©Loic Bisoli

« J’ai la chance de pouvoir travailler et vivre en adéquation avec mes convictions »

Willy Berton est le premier Chef végane à obtenir le titre de maître-restaurateur. Il n’utilise aucun produit animal dans sa cuisine et porte surtout haut ses valeurs de respect et de bienveillance au sein de son restaurant niçois le Vegan Gorilla. Réussir est une affaire de cohérence et de conviction autant que d’excellence et de travail pour le restaurateur.

 

« Il n’y a qu’une règle pour réussir dans la restauration : beaucoup travailler ». Willy ne manque pas d’énergie et d’enthousiasme. Il vit sa cuisine et son restaurant. Il a décroché son titre de maître-restaurateur* en juin 2017 en travaillant certes, mais aussi par conviction. « Tout est fait maison. Nous travaillons les produits bruts, cela demande logiquement plus de travail que d’utiliser des produits semi-finis. » Le Chef du Vegan Gorilla s’efforce de travailler 5 produits locaux minimum chaque jour. Il propose une cuisine bio, sans gluten et sans aucun produit animal.

Un métier qui ne s’improvise pas

Autre clé de la réussite pour le restaurateur « être issu de la restauration, avoir mené un vrai cursus dans l’hôtellerie, et être formé », une allusion à peine voilée aux nombreux établissements désormais ouverts par des amateurs. « Ils font du tort au métier. Cela ne s’improvise pas d’être Chef et de gérer un restaurant. L’expérience autant que la formation sont nécessaires. Comme tous les métiers, pour être bien exercé, il demande des compétences spécifiques. »

Projet de couple

Willy a monté son restaurant avec sa femme Camille. C’est elle qui a sauté la première le pas du véganisme et a convaincu l’ancien Chef du Stars’N’Bar, temple du burger de Monaco, de changer de vie. « Si on m’avait dit il y a 5 ans que je serais végane et que j’aurais mon restaurant Végane, j’aurais éclaté de rire !
« Si j’en suis là aujourd’hui, c’est en grande partie grâce à Camille. Avoir notre affaire était un projet de vie. La transition vers le végane a été difficile au début pour moi, la viande était ma matière première de cuisinier traditionnel. Aujourd’hui, elle m’écœure et surtout j’aime ce que je mange ! » Car pour Willy, le véganisme n’est pas un régime, c’est une forme de cuisine, qui comme toute cuisine a son pan gastronomique. « Je travaille avec exigence des produits bruts, sains, locaux, de qualité. »

Projet de vie

Le couple a acheté le Vegan Gorilla en 2016. « En octobre 2015, pour mon anniversaire, nous sommes venus dîner au Vegan Gorilla et avons sympathisé avec le patron. Il n’était pas du métier et connaissait quelques difficultés. En janvier, il nous a demandé si nous voulions reprendre le restaurant. C’était notre projet depuis plusieurs années d’avoir notre affaire et le Vegan Gorilla correspondait à la transition de notre mode de vie ». Travailler ensemble permet au couple de plus se voir. A Monaco, Willy avait une brigade de 24 cuisiniers et voyait très peu sa famille. « Nous avons une nouvelle vie familiale, notre dernière fille grandit dans le restaurant. Nos deux vies sont devenues indissociables. Le Vegan Gorilla est plus qu’une réussite professionnelle, c’est un projet de vie en accord avec mes convictions. »

« J’ai tous les jours le jury de Top Chef à ma table ! »

Son expérience de 20 ans comme Chef est un grand atout pour mener le Vegan Gorilla au succès. « Je sais que le métier est dur et très prenant, d’autant plus lorsque tout est fait maison, car je l’ai pratiqué. » Le titre de maître-restaurateur s’avère un accélérateur pour le couple qui nourrit le projet d’ouvrir d’autres Vegan Gorilla en France, de créer une licence de marque. « Ce titre nous facilite la vie, nous donne beaucoup de visibilité et de crédibilité, par exemple pour solliciter un prêt. A l’inverse, lorsque vous devenez une référence, les gens – y compris les collègues – sont très intransigeants, ils ne vous passent rien. C’est parfois même violent. Les gens vous testent. J’ai tous les jours le jury de Top Chef à ma table ! »
Le titre a suscité beaucoup de curiosité. « Nous avons été submergés par les demandes des médias et le restaurant n’a pas désempli de l’été. » Si Willy est fatigué, il n’en est pas moins fier de cette reconnaissance. Il fait de cette pression une motivation supplémentaire pour rechercher l’excellence dans sa cuisine. Tout doit être carré, organisé, parfait, « je suis strict et exigeant avec moi-même ».

Sur la voie de la réussite

A court terme, le couple va mettre son établissement aux normes handicapés, prépare l’ouverture d’un café sous la mezzanine, et « surtout nous allons installer le concept, montrer qu’il est solide et rentable, le valoriser pour le déployer. Nous ne sommes pas arrivés, nous sommes sur la voie de la réussite ! » Cela dit, pas question de se laisser doubler. Car le véganisme a le vent en poupe, « si nous ne le faisons pas d’autres le feront. »

Le véganisme : un mode de vie et des convictions

Le véganisme a entraîné Willy dans un changement d’alimentation, de style de cuisine, et surtout « de mode de vie. J’ai la chance de pouvoir travailler et vivre en adéquation avec mes convictions. » Le succès du Vegan Gorilla est un défi pour le couple. Pour le grand public notamment, « les véganes sont des tarés qui mangent des graines. En outre, je constate que la réussite peut déranger. Je relativise beaucoup l’exposition du restaurant depuis ce titre. Etre végane c’est être dans une posture de bienveillance vis-à-vis des animaux mais pas seulement. A mes yeux, le respect des autres prime, chaque personne est importante, chaque vie compte. Etre végane, c’est aussi afficher des convictions écologiques, de protection de la planète, sa conscience de la surexploitation de ressources limitées. »

« Mon militantisme est dans mes assiettes »

Willy se qualifie de « militant passif ». Son objectif : faire découvrir la gastronomie végane. Le titre de maître-restaurateur offre reconnaissance et visibilité à celui qui se considère un « modeste ambassadeur » du véganisme. Il continue aussi à participer à des festivals comme Les Etoiles de Mougins. « J’ai toujours aimé les démonstrations culinaires, faire du live cooking. Aujourd’hui, j’ai en plus envie de montrer un mode de vie, une éthique, des valeurs, au travers de ma cuisine. » Willy travaille d’ailleurs en cuisine ouverte au Vegan Gorilla, « pour être totalement transparent avec mes clients ».

Cohérence

Le mot qui caractérise le Vegan Gorilla pour Willy est cohérence, « avec nous-mêmes, avec ce que nous faisons concrètement tous les jours. Je n’ai pas l’âme d’un militant. Mon militantisme est dans mes assiettes. Chaque repas pris chez nous, c’est un animal en moins abattu. »

http://www.restaurant-vegan.fr/

* Ce titre officiel est délivré par l’Etat à des restaurateurs de métier qui cuisinent 100 % maison et majoritairement des produits frais. http://www.maitresrestaurateurs.com/