Créativité, performance, innovation, compétitivité… et handicap ? Si cette association était loin d’être naturelle il y a encore quelques années, de plus en plus d’acteurs du monde économique et du monde académique la font désormais vivre au quotidien. Coup de projecteur sur leurs initiatives les plus novatrices.
Le handicap promoteur d’innovations pédagogiques
Halte à la simple compensation, l’heure est à l’inclusion ! C’est le message que souhaite passer aujourd’hui plus que jamais Sciences Po Paris. Animée par une dynamique d’ouverture aux diversités, l’école souhaite en effet développer des méthodes pédagogiques convenant à tous ses étudiants, qu’ils soient ou non en situation de handicap. Première preuve de son engagement, elle compte 249 étudiants souffrant d’une forme de handicap, soit 8 fois plus qu’il y a 10 ans. Pour répondre à leurs situations (handicaps visibles ou invisibles), l’école souhaite ainsi passer d’une stratégie de compensation du handicap (tiers-temps, adaptation des locaux, accompagnement humain…) à l’innovation pédagogique afin d’améliorer la transmission et l’évaluation des savoirs). Pour ce faire, elle a notamment noué un partenariat avec l’université canadienne McGill basé sur un atelier de métacognition. Un cours ouvert aux élèves de 1e année pour les aider à mieux comprendre le fonctionnement de leur cerveau.
Avis aux entrepreneurs ! Handicap et création d’entreprise : c’est possible ! Pour ouvrir les personnes en situation de handicap à l’entrepreneuriat, l’Union Européenne (via Erasmus +) et huit acteurs européens dont l’UPTIH et Paris School of Business mettent en œuvre le projet Success4all, entrepreneuriat et handicap. Une plateforme numérique d’apprentissage accessible à tous qui propose formation, coaching virtuel, interviews de rôles modèles…
Gagnez des points pour et avec le handicap
Certaines écoles font même le choix de mettre le handicap au cœur des cours et des projets suivis par leurs étudiants. Grenoble INP s’illustre d’ailleurs comme un acteur à la pointe de ces innovations pédagogiques. L’école a notamment mis en place la Grenoble Handi Mention, un programme de sensibilisation des futurs acteurs du monde du travail à l’intégration du handicap rapportant 1.5 crédits ECTS et une UE transversale interuniversitaire dédiée à l’accompagnement des étudiants en situation de handicap (3 crédits ECTS au titre de l’engagement étudiant). Via un partenariat avec l’association AE2M et le Conservatoire de musique de Grenoble, les étudiants de Grenoble INP peuvent même participer à la conception et à la fabrication de prototypes facilitant la pratique musicale instrumentale des enfants atteints de lourds handicaps moteurs (3 à 6 crédits ECTS).
Le handicap au cœur de projets étudiants révolutionnaires
Autre initiative innovante dédiée aux étudiants des grandes écoles : le Défi H. Depuis 7 ans, il leur propose de contribuer concrètement à l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap. Et les concurrents de l’édition 2018 rivalisent d’imagination ! Le concours verra en effet s’affronter cette année : un bras robotisé fixé sur fauteuil et doté d’un système de visée intelligent pour ramasser les objets, une application de guidage utilisant l’intelligence artificielle au service des déficients visuels, une plateforme de rééducation utilisant des casques de réalité mixte, un projet de synthèse vocale s’appuyant sur l’IA et l’analyse myoélectrique des muscles des bras, le « Waze des personnes en situation de handicap », une plateforme mêlant réalité virtuelle et IA pour aider les personnes souffrant d’un handicap psychique à passer un entretien d’embauche et une plateforme de rééducation adaptée au quotidien des personnes handicapées. Que le meilleur gagne !
Quand le handicap fait bouger la politique RH
Du côté des entreprises, cette dynamique innovante se pense plutôt sur le long terme. En effet, malgré une obligation pour les entreprises de plus de 20 salariés à compter au moins 6 % de salariés en situation de handicap, la moyenne continue de stagner autour des 3.5 %. Face à cette situation, Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat en charge des personnes handicapées, ne souhaite pas pour autant remettre en cause les quotas. Elle envisage en revanche leur modulation en fonction des branches ou des filières. Pour faciliter le changement de regard des employeurs sur le handicap, elle a également pour objectif de simplifier la déclaration d’emploi de travailleurs handicapés. Un dispositif notamment très attendu par les PME qui ne disposent généralement pas de mission handicap.
Le saviez-vous ?
La loi instaurant l’obligation d’emploi de 6 % de travailleurs handicapés pour les entreprises de plus de 20 salariés a 30 ans
870 000 personnes handicapées travaillent en entreprise
Le taux de chômage des personnes en situation de handicap atteint 18 % (2 fois plus que la moyenne nationale)
Seuls 2 % des jeunes handicapés sont en apprentissage (contre 7 % pour la moyenne nationale)
Dis-moi qui tu es, je te dirais comment tu inclus le handicap !
Une politique handicap volontariste répond clairement à des enjeux de motivation et de fidélisation des salariés avec pour finalité l’optimisation de leur efficacité. Les adaptations liées aux handicaps ont donc vocation à profiter à tous et à nourrir une dynamique d’innovation protéiforme dans l’entreprise (qualité de vie au travail, ergonomie, économie, social…). Mais comment engager cette politique volontariste dans une entreprise et surtout, qui doit en être la figure de proue ? Une étude de la Dares publiée fin 2016 dresse une typologie des attitudes des employeurs face au handicap et à l’obligation d’emploi de 6 %. Elle distingue ainsi : les payeurs, les fatalistes (qui ne revendiquent aucune stratégie et gèrent les situations de façon mécanique), les opportunistes (inscrits dans la rationalité économique et qui construisent leur politique handicap à l’aune de l’obligation des 6 %) et les volontaristes (qui visent le long terme avec une stratégie proactive, intègrent le handicap dans leur politique de gestion des RH et ajustent leurs pratiques).
L’étude se réfère également à l’orientation impulsée et incarnée par le top management de l’entreprise en matière de handicap. Elle définit d’ailleurs quatre postures-types de DRH ou de dirigeant face au handicap. Le militant très ouvert sur le sujet et positionné RSE, l’humaniste plutôt tourné vers le maintien dans l’emploi et la mise en œuvre d’une politique sociale solidaire, le gestionnaire qui applique la loi pour ne pas payer et le réfractaire qui considère que son activité n’est pas compatible avec le handicap. Et vous, de quelle catégorie faites-vous partie ?
Les 12 bonnes raisons de mettre en place une politique handicap volontariste ?
Ouvrir l’entreprise à la diversité
Réfléchir à l’accueil et à l’intégration des nouveaux collaborateurs
Expérimenter de nouveaux modes de recrutement
Faciliter les reconversions professionnelles internes
Réfléchir à l’organisation du travail
Développer la QVT
Renforcer l’engagement sociétal de l’entreprise
Ouvrir l’entreprise à de nouveaux acteurs (Esat, associations spécialisées…)
Aller vers un management plus individualisé
Améliorer la cohésion des équipes
Améliorer l’image de marque employeur
Voir l’accessibilité comme un progrès pour tous, collaborateurs, partenaires et clients
Source Agefiph, Handicap & Innovation RH