L’IA a été définie dès 1956 par Pr. John McCarthy comme « la science qui produit des logiciels intelligents ». Cette définition montre que l’IA n’est pas un phénomène récent (1956), que c’est une science (mêlant mathématiques et informatique) et que cela concerne des logiciels donc des algorithmes (des IA). Qu’en est-il plus précisément dans l’entreprise, en matière de management ? Quid du recrutement par l’IA ?Est-il possible de manager une IA ? De manager avec l’IA ?
Quelle place de l’IA dans le management ?
L’IA est aujourd’hui utilisée dans la santé (détection de pathologies), dans la sécurité (analyse de comportement), dans l’industrie (maintenance prédictive de composants) mais aussi dans l’entreprise. L’ensemble de ces usages devraient booster la productivité de la France de 20 % d’ici à 2035 et peut-être engendrer une automatisation de 57 % des emplois dans les pays de l’OCDE. Admettre une place pour l’IA dans le management, revient à conférer à l’IA un pouvoir dans la mise en œuvre des moyens humains de l’entreprise. Ainsi l’IA pourrait contribuer au recrutement des équipes, à l’encadrement de ces dernières, à la prise de décision ou encore à la mise en œuvre de la stratégie de l’entreprise. Dans la pratique ce mouvement a déjà commencé mais alors faut-il (et comment) manager l’IA ?
L’IA dans le recrutement montre qu’il faut manager l’IA !
De nombreux outils de recrutement proposent aux entreprises d’utiliser l’IA pour accélérer et optimiser le processus de recrutement. Les usages correspondent aux scoring d’un profil de candidat sur la base de son CV, aux analyses de concordances entre un candidat et un poste à disposition ou à celles automatisées des entretiens de recrutement. Ces outils généralement utilisent le machine learning pour fonctionner et leur paramétrage requiert de piloter l’apprentissage de l’algorithme avec des retours positifs (ou négatifs) sur les choix opérés par l’algorithme : le candidat était pertinent (ou non) sur ce poste, l’entretien était effectivement positif (ou non), etc. La difficulté du feedback RH n’est pas à négliger car l’absence de retours implique une efficacité moindre de l’algorithme de recrutement (car moins de learning, et moins de data). C’est la démonstration que dans tous les cas une IA doit être pilotée par le manager : si on fournit des données biaisées, l’algorithme donnera des réponses biaisées. Par ailleurs, au début l’algorithme est plutôt « bête » car il n’a pas assez appris. L’enjeu de la qualité de la donnée, de sa pureté (absence de biais) et de sa disponibilité (il en faut beaucoup) sont des points majeurs pour toute IA. Manager une IA est non seulement indispensable, mais cela revient surtout à manager sa donnée.
Manager l’humain ou manager l’IA même combat, vraiment ?
Piloter un algorithme est simple : il suffit de lui fournir la donnée. Toutefois, il restera à manager sa propre posture d’humain face à la réponse fournie par la machine : aurez-vous une confiance aveugle en la machine (ou plus exactement en l’équipe qui a développé la machine) ? Serez-vous cet humain sceptique qui chercher à challenger la réponse systématiquement ? IBM a montré dans le domaine médical que l’alliance entre l’IA et l’humain est plus efficace encore que la machine seule (alors que la machine seule est plus efficace que l’humain seul)… A contrario, manager un humain est bien plus complexe car, outre les informations (les données) que nous lui partageons, il faut s’assurer de son engagement, de sa motivation, de son état émotionnel, de sa compréhension du problème, de sa capacité à le traiter, de sa disponibilité pour le traiter, etc.
L’IA à la rescousse du manager : vers un management augmenté ?
D’ailleurs, de plus en plus d’algorithmes d’IA s’intéressent à comprendre les expressions du visage, la posture, la verbalisation, les textes, le ton de la voix, le débit de parole, le vocabulaire employé, etc. pour détecter à travers la somme de ces signaux l’état émotionnel de la personne… peut-être est-ce le début du management augmenté à l’IA avec un coach IA à côté de chaque manager pour mieux piloter sa relation à son équipe ?
L’auteur est Alain Goudey, Directeur de la Transformation Digitale à NEOMA Business School