« La fusion de CentraleSupélec est derrière nous ! » affirme Romain Soubeyran. Mais un nouveau chantier de taille attend aujourd’hui celui qui a pris la tête de l’école il y a un an : réussir le pari de l’Université Paris-Saclay. Il revient sur les projets d’envergure entrepris par l’école d’ingénieurs cette année.
Pourquoi peut-on dire aujourd’hui que la fusion est une réussite ?
Si la fusion de Centrale Paris et de Supélec a été actée le 1er janvier 2015, des réserves et des inquiétudes étaient encore palpables à mon arrivée en septembre 2018. Ma première mission a donc été d’apaiser les tensions, d’écouter et de communiquer avec toutes les parties prenantes : corps social, alumni… J’ai essayé de me rendre au maximum disponible, notamment pour les grands donateurs qui ont souhaité me rencontrer rapidement. Continuer à convaincre la communauté du bien-fondé de nos actions et de notre contribution à l’économie et à l’industrie françaises est essentiel. D’autant plus lorsqu’on sait que 25 M€ ont été levés pour la construction des nouveaux bâtiments, fait exceptionnel pour une école d’ingénieurs en France.
Qu’en est-il des inquiétudes qui ont pu émerger des campus de Metz et Rennes ?
La fusion a aussi engendré des modifications dans les statuts de l’école… et les dossiers techniques qui vont avec ! La gestion de nos campus de province en est un. Il a en effet été décidé que tous les 1A issus de prépa maths seraient désormais réunis sur le campus de Gif, sans obligation de partir à Metz ou à Rennes en 2A. Et malgré leurs qualités et les efforts de communication déployés, peu d’étudiants ont fait le choix de poursuivre leur formation sur ces deux campus. Pour y augmenter les effectifs, je n’ai pas voulu d’une affectation sur la base d’un classement ou des notes au concours. Nous avons donc opté pour un nouveau système d’affectation basé sur des barèmes spécifiques à chaque séquence thématique. Seront donc pris en compte : les notes impactées de coefficients dédiés, la cohérence du parcours et la motivation. A la rentrée 2020, 10 % des 2A iront à Metz et 10 % à Rennes.
2018 signait aussi la mise en place du nouveau cursus en 1A.
Qui est une réussite selon les retours d’expérience reçus des étudiants. Mais nous souhaitons bien sûr continuer à l’améliorer. Des soucis d’horaires ont par exemple été soulevés par les élèves. Des cours trop tardifs les empêchaient de vivre pleinement leurs engagements associatifs. Nous en avons tenu compte dans les emplois du temps de la rentrée 2019.
A l’ingénieur « généraliste » vous préférez la figure d’ingénieur « adaptable » : pourquoi ? Parce que la grande qualité de la formation de l’ingénieur à la française n’est pas de développer le « généralisme » (une notion un peu fourre-tout) mais bien l’adaptabilité. Aux USA, la qualité de l’ingénieur français est souvent reconnue dans les situations imprévues, il sait mobiliser des outils matheux et physiques variés pour s’adapter à toutes les situations. Il trouve vite des repères sur beaucoup de sujets, même ceux qu’il ne maîtrise pas totalement. Et surtout, il est décomplexé ! Il parle la langue universelle de l’ingénieur, et même si c’est avec un accent à couper au couteau, il est toujours compris.
Vos plus grandes fiertés à la tête de l’école ?
Je parlerais plutôt de motifs de satisfaction. Un fort apaisement des inquiétudes en interne tout d’abord : le corps social est aujourd’hui plus rassuré et confiant. La mise en place de la première année du nouveau cursus est aussi un succès. Je me félicite également du recrutement de mon DGA et de la promotion de plusieurs membres au ComEx et au CoDir. Le vote des statuts de l’Université Paris-Saclay le 3 juillet dernier est enfin, bien sûr, une grande satisfaction… qui deviendra une fierté si elle se transforme en succès !
Paris-Saclay : pourquoi faut-il y aller ?
Parce que cette expérience vaut la peine d’être tentée. Car même si CentraleSupélec jouit déjà d’un positionnement international unique pour une école d’ingénieurs française, elle a besoin d’un ensemble plus fort pour concurrencer les grands pôles mondiaux d’ingénierie.
Que répondez-vous aux alumni qui craignent que l’école y perde son âme ?
Rejoindre Paris-Saclay ce n’est pas diluer CentraleSupélec dans une université. Nous poursuivrons dans ce nouveau cadre notre mission d’école d’ingénieurs au meilleur niveau. Cela passe par une importante activité de recherche au plus haut niveau… et donc par un adossement à une grande université. C’est notre devoir de citoyen. Construire Paris- Saclay, c’est aussi agir dans l’intérêt du pays en permettant à la France de produire durablement des élites scientifiques et industrielles.
Qu’est-ce que ça va changer pour les élèves ?
Si c’est bien sûr encore un peu lointain pour eux, cela apportera beaucoup à leur formation. On ne s’intéresse pas à Paris-Saclay que pour le classement de Shanghai. Ce projet permettra de brasser plus d’étudiants et donc d’accélérer l’internationalisation de leurs parcours. C’est aussi un vrai plus en termes d’hybridation des compétences. Ils pourront suivre des modules dans les établissements membres de l’université et dans des domaines extrêmement variés. Dans la santé par exemple, comme en témoignent nos 50 élèves entrant en stage à l’Hôpital Gustave Roussy cette année. Mais ne le cachons pas, harmoniser les emplois du temps sera un travail de longue haleine !
Les autres grands projets de l’année ?
La mise en place des recrutements BPCST, la réflexion autour d’un Bachelor commun avec l’Université Mc Gill au Canada et la création d’un diplôme d’ingénieur au niveau du Groupe des Ecoles Centrale. Un véritable atout pour nos campus étrangers (Pékin et Casablanca notamment) qui délivrent encore aujourd’hui des diplômes d’établissement et non des diplômes français. Cela demande bien sûr de renforcer la structure juridique pour obtenir l’accréditation mais le MESRI soutient notre démarche.
Quel message souhaitez-vous adresser aux étudiants qui viennent de vous rejoindre ?
Vous avez fait le bon choix car CentraleSupélec est une très belle maison. Après de dures années de prépa, vous allez vous détendre et vous l’avez bien mérité. Mais ne vous laissez pas dépasser par vos nouvelles activités et réfléchissez dès aujourd’hui à ce que vous avez envie de faire demain. On peut vite se perdre dans le romantisme d’un job de rêve et découvrir trop tard qu’il n’est pas fait pour soi. Profitez donc à fond des possibilités de découverte que vous apporte la richesse du cursus, testez votre vocation, et veillez à concilier en permanence la confiance pour vous lancer, et l’humilité pour écouter. Car la confiance en soi n’est positive que lorsqu’elle se fait sans arrogance.
Votre message aux alumni ?
La fusion des associations de diplômés est effective cet automne et une association unifiée voit le jour. C’est le dernier étage de la fusée CentraleSupélec et il a fallu 5 ans pour la lancer. Mais elle est derrière nous désormais. Capitalisons sur cette expérience pour nourrir cette confiance générale et réciproque qui nous permettra de réussir, ensemble, la construction de l’Université Paris-Saclay.