A quand l’accessibilité pour tous ? Droits à vie pour les personnes en situation de handicap, « conception universelle », éducation, Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), apprentissage… Sophie Cluzel, Secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées revient sur tous les grands sujets handicap 2019.
La France a-t-elle les moyens d’impulser une dynamique plus inclusive du handicap au niveau européen ?
En Europe, aucun secrétaire d’Etat au handicap n’est rattaché au Premier ministre… sauf en France ! Une preuve que notre pays peut être moteur pour faire différemment. Ma politique pour les personnes handicapées irrigue tous les champs de la vie quotidienne: l’emploi, l’école, le sport, la culture, la citoyenneté… Dans cette optique, nous avons constitué un Comité interministériel du handicap conférant à chacun de mes collègues du Gouvernement une feuille de route qui vise à faciliter la vie des personnes handicapées dans son domaine d’action. Chef d’orchestre des politiques de droit commun pour les personnes en situation de handicap, je compte reproduire les vertus de ce modèle au niveau européen. J’ai d’ailleurs rassemblé mes homologues européens le 14 mars dernier (c’était une première !) afin de bâtir le socle commun d’une politique du handicap européenne solide, à l’horizon 2020.
Au Danemark, 98 % des enfants handicapés sont scolarisés en milieu « ordinaire ». Pourquoi les autres y arrivent et pas nous ?
Notre histoire est autre. Ce sont d’abord les associations qui se sont chargées d’accueillir les enfants puis les adultes handicapés dans des établissements médico-sociaux. Nous pouvons, aujourd’hui, réintégrer cette éducation « à côté » dans l’école de la République et faire de l’école inclusive une priorité. Comment la faire advenir ? Il faut aider les enseignants, les former et mettre à leur disposition des outils pédagogiques spécifiques. Il faut aider les enfants dans leur école et en dehors du temps scolaire avec des accompagnements adaptés à leurs besoins. Il faut aider les accompagnants : pour mettre fin à la précarité de leur statut, les accompagnants (AESH) auront, dès la rentrée 2019, des CDD de trois ans, renouvelables une fois, qui seront ensuite transformés en CDI.
Et pour l’enseignement supérieur ?
C’est aussi un vrai sujet. Au-delà de l’accompagnement pédagogique (tiers temps, aide à la prise de notes…) ils ont de vrais besoins logistiques. C’est pour cela que nous avons signé une convention d’ambassadeurs en service civique avec Frédérique Vidal. Son but ? Accompagner les jeunes en situation de handicap pour faciliter leur projet de vie global. Nous souhaitons que tous les aménagements et les droits dont ils ont déjà bénéficié puissent suivre l’étudiant tout au long de son parcours universitaire.
Beaucoup d’entreprises arguent d’un manque de candidats handicapés qualifiés. Que leur répondez-vous ?
Recrutez des étudiants handicapés en apprentissage ! Aujourd’hui, il n’y a que 1 % de jeunes handicapés en apprentissage, alors qu’on sait que pour 70 % des apprentis, cette formation débouche sur un emploi durable. C’est LE levier pour augmenter leur niveau de formation. C’est pour cela que nous avons décidé la présence d’un référent handicap dans chaque CFA et entreprise de plus de 250 salariés. Les recruteurs peuvent aussi s’engager à recevoir tous les candidats faisant mention d’une RQTH dans leur CV. Cela prouverait aux jeunes en situation de handicap que les portes de l’entreprise ne leur sont pas fermées. Cela montrerait aussi aux entreprises comment s’enrichir de la différence des talents. A l’ère de la RSE, prouver concrètement son engagement pour la diversité est une vraie force commerciale.
Votre message à un jeune en situation de handicap pour qu’il ne censure pas ses ambitions ?
Quel que soit votre profil ou votre handicap, vous avez des capacités et une compétence à apporter par votre travail. Bien sûr vous rencontrerez des échecs, comme tout un chacun, mais vous avez la capacité de rebondir. Ne baisser jamais les bras, ne restez pas seul et acceptez de vous faire aider. C’est à nous tous de prendre en compte vos besoins pour minimiser la lassitude liée à l’accumulation de grains de sable qui viennent polluer votre quotidien.
L’Etat a besoin de vous ! J’ai besoin de remontées d’informations. Aidez-moi à inventer une plateforme collaborative pour rassembler les grains de sable rencontrés au fil de votre parcours et générer un mouvement de bonnes pratiques. Devenez les initiateurs d’un réseau social d’éclaireurs et d’explorateurs du handicap dans la cité.
Entreprise et handicap en 2025 : quels scenarios ?
L’ADAPT a réalisé en 2018 la première étude prospective Travail, handicap, entreprises 2025 qui établit 6 scénarios d’évolution possibles d’ici 2025. Des scenario qui partagent six grands défis : un accroissement de la formation professionnelle, les PME comme cible prioritaire pour l’emploi des personnes handicapées, l’augmentation de la part de jeunes handicapés dans le Supérieur, l’innovation au sein des ESA et EA, l’augmentation du nombre de RQTH et une meilleure prise en compte des handicaps intellectuels et psychiques en entreprise. A suivre.