveau des masters, en abordant également des thèmes comme la transition numérique et ses enjeux démocratiques.

Enfin, nous souhaitons rendre plus robuste le modèle économique de Sciences Po en sollicitant davantage les alumni et le mécénat, pour dynamiser la recherche notamment. Nous allons par exemple créer 12 postes de post-doc spécialisés sur les transitions écologiques dès janvier 2023 grâce au mécénat.

Pédagogique rime avec numérique. Parmi les grands chantiers de Mathias Vicherat : développer les outils numériques et plus particulièrement un portail web qui rassemble l’ensemble des cours dispensés à Sciences Po, une partie en libre accès, une autre en format payant dans le cadre de la formation continue ou de certifications. Un partenariat avec Radio France a également été signé début 2022 : certains cours « historiques » sont disponibles en podcast, parmi lesquels des interventions de François Mitterrand ou de Vaclav Havel.

En quoi le nouveau campus du « 1 Saint Thomas » est-il représentatif de l’esprit Sciences Po ?

De plus en plus d’universités se posent la question de revenir en centre-ville car l’éloignement complique les déplacements des professeurs et intervenants professionnels et rend l’établissement moins attractif pour les étudiants, en particulier les étudiants internationaux. Par ailleurs, comme tous nos campus de région, le « 1 Saint Thomas » est au cœur de la cité, tant d’un point de vue géographique que politique. Notre vocation étant de former des acteurs de la Cité, nous devons donc être au plus près des débats de société. En ce sens, le campus incarne pleinement notre ambition : il regroupe en un lieu central la formation et la recherche.

L’endroit préféré de Mathias Vicherat à Sciences Po ? L’amphithéâtre à ciel ouvert du 1, Saint Thomas.

Un lieu central mais une école tournée vers l’international ?

L’essence même de Sciences Po est d’alterner en permanence entre toutes les échelles. Les étudiants effectuent les deux premières années de leur cursus au niveau local, avant de partir un an à l’international ; puis ils reviennent à Paris sur un campus à dimension nationale, suivre un master dans une de nos écoles pour se spécialiser. Nous sommes à la fois un microscope et un télescope : d’un côté, nous sommes spécialisés au niveau micro sur des sujets territoriaux et de l’autre, nous déployons une approche macro à travers des centres de recherche comme le CERI ou nos écoles dont l’Ecole d’affaires internationales (PSIA).

Après près d’un an d’exercice, de quoi êtes-vous le plus fier ?

Ce dont je suis le plus fier, c’est d’être à la tête des communautés de Sciences Po. La faculté permanente et ses 300 professeurs – lorsque j’étais étudiant, elle n’en comptait qu’une soixantaine – dont certaines sommités mondiales, les salariés de l’école dont l’implication n’a jamais failli malgré les crises multiples traversées ces dernières années, sans oublier bien sûr les étudiants dont la diversité, l’engagement et la passion ne cessent de m’impressionner. Cette mobilisation et cet engagement de tous nous a permis par exemple d’être l’université d’où le Président ukrainien Zelensky s’est exprimé en avril 2022 à la jeunesse française et européenne.

Les jeunes talents vous bluffent-ils ?

Ils sont dans l’engagement concret, là où, à mon époque, nous étions davantage dans l’engagement d’idées. J’avais notamment participé à monter ATTAC à Sciences Po. Aujourd’hui, les étudiants s’engagent en menant des actions très concrètes, qu’elles soient humanitaires, sociales, environnementales… C’est par exemple grâce aux associations étudiantes de notre campus de Dijon que nous avons pu lever 500 000 euros en trois semaines pour accueillir une trentaine d’étudiantes ukrainiennes de notre université partenaire de Kiev. Chacune d’elles bénéficie d’une bourse mensuelle d’environ 1 000 euros et les étudiants se sont mobilisés de façon incroyable.

En quoi vous challengent-ils également ?

Les étudiants font bouger les lignes et nous poussent à évoluer. Ils influencent très largement nos choix pédagogiques. Impossible désormais de ne pas intégrer la dimension écologique et les transformations liées au numérique dans un parcours de scolarité en économie et sciences sociales. En tant qu’école par essence transdisciplinaire, il est tout à fait naturel d’aborder ces questions qui croisent à la fois les dimensions humaine et scientifique.

Son moment Sciences Po préféré : Depuis son arrivée, Mathias Vicherat a vécu une année riche en événements, mais deux l’ont particulièrement marqué. Le premier, tourné vers l’avenir : l’inauguration du nouveau campus. Le second témoigne quant à lui du passé prestigieux de l’institut à l’occasion de la Cérémonie des noms : « Les alumni ont l’opportunité, par le biais de dons, d’avoir leur place dans l’amphi Boutmy, c’est-à-dire d’attribuer un nom à un SIEGE. Pendant plus d’une heure, les anciens se sont ainsi succédé pour raconter leur histoire. Quelle émotion de voir à quel point Sciences Po avait pu influencer et marquer à vie autant de personnes. »

Votre pitch aux étudiants ?

Nous sommes l’école qui vous formera le mieux aux enjeux du monde contemporain, que ce soit sur les sujets de démocratie, de transition écologique, de comparatisme international, de croissance économique… Le monde devient de plus en plus complexe, donc vous avez besoin de cette interdisciplinarité pour le comprendre. Sciences Po est aussi l’école qui vous permettra d’expérimenter différentes disciplines, avec un champ assez large, avant de vous spécialiser dans l’une d’elles en 4e année. Sans compter l’ouverture offerte par nos doubles diplômes avec les écoles d’ingénieurs ou de commerce. Nous sommes une école qui vous donne le temps de construire votre projet professionnel !

« Mon ambition générale pour l’école est d’être l’université de référence internationale se distinguant par la combinaison de savoirs académiques et d’expertises professionnelles. »