Novembre 2018, les plus grands acteurs de l’industrie s’exposent au Grand Palais à l’Usine Extraordinaire. Leur ambition ? Prouver que le secteur a su se renouveler, malgré l’image que les jeunes dip’ peuvent en avoir. Entre 2015 et 2020, les industries françaises investiront près de 140 milliards d’euros pour se renouveler. Un processus déjà en marche puisque l’industrie compte aujourd’hui un ratio de 127 robots pour 10 000 salariés. Zoom sur un secteur en pleine révolution.
Selon le baromètre EY sur l’Industrie du Futur, les industriels prévoient de multiplier par deux leur gain de productivité d’ici 2020. Une refonte complète de nos usines déjà vectrice de profits depuis 2018. « Depuis 20 ans, l’industrie connaissait un vrai déclin, avec la perte de plus d’un million d’emplois. La part de ce secteur dans le PIB français avait chuté de 20 à 12,5 %. Mais aujourd’hui, l’industrie redémarre ! On compte 10 000 emplois nets créés en 2018 et une prévision d’investissements de 10 % pour l’année 2019 », confirme Jean-Marie Danjou, DG de l’Alliance Industrie du Futur.
La révolution des process
Cette 4e révolution industrielle signe l’arrivée des nouvelles technologies dans les usines. Intelligence artificielle, data, robots, objets connectés, réalité augmentée… Les outils de demain sont nombreux. À MINES ParisTech, Fabien Moutarde travaille sur la robotique, technologie d’avenir pour les entreprises, sur laquelle planchent de nombreux laboratoires de recherche. « Cette révolution est très importante. Les technologies comme l’IA ou le machine learning permettent d’optimiser les process et offrent des gains de temps et financiers importants. Nous travaillons par exemple sur la capacité des machines à prédire la qualité finale d’une pièce onéreuse en fonction des informations mesurées tout au long de sa fabrication. » De nouveaux outils qui permettent ainsi aux usines d’adapter leurs process et de gagner en efficacité.
Les robots prennent le pouvoir
Si les robots connaissent aujourd’hui un vrai boom dans l’industrie, c’est aussi parce qu’ils peuvent remplacer les hommes face à des tâches répétitives et parfois dangereuses. « Sur les lignes de montage de voiture, les automates sont capables de tourner les voitures pour effectuer des opérations de soudure très complexes », explique Fabien Moutarde. Mais une nouvelle ère arrive, celle des robots intelligents ! Les lignes de production voient apparaître de nouvelles machines capables de collaborer avec les opérateurs humains, pour les soulager de certaines tâches ergonomiquement délicates et à l’origine de nombreux troubles musculo-squelettiques (TMS).
Au service des hommes
Non seulement ces nouvelles machines sont capables d’effectuer des opérations complexes, mais leurs capteurs, leurs algorithmes et leurs caméras leur permettent aussi d’imiter l’humain et d’apprendre de ses erreurs. « La nouvelle tendance en robotique consiste à façonner des robots dont la programmation se fait par démonstration. C’est-à-dire qu’elles copient ce qu’elles voient et imitent les hommes. Les recherches les plus en pointe visent même à permettre au robot d’apprendre automatiquement son comportement par « renforcement » (Reinforcement Learning). Cette méthode a été utilisée par exemple pour concevoir le programme AlphaGo-zero, qui a appris tout seul à jouer au jeu de go (sans exemple humain)», complète l’enseignant-chercheur de MINES ParisTech.
Autre apport des robots dans l’industrie : la logistique ! Un point noir de beaucoup d’industries et dans laquelle la France est à la pointe de l’innovation. « Désormais, les usines sont peuplées d’AGV [Automated Guided Vehicle, NDLR]. Des grands acteurs du web comme Cdiscount ont déjà adopté ces machines qui sillonnent les entrepôts pour récupérer et distribuer les pièces. Mais ces automates sont amenés à devenir beaucoup plus intelligents. Alors qu’aujourd’hui, ils ne font que suivre une ligne tracée au sol, dans 5 ans ils seront capables d’éviter les obstacles et de transporter des palettes et d’interagir avec les humains », observe Fabien Moutarde.
À l’assaut des jeunes dip’
Au cœur de tous les défis technologiques de demain, l’Industrie du Futur est donc devenue THE Place to Be pour les étudiants de demain. Comme l’explique Stéphane Martinez, Directeur du site de Tours de STMicroelectronics : « rejoindre notre secteur d’activité, c’est participer à l’intégration, dans nos process, de nombreuses technologies comme l’intelligence artificielle. » Alors, cette révolution industrielle est-elle en passe de donner un nouveau souffle à l’industrie et de changer les regards des jeunes diplômés sur ce secteur d’activité ? C’est ce qu’espère Jean-Marie Danjou. « Le problème de compétitivité au sein de l’industrie française est la difficulté à recruter des talents. De nombreux messages négatifs ont été véhiculés sur l’industrie qui n’est pas vue comme moderne. Mais c’est un secteur en prise avec la réalité technologique. » Mais le DG de l’Alliance Industrie du Futur est confiant en l’avenir. « D’importants efforts sont fournis par les industriels pour valoriser l’image de l’industrie auprès des jeunes. En outre, 2019 a été décrétée « Année de l’industrie » par le Gouvernement. En novembre 2018, l’Usine Extraordinaire a d’ailleurs démontré la puissance de l’industrie. Avec 45 000 visiteurs, dont 15 000 lycéens et collégiens, cet événement est la preuve que le secteur devient de plus en plus attractif. Ces jeunes viennent également à notre rencontre lors des portes ouvertes de nos entreprises : en 2019 nous prévoyons de recevoir près d’un million de personnes, soit trois fois plus qu’en 2018. »
Le défi des PME
Mais cette transformation de l’industrie creuse-t-elle le fossé entre grands groupes et petites entreprises ? Législation, coût des innovations, formation des collaborateurs… Il reste encore de nombreux freins à lever. Si les grandes industries bénéficient des moyens nécessaires à la transition numérique, quid des petites structures et ETI ? Pour Jean-Marie Danjou, cette problématique est clé ! À l’heure où 99 % des entreprises comptent moins de 500 salariés, il est important de pouvoir accompagner au mieux ces acteurs qui constituent le tissu de l’économie française mais qui n’ont pas toujours les moyens de se transformer. « Il y a un vrai retard dans la transformation des PME. Ce sujet est pris très au sérieux. En partenariat avec les pouvoirs publics l’Alliance Industrie du Futur, travaille ainsi sur un plan d’accompagnement de 10 000 PME sur les 30 000 que compte le paysage français. »
Autre initiative lancée par l’Alliance Industrie du Futur : la labellisation « Vitrines Industrie du Futur », qui met en avant les usines qui se sont modernisées. Cette initiative démontre au tissu des PME toutes les possibilités qu’offre la révolution industrielle, les motivant ainsi à suivre le mouvement de l’Industrie du Futur.
Mais malgré de nombreux efforts, Jean-Marie Danjou est conscient que la France peine encore sur certains points. « En matière d’IA, par exemple, si les grandes entreprises sont déjà à l’œuvre, il reste beaucoup de pédagogie à faire ! » Les jeunes dip’ seront ainsi la clé pour permettre aux petites entreprises de se démarquer en France, comme en Europe, et leur donner la possibilité de se propulser dans le 21e siècle.