Spécialiste de l’innovation et du leadership, Navi Radjou est auteur de deux bestsellers internationaux : L’innovation Jugaad et Donner du sens à l’intelligence. C’est lui qui a théorisé la notion d’innovation frugale dans Le Guide de l’innovation frugale.
Mais l’innovation frugale, quésaco ? « Dans un environnement de contraintes économiques caractérisé par la récession et la pandémie, innover frugalement c’est apprendre à innover avec peu de moyens, en utilisant les ressources de manière plus judicieuse, introduit Navi Radjou. L’innovation frugale doit aussi être abordable et au service du consommateur. Il faut enfin repenser le système économique pour que la façon dont nous produisons et consommons soit plus économe en terme de ressources et ne soit pas destructrice de valeurs sociales et écologiques.
Eviter les dérives
Pour Navi Radjou, le plus important est de donner un sens à l’innovation, afin d’éviter les dérives. « L’innovation nous a permis d’améliorer notre confort de vie, de libérer les femmes… mais aujourd’hui, certaines innovations sont superflues, explique-t-il. Il faut maintenant mettre en place une innovation systémique. »
C’est lors d’un retour en Inde, son pays d’origine, que Navi Radjou a eu l’idée de l’innovation frugale. « Je suis arrivé aux Etats-Unis il y a 20 ans. J’étais spécialiste de l’innovation technologique et je m’intéressais à l’efficience, raconte-t-il. Quand je suis retourné en Inde il y a 15 ans, j’ai étudié la façon dont la population innove : lorsqu’il y a un problème de santé ou un problème agricole, ils apportent une solution concrète avec un impact positif. La rue est le laboratoire et les innovateurs sont des exécuteurs sur le terrain. »
« Les écoles doivent former une nouvelle génération qui pense différemment ! »
Pour Navi Radjou, les écoles doivent former les futurs managers « à avoir l’esprit entrepreneurial, un cœur social et une âme écologique. Jusque-là, elles préparaient les élites à bâtir une certaine économie. Maintenant, il faut qu’elles apprennent à la nouvelle génération à penser, agir et collaborer différemment. »
Bonne nouvelle, c’est déjà le cas dans quasiment toutes les grandes écoles de management et d’ingénieurs ! Les étudiants de Polytechnique ont par exemple écrit un Manifeste autour du climat et l’école enseigne l’innovation frugale. De son côté, l’ESSEC met l’accent sur l’entrepreneuriat social et HEC a créé une chaire autour de l’économie solidaire.
« Je suis optimiste ! »
Ce n’est donc pas pour rien si les jeunes sont les plus sensibilisés à l’économie frugale. « 2008 est LE marqueur pour la génération des Millennials. Ils ont vécu la crise et ont dû s’adapter. Dix ans plus tard, nous sommes confrontés à une nouvelle crise qui va renforcer l’état d’esprit frugal, confirme l’auteur du Guide de l’innovation frugale. La génération Z a alors un rôle fondamental à jouer pour généraliser cet état d’esprit dans la société. « Le salut va passer par ces « frugo-natifs », qui savent comment faire mieux avec moins. Ils vont entrer dans les grandes entreprises, les challenger, et devenir acteur des transformations : une aubaine incroyable ! »
Car pour l’auteur, le temps est compté. « Il ne nous reste plus que 5 à 10 ans pour avoir un impact positif sur l‘environnement avant que les dégâts ne soient irréversibles, avertit-il. Mais je suis très optimiste ! Frugalité va de pair avec agilité et je vois venir en France des solutions frugales sur le plan des territoires, des villes, avec par exemple « La ville du ¼ d’heure à Paris », l’augmentation du nombre de maires écologistes aux dernières municipales… Des initiatives de terrain et de territoires, portées par les valeurs de frugalité » conclut Navi Radjou.