Des audiences radios qui s’effritent inexorablement, une télévision qui peine à attirer les nouvelles générations, une presse papier qui n’en finit pas d’être en crise, les médias cherchent à convaincre des jeunes qui se réfugient sur le digital dès lors que le contenu est gratuit.
Et si la vérité était ailleurs ? Et si les solutions pour séduire, convaincre et attirer les jeunes venaient de l’intérieur des bureaux (encore) feutrés, des directions artistiques, des rédactions ou des studios ? Dans les couloirs des radios françaises, on se plait à répéter que tout a déjà été inventé. Un argument digne d’une légende urbaine qui rassure quand on n’a plus d’idée.
Jusqu’ici tout va bien… enfin presque !
En 2014, selon Médiamétrie, l’organisme de mesure des audiences, la radio séduisait plus de 43 millions d’auditeurs au quotidien. Le même Médiamétrie constatait en janvier 2021 que le média rassemblait, chaque jour, moins de 40 millions d’auditeurs au quotidien, toutes antennes confondues. On peut se consoler en se disant qu’il faut voir le verre à moitié plein et qu’il reste 40 millions d’auditeurs, sauf que le phénomène d’évaporation est bel et bien une réalité qui ne cesse de s’amplifier. Une évaporation du jeune public, surtout.
Mais où sont passés les Millennials ?
A l’heure où il a la tête dans ses études, ne cherchez pas, devant un programme des chaines de la TNT (Télévision Numérique Terrestre), un jeune né dans les années 2000. Il est absent. En 2018, le Centre de Recherche pour l’Etude et l’Observation des Conditions de Vie (CREDOC) constatait que les 18-24 ans étaient la tranche d’âge la moins captivée par les programmes TV en live. A l’instar, la lecture des journaux et la lecture en général n’attire pas d’avantage les jeunes selon, Le baromètre « les Français et la lecture » de l’institut Ipsos paru en avril 2021.
Les médias sociaux, coupables ?
Les médias sociaux ont tout pour être le parfait coupable de ce désintérêt : ils sont partout, tout le temps, trop présents, trop bruyants, incontrôlables. Au banc des accusés le smartphone occupe une place de choix. Selon l’Institut National de la Statistique et des Études Économique (INSEE), en 2021, 94 % des 15-29 en sont équipés, contre 77 % de la population française. Face à ce phénomène, les médias jouent un drôle de jeu. Tantôt ils fustigent les médias sociaux, tantôt ils cherchent aussi à y figurer par tous les moyens, parfois à charge et parfois à décharge, tels des procureurs.
La vérité serait-elle, donc, ailleurs ?
Pour trouver un début de solution, il conviendrait peut-être de tendre l’oreille vers la radio, d’ancrer son regard dans le petit écran ou de se plonger dans la lecture d’un journal. La question peut être posée ainsi : si les professionnels considèrent que tout a été inventé, qu’y a-t ’il de nouveau, dans le contenu, depuis 30 ans ? Pire, les animateurs, les journalistes, les présentateurs sont, pour la plupart, les mêmes qu’il y a 30 ans. Les formats d’émission, les mécaniques, les sujets, sont toujours les mêmes. Évidemment, les chaines de radio ou de télévisions qui s’adressent à des adultes ouvrent leur micro à des quinquas ou plus, cela s’inscrit dans une certaine cohérence. Mais est-il bien raisonnable de leur confier les programmes pour les jeunes ? Le sacro-saint prime time, le « morning » des antennes des radios nationales, est souvent confié aux mêmes personnes que dans les années 90. Leur talent est immense et indiscutable mais est-ce raisonnable de leur confier, aussi, la tâche de séduire les Millennials ?
Broadcast vs podcast
La nature a horreur du vide. Le développement du numérique, la prolifération des réseaux sociaux, a aussi permis à de nouveaux médias de voir le jour. Brut, Konbini, le Huffington Post n’ont pas attendu l’autorisation de leurs pairs pour se développer. Le numérique, pris d’assaut par les jeunes, comme la radio a été prise d’assaut en 1981 par d’autres jeunes, a créé, développé et réussi à imposer ses codes, ses limites, sa vision, ses excès mais surtout à s’imposer aux jeunes. L’exemple réside dans les chaines nationales qui s’avancent prudemment vers le Podcast, plaçant toujours le Broadcast (le programme en direct) au premier plan. Le Podcast n’est qu’un extrait d’une émission déjà diffusée. On ne peut pas dire que ce soir l’alpha et l’oméga de l’innovation. Pire, les « natifs » (un podcast qui n’a pas jamais été diffusé sur une antenne) sont encore l’exception. La promotion de ces contenus est quasi-inexistant. La frilosité est toujours et encore de mise. Les jeunes sont sur le numérique, les jeunes maîtrisent ces outils, ils ont des idées, des envies. Ils ont un pouvoir d’innovation infinis. Ouvrons-leur les portes des studios et des rédactions.
Jacques Rigaud, PDG de RTL de 1980 à 2000, martelait à juste titre, que la stratégie d’une chaîne se pilote comme un pétrolier : les virages doivent se faire en douceur et progressivement. Cependant, en navigation, si vous changez de cap top tardivement, vous risquez de vous échouer tout autant.
Pascal Toth, Directeur ESUPCOM