A la 2e place européenne et à la 7e place mondiale, la chimie française est un acteur majeur de la chimie au niveau international. Premier secteur industriel exportateur de France, c’est aussi un des principaux moteurs de notre économie. Et pourtant, sa réputation est encore malmenée. Christian Lerminiaux, directeur de Chimie ParisTech-PSL, fait mentir les préjugés et revient sur les principaux atouts de la formation de l’école.
Impossible de mener à bien la transition écologique sans la chimie, oui mais pourquoi ?
Parce que la chimie est indispensable à la vie humaine depuis toujours : sans chimie, il n’y aurait peut-être pas eu l’étincelle originelle de la vie ! Sans chimie et sans matériaux pas de batteries, pas de pales d’éoliennes, pas de panneaux photovoltaïques et donc pas d’énergies renouvelables, pas de transition écologique et pas de monde de demain. Dans l’imaginaire populaire, la chimie renvoie – à l’exception de la chimie au service de la santé peut-être – à quelque chose d’artificiel, de sale, de dangereux. Mais il ne faut pas oublier, premièrement, que tout ce qui est naturel n’est pas forcément sans conséquences et, deuxièmement, que nous enseignons aussi la chimie des substances naturelles, pratiquée par de très nombreuses entreprises.
Qu’est-ce qui fait de Chimie ParisTech-PSL un hub incontournable pour relever les défis de la chimie de demain ?
Parce que nous ne formons pas des chimistes qui ne sont que chimistes : nos diplômés ont la capacité d’intégrer la chimie dans un écosystème global. Nous avons d’ailleurs changé de concours il y a quelques années afin de montrer que si nos étudiants veulent évidemment travailler dans la chimie, ils ne considèrent pas pour autant que sans chimie organique, point de salut. Par exemple, dans nos laboratoires de recherche, nous avons une équipe qui travaille sur l’ordinateur quantique pour sécuriser et optimiser les échanges de données, un domaine qui demande une vraie vision holistique. C’est d’ailleurs dans cette optique que les écoles de ParisTech favorisent les mobilités. Parce qu’elles partagent le même modèle et la même exigence de formation, nous considérons aujourd’hui que n’importe quel étudiant qui a réalisé ses deux premières années dans une de nos écoles a tous les prérequis pour effectuer sa troisième année dans un autre établissement du réseau.
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Membre du réseau ParisTech, votre école est aussi intégrée à l’Université PSL. Qu’est-ce que ça change concrètement ?
Cela renforce notre capacité d’accueil et nous permet de mutualiser des dispositifs (comme le centre de langues, les équipements sportifs ou la santé étudiante par exemple), avec d’autres écoles de l’université PSL. Même celles dont la formation a une vocation différente de la nôtre et où l’aspect technologique est moins présent. Ceci est encore plus vrai au niveau de la recherche. Nous avons en effet des programmes de recherche communs aux différents laboratoires et financés au niveau de PSL. De fait, l’université PSL nous apporte plus de coopération en matière de recherche, plus de programmes de recherche conjoints, plus de soutien à la vie étudiante, mais sans pour autant nous inscrire dans une logique de centralisation. A l’image des universités anglosaxonnes, la subsidiarité est clé. Chaque établissement est responsable, fait remonter ses bonnes pratiques et ne mutualise que ce qui a un intérêt pour les autres.
Le plus gros dossier sur votre bureau en 2024 ?
Je pense bien sûr à l’immobilier. Nous avons fait le choix de rester à Paris intramuros. Un choix très attractif pour les étudiants et les enseignants-chercheurs, mais qui implique de respecter les règles spécifiques de cette ville très patrimoniale. Nos locaux ne sont plus adaptés, nous créons des synergies nouvelles à même d’attirer encore plus d’étudiants et d’enseignants-chercheurs… mais on n’a pas le droit de construire ! La réhabilitation, la densification et la rationalisation des locaux existants représentent un gain potentiel de 40 % d’espaces sur la plupart des sites de PSL. Ce gain de place reviendrait pour Chimie ParisTech-PSL a un budget de 75 à 80 millions d’euros. Vous l’avez compris, la question sous-jacente à cela est celle de la paupérisation de l’enseignement supérieur et des leviers à activer pour que nous ayons un modèle économique soutenable sur le long terme.
Et côté formation ?
Nous voulons lancer un bachelor mais qui, pour être viable, doit accueillir un nombre significatif de participants. Et là encore, nous sommes confrontés à une question de coûts. Je vois donc ce bachelor comme un test de notre capacité à monter de nouvelles formations et à trouver des modes de financement pour qu’elles soient pérennes.
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La chimie est une des sciences fondamentales pour sauver la planète – L’interview de Christian Lerminiaux, directeur de Chimie ParisTech-PSL
Chimie organique, chimie des matériaux, chimie physique, chimie analytique, génie des procédés, énergie : des disciplines éminemment contemporaines qui sont toutes adressées par Chimie ParisTech-PSL. Son directeur Christian Lerminiaux, directeur de l’école d’ingénieurs, nous en dit plus sur les enjeux de la chimie et sur les réponses qu’y apporte l’école d’ingénieurs. Interview réalisée en avril 2023
La chimie ne jouit pas d’une image très durable ou soutenable. Faites mentir les préjugés !
La transition écologique requiert des solutions très technologiques pour extraire des matières premières et fabriquer des matériaux de manière plus durable, réduire les consommations d’énergie, recycler etc. Or, la fabrication de batteries, le développement du photovoltaïque ou des éoliennes : tout cela renvoie à la chimie et aux matériaux, des sciences fondamentales pour sauver la planète. Sans chimie pas de biochimie, pas d’énergie nouvelle, pas d’alimentation, pas de matériaux recyclés : la chimie n’est pas un problème pour la transition écologique, c’est au contraire un ensemble de solutions pour la mener à bien.
Les + attractivité de Chimie ParisTech-PSL ?
C’est d’abord une formation qui répond à la quête de sens des jeunes générations. Notre intégration dans l’Université PSL, notre excellence académique et nos doubles diplômes (comme celui monté avec AgroParisTech autour des questions de chimie et d’agronomie) sont aussi des facteurs d’attractivité importants. Une attractivité qui est d’ailleurs très forte auprès des jeunes femmes. Nous faisons partie des premières écoles d’ingénieurs à s’être ouvertes aux femmes (en 1916) et nous avons aujourd’hui près de 58 % d’étudiantes. Un chiffre en augmentation alors même que le nombre d’étudiants en prépa n’augmente pas. Une preuve de plus que la chimie est une discipline inclusive.
Les grands projets 2023 pour Chimie ParisTech-PSL ?
D’abord, consolider l’excellence de notre recherche. L’Université PSL s’avère être un très bon écosystème pour se challenger en la matière. Lorsque nous y sommes entrés, nous n’avions qu’un projet ERC et nous en sommes aujourd’hui à six : pour un établissement d’une centaine de personnes, c’est exceptionnel ! Ensuite, nous devons faire en sorte que les étudiants aient une formation la plus appropriée possible aux enjeux du moment et aux besoins des entreprises qui les recrutent. Cela passe par des doubles diplômes, comme celui que nous avons noué avec l’ESPCI Paris-PSL, mais aussi ceux que nous mettrons bientôt en place avec d’autres écoles d’ingénieurs ou de commerce. Nous travaillons également sur des formations conjointes à l’international. Et je n’oublie pas bien sûr notre fondation, qui devrait être opérationnelle cette année.
L’école porte à la fois les couleurs de ParisTech et de PSL. Pourquoi s’agit-il de deux marqueurs importants de son identité ?
Nous sommes fiers d’être partie prenante de PSL. Cela nous permet notamment de développer des politiques de recherche en synergie avec des établissements de renom comme l’Institut Curie, l’ENS-PSL, l’ESPCI Paris-PSL ou encore Mines Paris-PSL, avec lesquels nous sommes en proximité de valeurs et en proximité géographique. Ce dernier point est d’ailleurs essentiel : je suis persuadé que la recherche fonctionne bien si les interactions entre celles et ceux qui la mènent est inversement proportionnelle au carré de la distance ! Mais si notre intégration dans PSL est clé, nous revendiquons que notre formation d’ingénieurs est et restera labellisée ParisTech. Parallèlement, nous comptons multiplier les programmes au sein de l’école – au niveau master et peut être bachelor – qui n’ont, eux, pas vocation à porter la marque ParisTech.
Ne cherchez plus, la recherche est partout !
En moins de trois ans, nous aurons investi 15 millions d’euros dans l’immobilier et nos équipements (soit 20 % de nos dotations de fonctionnement, ce qui n’est pas négligeable). C’est un point important pour nos étudiants et pour nos chercheurs : l’adossement de leur formation à la recherche passe par des interactions avec des chercheurs, mais aussi avec des lieux de recherche. Cela permet en effet de susciter des vocations et de comprendre la recherche qui est en train de se faire sous leurs yeux, en temps réel.