[Évènement]
L’ICN Business School est partenaire de la journée EST’elles Executive « Le manager de demain est une femme ! Êtes-vous prêt(e)s ? » qui s’est déroulé le 11 juin 2015. Cette 5e édition a notamment porté sur l’engagement citoyen au féminin comme le présente Krista Finstad-Milion, Professeure associée à l’ICN Business School Nancy-Metz, fondatrice d’Est’Elles Executive.
Je suis une professeure engagée. Je suis contente que l’école me soutienne dans cette démarche. Il y a 7 ans, c’était assez novateur. Il faut avoir cette capacité d’expliquer aux gens pourquoi on fait ce qu’on fait et pourquoi c’est important pour vous. Soyez l’auteur de votre propre histoire : il faut la vivre et non l’écrire. On peut tout faire comme les hommes. Et les hommes ont aussi une plus grande liberté.
Vous avez créé Est’Elles Executive, en décembre 2008 : pourquoi ?
On a déposé les statuts de l’association en décembre 2008 au bout d’un an de gestation. Née d’une volonté de rassembler les femmes décideurs en créant un moment fort. Je suis Canadienne anglophone et française aussi, je suis maire de ma commune. Il y a 20 ans déjà je m’intéressais au sujet et au Canada il y avait déjà ce type d’associations.
Quand on est professeur de management, il faut mobiliser les concepts et les professeurs. Là, c’est pareil. Il nous fallait un statut juridique pour avoir une certaine gouvernance et rendre l’événement pérenne. Cela n’a pas tout de suite été compris au sein de l’école. J’étais directrice du programme Executive MBA à l’époque et j‘étais confrontée à ce problème d’attirer les femmes dans ce programme. J’ai donc fait un benchmarking pour voir comment les femmes faisaient ailleurs. Et il est apparu que l’on avait le taux le plus faible de femmes dans l’école : 1 sur 20 !
Soyez l’auteur de votre propre histoire : il faut la vivre et non l’écrire
Donc ce n’était pas bon pour la dynamique du groupe. J’ai été confrontée à mon propre rôle de directrice et comment il était perçu par la prédominance des hommes : j’ai remarqué que lorsqu’il y a une forte dominance d’hommes, on évite certains sujets comme le sociologique, la sensibilité… On reste plus sur les faits et les chiffres. On évite souvent de s’exposer.
On ne forme pas assez les décideurs à ces questions-là ! La diversité commence par le croisement du regard. J’ai donc envoyé un email aux hommes pour leur demander s’ils connaissaient des femmes dans leur entourage pour rejoindre notre module Créativité et j’ai complété avec mes amies : les hommes sont nos alliés pour ces changements sociétaux. Au final, il y avait 6 femmes ! Il y a eu une stimulation comme jamais : la mixité est importante pour la créativité.
Aujourd’hui, comment a évolué l’association ?
Parmi les femmes qui sont venues au module Créativité, certaines ont postulé pour intégrer Est’Elles Executive. C’est donc vraiment une cocréation : il faut faire quelque chose et le faire ensemble ! Il fallait que cela soit ouvert sur la communauté d’affaires aussi pour ne pas se limiter à notre école. L’association est donc née de cette envie de faire changer les choses en Lorraine : nous nous sommes donné les moyens. Ainsi est née Est’Elles Executive :
- Est pour est de la France
- Elles pour femmes
- Executive pour être une femme d’ambition
Nous avons depuis ouvert une antenne à Strasbourg soutenue par le député-maire. Nous sommes devenus un acteur stratégique de l’école, nous sommes reconnus aujourd’hui. Nous offrons toujours aux filles et aussi aux garçons tout ce qui peut les aider.
Nous sommes 200 membres au sein de l’association aujourd’hui. Nous avons même mené une action au Sénégal : une table ronde pour les filles sur l’île de Gorée sur le leadership et à Dakar une autre sur les femmes et le pouvoir. Nous avons également réalisé une action avec les femmes chefs d’entreprise à Luxembourg avec les réseaux belges et allemands. Nous souhaitons accompagner un changement sociétal important pour l’économie : les femmes peuvent apporter une réponse positive à la morosité et doivent en être actrices ! Mais toujours en relation avec les hommes : nous devons être d’accord entre nous. C’est ce message que nous souhaitons faire passer aux jeunes.
Pouvez-vous me présenter la journée EST’elles Executive « Le manager de demain est une femme ! Êtes-vous prêt(e)s ? » qui s’est déroulé le 11 juin 2015 ?
L’école n’est pas le seul partenaire, il y en a d’autres. Chaque année, nous avons une thématique. Cette année portait sur les femmes et l’engagement citoyen. Nous avons fait venir des femmes importantes dans le monde comme Catherine Trautmann.
Il faut mettre en avant cette solidarité féminine au service de la citoyenneté
Nous avons mené une enquête sur ce sujet : les femmes qui ont répondu sont plus engagés par leurs actes que les moyennes en France – elles participent aux élections, sont sur les listes… mais elles ont encore du chemin à faire. Leur citoyenneté n’est pas visible. Notre intention n’est pas de se mettre en avant et de faire du bien pour les autres. Donc il faut prendre leur part de responsabilité : elles doivent aussi dire ce qu’elles ont fait. Il faut mettre en avant cette solidarité féminine au service de la citoyenneté.
Quelle politique a été mise en place à l’ICN pour tendre vers la mixité au sein de son corps enseignant et aussi de ses étudiants ?
Nous avons eu de vraies discussions et questions entre collègues. Pour moi, c’est de l’humanisme. Nous invitons les professeurs à la journée Est’Elles. Et on l’a ouvert aussi aux membres du personnel. Donc il y a une vraie sensibilisation initiée par le comex. Il y a une vraie ouverture d’esprit ! Et le message passe.
Vis-à-vis des étudiants, nous travaillons avec l’école de coaching. On a une formation continue : les femmes inscrites au Executive MBA deviennent membres d’office d’Est’Elles. Les étudiants sont aussi toujours invités. Je tutore pour ma part un certain nombre d’étudiants et donc certains sont très stimulés par la question et orientent leurs sujets vers ce thème. Une étudiante est même partie un an au Tadjikistan et elle a mis en place un système de micro-crédit avec une sensibilisation pour les femmes. Elle est venue avec moi à Philadelphie il y a un an pour présenter ses travaux : l’école et des entreprises mécènes ont subventionné son voyage.
Comment sensibilisez-vous les jeunes étudiantes à cette question et au fameux plafond de verre auquel elles vont se trouver confrontées ?
Nous allons être deux femmes et un homme à enseigner sur le leadership et je vais parler du genre. C’est important. Nous nous structurons autour de cette question. Au-delà de cet aspect, nous sommes très orientés réseau dans notre manière de nous développer, de nous organiser…
Quel regard portez-vous sur la place des femmes aujourd’hui dans l’enseignement supérieur et l’entreprise ?
Je vois les filles aujourd’hui à l’école : elles ont les mêmes comportements qu’à l’école primaire. C’est universel mais les filles ne s’en rendent pas forcément compte car elles ont le nez dedans. Or les entreprises veulent renforcer leur pôle féminin. Je fais partie du groupe pour l’égalité de la CGE. On peut obtenir des statistiques sexuées des grandes écoles qui ont signé la charte égalité. Pourquoi les femmes sont-elles moins payées et ce dès le début de carrière ? Qu’est-ce qui mène à cette réalité ?
Il apparaît que les écoles de management forment mieux les garçons que les filles pour le monde du travail. Donc c’est aussi notre responsabilité. Si les filles gagnent moins, le coût de leur scolarisation va être plus élevé que les garçons. Mais elles n’en ont pas conscience, c’est pourquoi il faut le rendre visible : c’est ce qu’on appelle gender blind.
Quel message pour ces jeunes étudiantes, futures diplômées et bientôt confrontées à la réalité du marché du travail ?
Les femmes se mettent elles-mêmes un plafond de verre
Les femmes peuvent aussi être responsables des écarts de salaire : négociez bien ! Sachez ce que vous valez sur le marché du travail et ne soyez pas humbles. Dans leurs carrières, les femmes se mettent elles-mêmes un plafond de verre parfois car elles se construisent une image idéale de leur vie avec les enfants, la maison…
Résultat, elles se privent de certaines opportunités. Les carrières aujourd’hui se négocient en couple. Il faut faire des choix. Il faut voir la carrière comme une coconstruction dans un couple et un terrain de négociation : aujourd’hui, on a tous les moyens de le faire.