Interview de Cédric O
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« La tech française a besoin de vous » – L’interview de Cédric O

A l’écoute des jeunes générations, le secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques s’engage pour l’avenir technologique du pays et la formation des futurs talents de la French Tech. Interview de Cédric O.

Interview de Cédric O, secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques

Le numérique « made in France » : votre définition ?

Le numérique « made in France » c’est d’abord une ambition d’excellence et d’innovation. C’est avec l’objectif de remettre l’écosystème français dans la course internationale que nous n’avons cessé, durant ces cinq dernières années, d’être aux côtés des startups françaises pour favoriser leur développement, avec des mesures telles que la flat tax, la réforme des BSPCE (bons de souscription de parts de créateur d’entreprise), celle du marché du travail ou encore, l’initiative Tibi. La French Tech a su tirer parti de ces mesures et connaît aujourd’hui un véritable essor, qui est l’un des symboles de ce numérique « made in France ».

Vous avez récemment déclaré que « la French Tech est la relève de l’économie française. » Dites-nous en plus.

La French Tech peut se prévaloir aujourd’hui d’un véritable succès économique. En quelques chiffres : ce sont plus de 20 000 startups qui représentent plus d’un million d’emplois directs et indirects ou encore, des innovations utilisées au moins une fois par mois par 62 % des Français. Ce succès s’inscrit dans un contexte particulier : la France va connaître dans les prochaines années le même phénomène que les Etats-Unis. A savoir, voir de très grandes entreprises être remplacées par de nouvelles entreprises nées il y a moins de 25 ans. La croissance de la French Tech est ainsi extrêmement positive dans ce contexte de révolution économique. C’est pourquoi nous devons donner tous les moyens à nos entreprises pour mener cette course, en évoluant dans un écosystème qui incite à la prise de risque et favorise l’innovation.

Puisque la prospérité d’une nation est directement corrélée à la qualité de sa formation, les jeunes diplômés ont-ils toutes les cartes en main pour couronner la France référence technologique européenne et mondiale ?

Les talents constituent le plus grand défi de nos politiques en matière d’innovation. Nous avons porté une attention particulière aux métiers d’avenir dans le secteur du numérique ces dernières années, et notre ambition est encore renforcée en la matière dans le cadre du plan France 2030, en particulier dans le secteur de l’intelligence artificielle. Nous comptons aujourd’hui en France quatre instituts interdisciplinaires de l’IA, portant le nombre des réseaux interdisciplinaires d’excellence à sept avec l’institut Data IA (Université Paris-Saclay), SCAI (Sorbonne Université) ou Hi! Paris (Institut Polytechnique de Paris). S’ajoute à cela la création de 190 chaires et de 500 doctorats supplémentaires. Dans le cadre de notre stratégie nationale pour l’IA et du plan France 2030, nous investissons, par ailleurs, 700 millions d’euros pour les talents de l’IA.

Quels sont les deux objectifs majeurs au cœur de cette politique ?

L’essor de quelques pôles d’enseignement d’excellence et de référence mondiale qui rivaliseront avec les marques les plus connues de la planète (MIT, EPFL…), ainsi que la massification de l’information à l’IA à tous les niveaux de qualification (LMD) afin de répondre aux besoins en compétences des startups ou des entreprises en transformation. Nous avons en outre lancé des initiatives ciblant des publics plus larges, y compris des personnes éloignées de l’emploi. Depuis plus de cinq ans, la Grande Ecole du Numérique identifie et fédère ainsi, au travers d’un label d’excellence, des formations aux métiers du numérique ouvertes à toutes et tous, sans distinction académique, économique ou sociale. La GEN a permis de former 32 823 personnes depuis 2016, dont environ 26 % de femmes, 58 % de personnes de niveau Bac ou infra-bac et 20 % de résidents de quartiers prioritaires de la ville. Avec la ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion Elisabeth Borne, nous avons annoncé en 2021 l’engagement de l’Etat de financer 10 000 formations supplémentaires d’ici fin 2022. Les investissements s’élèvent à 90 millions d’euros.

Une des grandes préoccupations de la jeune génération : l’urgence climatique. La vôtre aussi ?

Je comprends bien entendu ces préoccupations et cet enjeu est également au cœur de nos actions. Aujourd’hui, le principal impact du numérique se situe dans le rythme de renouvellement de nos appareils électroniques. C’est pourquoi nous avons mis en œuvre plusieurs séries de mesures afin de limiter l’impact environnemental de notre consommation – notamment dans le cadre de la loi AGEC qui permet par exemple d’afficher l’indice de réparabilité lorsque vous achetez un téléphone portable. Nous travaillons par ailleurs à la sensibilisation du public sur la question du rythme de renouvellement des appareils électroniques. Il est par ailleurs essentiel que le numérique soit l’un des rouages dans la lutte contre le réchauffement climatique. Se développe ainsi en France un écosystème de greentech important qui compte déjà plusieurs champions. Ils ont un rôle essentiel à jouer. Le secteur numérique peut en effet être bénéfique dans cette lutte lorsque ses outils sont correctement utilisés. Je pense notamment à la visioconférence qui nous permet aujourd’hui de limiter nos déplacements ou aux usines et fermes connectées, qui permettent des économies d’énergie et une utilisation optimisée de produits phytosanitaires.

La proportion des femmes dans les formations du numérique repart à la hausse. Quels efforts restent encore nécessaires pour continuer cette progression d’après vous ?

Encourager la présence accrue de femmes dans les métiers du numérique est la clé de la pérennité de notre écosystème. Les progrès sont là, mais nous avons encore du chemin à faire et nous devons continuer d’inciter à rendre les formations du numérique ouvertes à toutes et à tous. Pour atteindre cet objectif, nous avons notamment besoin de rôles modèles. En France, des femmes brillantes transforment la French Tech au quotidien et la portent à son plus haut niveau, à l’instar de Rachel Delacour, Céline Lazorthes, Quitterie Mathelin-Moreaux ou Emmanuelle Fauchier-Magnan. Par ailleurs, il y a de plus en plus de femmes ingénieures qui rejoignent les rangs des startups françaises. Le Gouvernement a lancé des dispositifs qui fonctionnent très bien pour accompagner leurs projets. Je pense notamment au French Tech Tremplin, piloté par la Mission French Tech, dont 40 % des lauréats sont des femmes. Je constate par ailleurs une augmentation dans le nombre de cofondatrices au sein de la promotion 2022 du French Tech Next 40/120, avec 14 femmes cofondatrices CEO contre 10 pour la promotion 2021. C’est un bon signal mais nous devons aller beaucoup plus loin et participer à un changement des mentalités qui doit se faire de concert avec l’ensemble des acteurs de la société. C’est pour cette raison que j’ai notamment souhaité soutenir la Charte Sista, qui engage les fonds d’investissements à financer 25 % de projets portés par des femmes tous les ans d’ici 2025. Mais le défi reste de taille et implique de mobiliser tous les leviers possibles pour progresser.

Quel message aimeriez-vous adresser aux étudiants et étudiantes pour conclure ?

Trois mots : Foncez, foncez, foncez ! La tech française a besoin de vous. Notre capacité à former des talents et à leur permettre de s’épanouir dans l’écosystème français constitue notre priorité.