Comment dompter un monde où la technologie fait loi sans la culture ? C’est pour répondre à cette question que les business schools font désormais de la géopolitique un des meilleurs atouts de leurs formations. Mais comment mettent-elles la culture au service de l’action ?
Derrière le boom de la géopolitique en business school, une question de fond : celle de l’évolution du monde. « Dans le contexte d’une mondialisation qu’on imaginait pacificatrice, venant effacer les identités et les tensions politiques, on voit aujourd’hui émerger une trajectoire différente avec le retour de la frontière et de la souveraineté. Une formation équilibrée entre hautes technologies et identités multiples s’impose donc pour préparer les cadres de demain » introduit Thomas Flichy de La Neuville, titulaire de la chaire Géopolitique de Rennes School of Business, créée en novembre 2019.
La géopolitique, un incontournable pour les entreprises
Pionnière de l’introduction de la géopolitique dans les business schools, Grenoble Ecole de Management (GEM) y voit une réponse pragmatique aux besoins des entreprises. « La géopolitique s’inscrit dans la lignée de l’innovation et de l’international. Les entreprises ont un grand besoin de managers capables de comprendre le monde et de définir des grilles d’analyse spécifiques et des outils d’aide à la prise de décisions. Avoir la bonne information, au bon moment, pour prendre la bonne décision et par extension, permettre à l’ensemble des collaborateurs de comprendre la stratégie globale de l’entreprise. La géopolitique, c’est la culture générale du monde moderne » estime Jean-François Fiorina, DGA de GEM.
La géopolitique compte ainsi parmi les priorités des entreprises, au même titre que l’innovation. « Elles travaillent de plus en plus sur cette notion de compétences et commencent à créer des divisions et des services avec des métiers purement géopolitiques : analyse de risque, veille, cybercriminalité, interculturel… Des métiers d’avenir vont émerger et un volet entrepreneuriat va se développer avec des jeunes qui voudront créer des startups développant des outils d’aide à la relocalisation, de veille économique et d’analyse, éminemment géopolitiques » prévient-il.
« La géopolitique est au cœur de l’école du futur. Au cœur de l’hybridation, de la transversalité des connaissances et de l’expérimentation dans une logique d’aide à la prise de décision » – Jean-François Fiorina, DGA de GEM
La géopolitique est partout !
La business school grenobloise en a d’ailleurs fait une discipline de management à part entière « Nous avons de la géopolitique dans nos cours bien sûr, mais aussi dans nos concours, nos double-diplômes avec l’Iris et l’Institut Bioforce, dans nos publications et nos associations étudiantes. Nous lui avons même consacré un Festival, lieu d’expression de toutes les géopolitiques pour tous les publics. » Même dynamique à Rennes School of Business qui proposera dès la rentrée 2020 le cursus « Géopolitique et affaires internationales » dans son PGE. Composé à 30 % d’humanités classiques (géopolitique, théâtre, anthropologie culturelle…) un cursus centré autour de l’humain, de la culture et de la politique répondant à une pédagogie de rupture, très individualisée.
Monde d’après cherche cadres rompus à la géopolitique
Des formations de choix pour aider les jeunes diplômés et les entreprises qu’ils rejoindront à affronter le monde d’après. « Souveraineté nationale, nationalisation, réindustrialisation, multilatéralisme, chaine de valeur, guerre commerciale… pour se pencher sur ces problématiques centrales dans cette ère post-Covid, les entreprises vont avoir besoin de collaborateurs capables de comprendre ou de créer de nouvelles grilles de lecture » précise Jean-François Fiorina.
Adieu le par cœur, bonjour l’interprétation et l’anticipation. Car aujourd’hui plus que jamais, « les entreprises se soucient moins de ce que leurs jeunes recrues ont appris, que de leur comportement et de leur potentiel. Ce qui intéresse les entreprises qui chassent des cadres à haut niveau c’est cette capacité à décider dans l’incertitude et ce recul critique générés par la lecture de classiques » ajoute Thomas Flichy de la Neuville. Il ne s’agit donc plus de remplir les cases d’un organigramme mais bien de capitaliser sur les dons des individus et construire l’organisation en fonction.