Les objets connectés ont été, et sont certainement encore pour nombre d’entre nous, perçus comme un gadget sans véritable valeur ajoutée. Dans un certain sens, il est difficile de lutter contre cette image au regard de la valeur créée, trop souvent faible ! Soyons honnête ! Avez-vous déjà vu la queue pour acheter la dernière montre connectée, la dernière version de la poire de douche intelligente ou encore le dernier drone Parrot ? La réponse, à l’évidence, est non ! Par Matthieu Deboeuf-Rouchon, Enseignant à l’IIM – Institut de l’Internet et du Multimédia – Groupe Léonard de Vinci
La chute est rude pour les principaux acteurs du marché. adidas a pris, en cette fin d’année 2017, la décision de ne pas maintenir sa division en charge du développement des objets connectés, Nike l’avait précédé (en 2014), préférant collaborer avec Apple. Ce marché reste dominé par les acteurs historiques du domaine mais doit faire face à une érosion certaine, les ventes ayant baissées de 50% fin 2016 par rapport à l’année précédente. Que l’on parle de montres, de chaussettes, de réveils, de thermomètres, de serrures, le tout évidement connectés, la création de valeur et la communication de ces objets entre eux sera le salut de l’Internet of Things sans quoi l’image de gadgétisation fera sombrer l’IoT dans les méandres de l’oubli. Qui se souvient encore du Nabaztag, de la lampe DAL… hormis les puristes ou nostalgiques d’un internet de Geek ?
Il est donc urgent d’initier la transformation fondamentale de l’acronyme IoT « d’Internet of Thinks » à « Interabiliy of Things ». Inter-opérabilité est la condition sine qua non à la pénétration massive des objets connectés dans notre quotidien. Il est urgent de « déssiloter » l’IoT ! L’Apple Watch parle à Apple, les montres Garmin à Garmin, le Remi à son application, Alexa à Amazon, Google Assistant à Google, Pixit à Carrefour… Quelques agents d’interopérabilité comme IFTTT essayent de faire communiquer ces objets entre eux. Tentative honorable, technologiquement parfaite, mais qui manque de pénétration sur le marché.
L’impact de l’IoT sur internet est donc, visiblement, faible. Il se dessine pourtant une transformation plus profonde des usages avec l’arrivée des agents conversationnels. Ces agents initient de nouvelles interactions entre l’Homme et les différentes plateformes. Google Home, Alexa, Siri… sont en passe de créer des usages, plus complexes, où l’objet connecté est presque invisible dans son utilisation.
Si ces usages se développent, trois impacts majeurs pourraient être identifiés.
En premier lieu un impact d’ordre économique.
Avec une désintermédiation du parcours d’achat par exemple, quel rôle joueront les distributeurs quand le consommateur, au travers de son agent conversationnel, passera une commande avec sa voix pour être livré dans les quelques heures qui suivent. Alors que 16% des requêtes aux Etats-Unis étaient vocales à fin 2016, nous avons passé le cap des 20% à fin 2017. Mettez en perspective cela avec une réservation pour un restaurant, vos courses… A l’évidence, la notion d’acteur «arbitre » du marché apparait dès lors qu’une GAFA peut, en fonction de son humeur ou de ses relations commerciales, orienter le flux de commandes chez un partenaire plutôt qu’un autre. Dernièrement et sur une toute autre problématique, nous avons vu l’effet dévastateur d’une simple mise à jour d’OS sur la licorne Critéo, avec un titre qui a plongé de 20% sur une seule journée.
En deuxième lieu l’impact structurel du réseau.
Les flux de données sont de plus en plus volumineux, véloces, variés. Qui supporte les coûts d’infrastructures ? C’est en partie cela qui à déclenché le dernier volet d’actualités aux USA quant à la remise en cause de la neutralité de l’internet. Nous ne sommes, pour le moment, pas impactés en Europe mais pour combien de temps, quand nous estimons que 20% des acteurs de la tech génèrent 80% du trafic dans l’hexagone ?
Enfin, le dernier impact majeur pourrait être d’ordre éthique.
La gouvernance des données et plus particulièrement leur anonymisation est un enjeu majeur de l’IoT. Au-delà de nos choix musicaux, de payer avec son mobile ou son empreinte, d’éteindre la lumière de son salon par la voix, tous ces objets qui pénètrent notre quotidien sans même que nous nous en rendions compte, passent notre vie au peigne fin. Rythme cardiaque, fréquence sportive, récupération, stress, sommeil, poids, alimentation… tout peut être analysé, corroboré, prédit dans une certaine mesure.
Dans cet internet de plus en plus « diffus » et invisible, c’est prêt de 20 milliards d’objets connectés, selon Gartner, qui composeront notre quotidien d’ici à 2020. Malgré une pénétration difficile sur le marché, l’IoT est un secteur technologique important dont les impacts mettent en avant la nécessité de créer un nouveau paradigme relationnel entre les Hommes et la technologie.