Ingénieurs et Scientifiques de France (IESF) a publié le 14 septembre 2022 sa 33e enquête nationale sur les ingénieurs et scientifiques diplômés en France. Recrutement, salaires, secteurs en tension, représentativité des femmes : on fait le point sur l’emploi des ingénieurs en 2022.
Bonne nouvelle du côté de l’emploi des ingénieurs en 2022 ! Selon la 33e enquête nationale sur les ingénieurs et scientifiques diplômés en France, les recrutements et la mobilité des ingénieurs ont en effet retrouvé leur niveau d’avant-crise. « Mais deux points de vigilance sont à noter : une légère baisse de leur satisfaction globale au travail et de leur niveau d’enthousiasme envers leur employeur » introduit Marc Rumeau, président d’IESF.
Pourtant, quatre ingénieurs sur cinq estiment bénéficier dans leur travail d’un niveau d’autonomie élevé (48 %) ou très élevé (33 %). Si plus de neuf ingénieurs sur dix déclarent pouvoir discuter de leurs objectifs avec leur manager, ils ne sont que 42 % à se dire associés aux décisions de leur entreprise ou organisation. Alors même qu’ils sont 96 % à avoir le statut cadre et 41 % à exercer des responsabilités hiérarchiques. Par ailleurs, 16 % ont déjà été concernés par un manquement d’éthique au sein de leur entreprise ou organisation.
Un taux de chômage particulièrement bas
Parallèlement, la crainte de perdre son emploi est à un niveau historiquement bas (moins de 6 %) chez les ingénieurs cette année. Ce qui n’est pas étonnant au regard de leur taux de chômage s’élevant à 3.2 %, un des plus bas jamais enregistrés (4.7 % en 2020 et 3.5 % en 2019 par exemple). On comptait ainsi 1 191 000 ingénieurs en France fin 2021, un chiffre en augmentation de presque 3 % en un an. L’emploi des ingénieurs en 2022 est aussi marqué par 43 000 nouveaux diplômés (dont 28 % de femmes). Un chiffre à relativiser face « à l’effort de réindustrialisation de la France qui en requière au moins 55 000 ! » rappelle Marc Rumeau. D’autant que certains secteurs comme l’aéronautique et l’automobile n’ont pas encore retrouvé leur niveau d’avant-crise.
>>>> Pour aller plus loin – Notre enquête sur les 12 secteurs qui recrutent en 2022
La guerre des talents fait rage sur le terrain de l’emploi des ingénieurs en 2022 !
Mais cette situation de quasi plein emploi ne met pas pour autant la guerre des talents en sommeil. La France manque d’ingénieurs et les entreprises peinent à recruter celles et ceux dont elles ont besoin. Ainsi, 29 % des ingénieurs déclarent avoir été impliqués dans le recrutement d’ingénieurs en 2021 et 20 % des entreprises ont eu des difficultés à recruter sur tous les profils, un niveau inégalé depuis huit ans. Parmi les principales difficultés évoquées : « les exigences salariales trop élevées des experts en IA ou en cybersécurité, la pénurie de certains profils d’experts techniques ou des contraintes géographiques pour les ingénieurs de production par exemple » liste Marc Rumeau. De fait, les profils les plus recherchés sont encore aujourd’hui les ingénieurs d’études, mais également les chefs de projet et experts en numérique.
>>>> Pour aller plus loin – Pénurie de talents ingénieurs, comment y remédier ?
Où travaillent les ingénieurs cette année ?
La 33e enquête d’IESF confirme que l’emploi des ingénieurs 2022 se situe essentiellement en province (53 % vs 33 % en IDF et 14 % à l’étranger). Mais l’Ile-de-France conserve une grande densité d’ingénieurs au m² ! Un salarié de la région sur 20 est ingénieur (vs un peu moins d’un salarié sur 30 en régions). Parallèlement, le Centre Val de Loire favorise plus que les autres régions le recrutement des jeunes diplômés. Ils travaillent majoritairement dans les grandes entreprises (41 %) et les ETI (20 %). Leurs trois secteurs de prédilection ? L’industrie (350 500), les sociétés de services et logiciel (161 500) et les autres activités tertiaires (153 900). « Ces chiffres ne doivent pas occulter la baisse de la part de l’industrie qui est passée de 38.4 % à 36.7 % en cinq ans. De plus, on constate depuis deux promotions que l’industrie ne reçoit plus que 27 % des jeunes ingénieurs vs 32 % il y a cinq ans. Inversement, l’enseignement, la recherche ou le BTP connaissent une croissance relative » pondère le président d’IESF.
L’emploi des ingénieurs en 2022 reste encore peu féminisé
Mais si l’emploi des ingénieurs est au beau fixe en 2022, la féminisation de la profession reste, elle, un défi de taille pour toute la communauté. « On compte plus d’étudiantes que d’étudiants dans l’Enseignement supérieur, mais les jeunes femmes restent sous-représentées dans les écoles d’ingénieurs. La proportion de femmes ingénieurs stagne en effet depuis plusieurs années à 28 %. Parallèlement, les lycéennes choisissent de moins en moins les spécialités scientifiques, les mathématiques notamment. Et la réforme du bac ne va pas arranger les choses » précise Marie-Liesse Bizard, membre du CA d’IESF. Parmi les facteurs qui les freinent à s’orienter vers des formations d’ingénieurs et scientifiques, 47 % des femmes interrogées citent l’image trop masculine du métier d’ingénieur et 42 % une plus grande difficulté à faire carrière dans un univers d’hommes. De plus, elles choisissent plus souvent des emplois en lien avec les sciences du vivant, la chimie, l’environnement ou l’énergie, des spécialités qui conduisent en moyenne à des carrières moins rémunératrices.
« Nous voyons d’un regard positif l’objectif annoncé par le Gouvernement de faire passer de 15 000 à 25 000 le nombre de lycéennes qui choisissent Maths Expert d’ici 2024. Mais on voudrait savoir comment, alors que 38 % des élèves ne font plus de maths en Première » s’interroge Marc Rumeau en guise de conclusion. L’appel est lancé !
>>>> Pour aller plus loin – La CDEFI dresse un panorama des écoles d’ingénieurs en 2022