Unique en son genre. Un qualificatif qui sied à merveille à Grenoble INP-Pagora, l’école internationale du papier, de la communication imprimée et des biomatériaux. Unique par sa formation qui diplôme chaque année des ingénieurs citoyens responsables. Rencontre avec son directeur Naceur Belgacem.
Les atouts des diplômés de Grenoble INP-Pagora pour booster l’industrie française ?
« Comment partir d’une matière végétale naturelle pour en faire des produits à très haute valeur ajoutée ? » : voilà l’essence de la formation de Pagora, unique en son genre. Unique aussi par ses formations qui couvrent l’ensemble de la chaîne de valeur. Conséquence : nos apprentis sont très recherchés par le monde industriel partout en France.
Transition écologique et diplômés de Grenoble INP-Pagora : pourquoi ça matche ?
Nous avons compris depuis longtemps que l’ère pétrosourcée était terminée au profit de l’ère du renouvelable. Et à Pagora nous sommes extrêmement bien placés puisque nous sommes spécialistes de la biomasse végétale, une des deux matières renouvelables existantes. Nous avons d’ailleurs changé le nom de l’école il y a 14 ans pour y inclure ces notions. Nous formons ensuite nos étudiants à des métiers de base comme la production de certains produits qui ne sont pas délocalisables (cartons pour les emballages produits ou le papier d’hygiène). Nous nous ouvrons aussi à de nouveaux secteurs comme la bioraffinerie avec l’objectif de remplacer partiellement ou totalement les ressources pétrolières à partir de la biomasse végétale. Autre exemple : le secteur de l’imprimerie souffre d’une crise forte et opère un tournant vers l’électronique imprimée, enseignée depuis huit ans déjà à l’école.
Grenoble est un fleuron de la première région industrielle de France. Ses atouts pour votre communauté ?
Quand on vient à Pagora on intègre aussi Grenoble INP : huit écoles d’ingénieurs qui forme 8 000 étudiants et un ingénieur sur cinq au niveau français. Ces écoles sont toutes agiles car il y a une grande autonomie concernant l’évolution des maquettes, l’offre de formations, etc. Ce ne sont pas des écoles concurrentes, chaque étudiant qui vient dans le groupe trouve son bonheur ! Ensuite Grenoble est la première ville d’innovation. La recherche y est extrêmement forte et dans le monde actuel où les choses changent très vite, on ne peut pas former de bons ingénieurs si nos programmes ne sont pas nourris par la recherche. Enfin, Grenoble est la ville de taille moyenne idéale, sans les inconvénients d’une grande ville mais avec toutes les facilités de recherche, qui couvre toutes les thématiques, hormis l’aérospatial.
Juliette, étudiante ingénieure et réserviste dans la Marine Nationale
Juliette aime casser les codes ! Etudiante-ingénieure, elle fait aussi partie de la minorité de femmes présentes dans l’Armée. La semaine, elle étudie en deuxième année du cursus étudiant de Pagora, option Ingénierie de la Communication imprimée. Pendant les vacances scolaires, elle enfile son uniforme de l’Armée et rejoint une base aéronavale près de Brest où elle officie en tant que réserviste de la Marine Nationale. « J’y suis depuis trois ans, 35 jours par an lors des vacances scolaires, explique la jeune femme de 21 ans. Au départ nous étions deux femmes et maintenant je suis la seule sur la base ! ». En tant que réserviste, elle assure la sécurité et la protection des sites militaires et de la base, s’entraine au combat, au tir, et pratique des exercices d’infiltration.
« L’Armée m’apporte un cadre »
« J’ai découvert le monde militaire lors de la Journée Défense et Citoyenneté. Au départ je voulais entrer dans une école d’officiers, j’ai donc fait une prépa au lycée naval de Brest et entre la première et la deuxième année, je me suis inscrite en tant que réserviste pour avoir un premier aperçu du métier avant de m’engager, raconte Juliette. Je me suis finalement rendue compte en observant les officiers que les missions ne me correspondaient pas forcément : beaucoup d’administratif et peu de terrain. » Son entrée à Pagora lui a alors permis de réaliser qu’elle souhaitait garder un lien avec le monde militaire en travaillant plutôt pour des entreprises en lien avec l’Armée tout en restant réserviste. « Cela m’apporte de la rigueur, un cadre, je me sens vraiment utile ».
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« Grenoble INP-Pagora est une école exceptionnelle qui forme des ingénieurs exceptionnels ! »
Nous consommons en moyenne 600 g de papier par jour et par personne, soit 200 kg par an. Derrière cette industrie se cache le talent des ingénieurs diplômés de Grenoble INP-Pagora. Son directeur Naceur Belgacem, nous en dit plus sur les métiers passionnants auxquels mène cette école unique en son genre. Enquête réalisée le 1er septembre 2021
L’exception Grenoble INP-Pagora ?
L’exception de Grenoble INP-Pagora réside dans une offre de formation qui n’existe quasiment nulle part ailleurs dans le monde. Si des formations de pointe existent en Finlande, en Suède ou au Canada, Grenoble INP-Pagora est la seule école à couvrir toute la chaine de production, du bois, à l’emballage tridimensionnel embelli et imprimé. C’est aussi une école qui peut prétendre être un modèle de mixité : mixité apprentis/non apprentis, mixité public/privé, mixité recherche/formation et mixité filles/garçons.
A quels métiers l’école destine-t-elle ses diplômés ?
Si 60 % de nos diplômés se destinent à la production, les autres se dirigent vers le contrôle qualité et la R&D. La proximité recherche/formation que nous encourageons favorise d’ailleurs ce volet R&D. Depuis quelques temps en effet, il est très difficile de jouer dans la cour des grands concernant les volumes. Nous sommes sur un continent mature avec une industrie et une économie matures où la croissance ne se fait plus que dans la haute valeur ajoutée. Quand on trouve au supermarché une ramette de papier A4 venant du Brésil qui coûte moins cher que celle fabriquée à 300 m de chez vous, la messe est dite. Nous concernant, cette haute valeur ajoutée réside dans la recherche et le développement de papiers spéciaux et fonctionnels : papier fiduciaire protégé, étiquettes complexes, électronique imprimé…) et même sur un papier peint qui empêcherait la transmission du wifi !
Comment vos diplômés répondent-ils aux grandes transitions ?
Nous formons des ingénieurs citoyens, positifs et responsables. D’autant que nos métiers sont clairement dans l’air du temps. Par exemple, lorsque le Gouvernement décide de supprimer les sacs en plastique, le marché se rabat naturellement sur le sac en papier. Il n’est donc pas très difficile de convaincre les gens de travailler avec nous sur la transition de la matière fossile à la matière renouvelable. En revanche, la transition, elle, n’est pas simple. Elle nécessite d’inventer de nouveaux matériaux ou de nouveaux effets barrière de résistance à l’eau. Nous menons aussi des travaux pour utiliser des résidus agricoles dans la production, afin de mettre en œuvre une dynamique d’économie circulaire et ainsi transformer un déchet en matière première pour une autre industrie.
Votre principal apport à Grenoble INP ?
J’insiste d’abord sur le fait que sans Grenoble INP nous n’existerions pas ! Mais nous nourrissons aussi l’institution. D’abord, parce que Grenoble INP-Pagora est une école dont la taille et l’agilité lui ont toujours permis d’être avant-gardiste. Nous sommes par exemple une des premières écoles d’ingénieurs françaises à avoir été certifiées Qualité Sécurité Environnement. Nous avons de ce fait apporté tout notre soutien aux autres écoles de Grenoble INP pour franchir le pas. De même, nous avons créé notre propre CFA de branche dès 1994 et sommes aujourd’hui dans le Top 5 des écoles d’ingénieurs ayant le plus d’apprentis. Ce qui a, entre autres, permis une certaine féminisation de nos formations et de nos métiers.
LE grand projet 2021 pour Grenoble INP-Pagora ?
Je dirais même LE grand projet pour les trois ou quatre années à venir : l’international. Si nous avons déjà un master Bioraffinerie et biomatériaux, nous souhaitons créer un Master international en Electronique imprimée pour couvrir l’ensemble de notre maquette pédagogique. Si cela nous permettra d’augmenter les flux d’étudiants internationaux, cela nécessite en parallèle d’étoffer l’école en RH, de créer des mètres carrés supplémentaires et bien sûr, d’investir.
Un message à adresser aux étudiants qui voudraient vous rejoindre ?
Grenoble INP-Pagora est une école qui travaille pour le devenir de la Terre de demain : venez nous voir pour le constater par vous-même !
Et aux alumni ?
Soyez fiers de Grenoble INP-Pagora, une des plus anciennes écoles de Grenoble INP. Créée par les industriels papetiers afin de former leurs cadres dans ce bassin papetier de la région grenobloise, riche en houille blanche, c’est une école familiale où tout le monde se connait et où règne une grande solidarité.
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L’industrie durable s’écrit aussi à Grenoble INP-Pagora
Matériaux issus de la biomasse végétale, procédés associés (bioraffinerie, chimie verte, génie des procédés…), valorisation de déchets naturels ou industriels, fonctionnalisation de surface pour produire des matériaux intelligents et à haute valeur ajoutée, communication cross-média, électronique imprimée, management environnemental… : autant de compétences stratégiques auxquelles sont formés les ingénieurs Pagora. Agnès Boyer, Directrice des études de l’école nous explique comment l’établissement favorise leur prise de conscience sur ces sujets au cœur des enjeux de demain.
Grenoble INP-Pagora et développement durable, pourquoi ça matche ?
Nous travaillons depuis de nombreuses années à inclure les questions environnementales dans nos formations. Pour preuve, le premier cours sur la thématique Génie du développement durable a vu le jour en 2004 et est depuis obligatoire pour tous les élèves de Pagora afin de les sensibiliser le plus tôt possible à ces questions. Ce cours comporte notamment une introduction au bilan carbone, à l’analyse du cycle de vie, à l’écoconception, à la gestion et au traitement des eaux et déchets… Notre objectif : leur offrir une vision à 360° de ce à quoi les ingénieurs sont confrontés en entreprise, leur donner les outils pour pouvoir intégrer les questions d’environnement et de développement durable quand ils seront en poste. Au-delà de ce cours dédié, nous impulsons ces sujets dans tous nos enseignements en faisant prendre conscience à nos élèves de l’impact environnemental de chacune des techniques qu’ils apprennent, ainsi qu’à identifier leurs transfert d’impact sur le reste de la chaine de valeur.
En quoi cette démarche fait-elle écho aux attentes des jeunes générations ?
Plus qu’un écho, cette démarche est aujourd’hui un vrai facteur d’attractivité pour l’école. Une démarche que nous nourrissons également grâce à l’obtention de notre triple certificat Qualité, Sécurité et Environnement. Ils suivent notamment une ½ journée dédiée à la sécurité, une formation sur le management environnemental de l’école… nous sommes aussi à l’écoute de leurs demandes en la matière, comme récemment sur la question du tri des déchets à l’école.
Vous formez donc vos ingénieurs à être des citoyens en entreprise ?
C’est effectivement l’objet de toutes ces initiatives : appliquer en entreprise des notions apprises à l’école mais qui s’appuient sur une prise de conscience des enjeux environnementaux dans leur quotidien. En 3e année, nous leur proposons aussi de suivre des interventions réalisées par des formateurs de syndicats professionnels sur l’accompagnement des entreprises en la matière.
>>>> Pour aller plus loin : Envie de tout savoir sur l’entreprise responsable et l’environnement ? Découvrez notre enquête spéciale green « En vert et contre tout ? »
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#LaPepiteDePagora : la Chaire MINT
Grenoble INP-Pagora compte parmi les établissements porteurs de la chaire MINT (Innovating for Molded & Printed Electronics) qui consacre ses recherches à la plastronique. Nadège Reverdy-Bruas Titulaire de la Chaire et Maître de conférences à Grenoble INP-Pagora et au laboratoire LGP2 nous en dit plus.
La plastronique quèsaco ?
C’est une discipline scientifique qui allie les technologies de la plasturgie et de la fabrication de circuits électroniques, de leurs interconnexions et du report de composants électroniques sur des surfaces en trois dimensions. Son objectif : intégrer des fonctions électroniques sur des objets plastiques. Dans ce domaine on peut identifier trois grandes technologies dont les niveaux de maturité diffèrent : la structuration laser, le surmoulage avec un film fonctionnel et l’impression fonctionnelle directe, consistant à fonctionnaliser une pièce de forme 3D en imprimant directement sur un objet de forme quelconque.
Quel est la spécificité de la chaire ?
La chaire est pionnière dans l’impression fonctionnelle directe grâce à un robot 6 axes industriel. Il s’agit de la technologie la moins mature mais la plus en rupture avec les technologies existantes et surtout la plus adaptable et la moins coûteuse. La plus prometteuse aussi. En effet, avec l’explosion de l’IoT, le coût de fabrication des objets connectés, leur longévité et leur niveau d’intégration doivent être optimisés pour permettre le déploiement de millions de points de connexion. Ce qui demande de nouvelles fonctions de communication, d’interfaces et de capteurs devant s’intégrer avec les produits existants sans impacter ni leur fiabilité, ni leurs dimensions, ni leur coût. Autre intérêt : la confection de pièces uniques. Avec cette technologie, les moules (souvent très onéreux) deviennent inutiles : on peut s’adapter et imprimer sur n’importe quelle pièce. Une technique qui répond particulièrement bien aux enjeux des industriels, comme Schneider Electric, mécène de la chaire.
Un exemple de travaux particulièrement novateurs ?
A l’occasion de l’IEEE International Symposium en 2019 à Atlanta, nous avons présenté des travaux sur l’impression d’une antenne LoRaWAN visant à optimiser l’espace occupé par les fonctionnalités de la carte électronique dans un boitier micro-émetteur. L’objectif était de déporter l’antenne LoRa positionné sur la carte électronique en l’imprimant directement sur le boitier thermoplastique. En exploitant des zones du boitier jusqu’alors inatteignables, il est ainsi possible de récupérer de la place sur la carte électronique et d’améliorer les fonctions du GPS par exemple.
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Le prof au top
A Grenoble INP-Pagora, la recherche ne s’arrête pas aux portes de l’école ! Le parcours de Julien Bras, enseignant-chercheur de retour de deux ans de disponibilité dans le centre de recherche international de Nestlé en est la preuve.
Après des études de chimie, Julien Bras est embauché comme responsable innovation du papetier chez lequel il avait réalisé sa thèse industrielle sur la thématique du papier et des biopolymères. Deux ans plus tard, un poste d’enseignant-chercheur en biomatériaux se libère à Pagora. Il participe à la mise en place de la filière Fibre et Biomatériaux et se dirige vers la recherche, à la direction de l’équipe en charge du développement des matériaux biosourcés. Il y lance de nombreux projets de recherche, entre en parallèle à l’Institut Universitaire de France, accompagne la création de startups dans le domaine des biomatériaux et des papiers spéciaux et fonctionnels et reçoit, en 2017, le Prix IMT Espoir de l’Académie française des Sciences, valorisant sa recherche et ses actions en faveur de l’innovation.
Bienvenue dans l’industrie
Il y a deux ans, à l’occasion d’une mise en disponibilité, il rejoint le centre de recherche internationale de Nestlé à Lausanne pour mettre en place un institut dans le domaine de l’emballage. « Tout cela n’a été possible que grâce au soutien des dirigeants de mon école et de sa cellule Valorisation. Pendant deux ans, j’ai découvert des process de décision et un vocabulaire propres aux grandes multinationales, j’ai pu influencer la road map de ce centre de recherche et lancer des projets sur les thématiques des matériaux biosourcés dans l’emballage. Armé d’une meilleure compréhension des attentes réelles des entreprises, aujourd’hui, je peux transmettre tout ce que j’ai appris aux ingénieurs et docteurs de Pagora et proposer de nouveaux projets de recherche » indique-t-il. Ensemble, ils pourront ainsi œuvrer à répondre aux grands défis dans ce domaine : trouver des solutions qui soient plus en accord avec l’environnement, des solutions recyclables ou biodégradables gardant des propriétés performantes pour protéger les aliments et éviter le gâchis alimentaire. « Car le gâchis alimentaire a un impact beaucoup plus important que les emballages sur l’environnement ! » insiste-t-il.